Salimata Koné, Thaïs Brouck, Nelly Fualdes
Africa-Press – CentrAfricaine. L’ancienne ministre rwandaise prendra le 1er octobre la tête du bureau Afrique de l’Organisation internationale, où elle remplace la Nigériane Cynthia Samuel-Olonjuwon.
Dix choses à savoir sur – Fanfan Rwanyindo Kayirangwa, passée par Commercial Bank of Rwanda et jusque-là ministre du Travail et de la Fonction publique du Rwanda, est attendue à Abidjan, le 1er octobre, pour prendre ses fonctions de directrice générale adjointe de l’Organisation internationale du travail (OIT) et de directrice régionale Afrique de l’institution.
La lutte contre le travail des enfants, le lobbying pour davantage de justice sociale et de décence au travail auprès des salariés et des employeurs sont autant de chantiers que lui laisse sa prédécesseuse, la Nigériane Cynthia Samuel-Olonjuwon, nommée représentante de l’OIT auprès des Nations unies à New York.
1 – Centenaire
Alors que le Système des Nations unies, auquel est rattachée l’agence, est né au lendemain de la Seconde guerre mondiale, l’OIT est quant à elle une survivance de la Société des nations, crée après le premier conflit mondial, en 1919. Si aucun pays africain, colonisation oblige, ne figurait alors parmi les membres fondateurs, l’Éthiopie a rejoint l’organisation dès 1923 et a donc fêté en 2023 le centenaire de son appartenance à l’organisation. Il aura cependant fallu attendre 2022 pour qu’un Africain la dirige, le Togolais Gilbert Houngbo.
2- Premier poste international
Cette nomination représente le premier poste d’envergure internationale pour la Rwandaise, encore peu connue en dehors des frontières de son pays. Titulaire d’une licence en droit, obtenue en 1997 à l’université nationale du Rwanda, et d’un master en droit des sociétés de l’University of the Witwatersrand, en Afrique du Sud, Fanfan Rwanyindo Kayirangwa a intégré la Commercial Bank of Rwanda, actuelle I&M Bank, à la fin des années 1990.
3- Édouard Ngirente
Entrée comme conseillère juridique au sein du groupe bancaire (9,4 milliards de francs rwandais de profits net en 2022, soit 7,24 millions d’euros), elle y devient responsable du crédit avant de rejoindre le ministère de la Justice, en 2004. Juge à la Haute Cour de 2004 à 2008, elle rejoint ensuite la Haute Cour commerciale, dont elle est vice-présidente de 2013 à 2017. Cette année-là, elle est appelée au cabinet et nommée ministre du Travail et de la Fonction publique dans le gouvernement d’Édouard Ngirente.
4- Mémoire
La désormais ex-ministre, dont les posts sur les réseaux sociaux portent régulièrement le mot-clé « Kwibuka », commémorant le génocide des Tutsis de 1994, a rejoint le ministère de la Justice au moment où se développaient les Gacaca, ces tribunaux populaires qui ont jugé entre 2002 à 2012 environ 100 000 personnes accusées de génocide. Elle semble garder des mécanismes de justice transitionnelle, et notamment du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), un sentiment amer, regrettant que certains hauts responsables du génocide n’aient pu être jugés, à l’image de Félicien Kabuga.
5- Soft power rwandais
Lors de ses débuts au sein du gouvernement Ngirente, elle côtoie Louise Mushikiwabo, alors ministre des Affaires étrangères et de la Coopération depuis décembre 2009. L’élection de cette dernière à la tête de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), alors même que le pays avait adopté l’anglais comme langue nationale quelques années plus tôt, représente une belle démonstration du soft power rwandais, qui s’est depuis illustré par le partenariat officiel entre Visit Rwanda et les clubs de football britannique Arsenal FC et français Paris Saint-Germain, ou via la participation de stars comme Idriss Elba et Bernard Lama à la cérémonie officielle annuelle de « baptême » de bébés gorilles.
6- Club fermé des dirigeants africains
Bras droit de Gilbert Houngbo, Fanfan Rwanyindo Kayirangwa rejoint, comme sa compatriote Louise Mushikiwabo, le petit club des hauts dirigeants africains d’institutions internationales. Elle y retrouve notamment la Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala, aux commandes de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le Sénégalais Makhtar Diop, à celles de l’IFC, la branche consacrée au secteur privé de la Banque mondiale (BM), l’Éthiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus, qui dirige l’Organisation mondiale de la santé, ou encore le Camerounais Lazare Eloundou Assomo, à la tête du Centre du patrimoine mondial à l’Unesco.
7- Travail des enfants
La nouvelle cheffe, qui n’a pas encore dévoilé sa feuille de route à la tête de ce département, est attendue notamment sur l’éradication du travail des enfants, cible 8.7 des objectifs de développement durable (ODD) de l’ONU, et sujet cher à la Nigériane Cynthia Samuel-Olonjuwon. La jeunesse, plus généralement, devrait être au cœur de sa politique, alors que plus de la moitié des jeunes dans le monde vivront en Afrique à l’horizon 2045, soulignait l’ex-directrice Afrique de l’OIT, plaidant pour que celle-ci « soit une force et non un fléau ».
8- Transitions
Alors que l’OIT vient de lancer une large campagne de communication autour des enjeux de justice sociale, la nouvelle directrice Afrique se montre mobilisée en particulier sur les questions d’empowerment féminin, et sensible à la question de l’inclusion des personnes handicapées, notamment autistes, dans le monde du travail. Fanfan Rwanyindo Kayirangwa devra également veiller à favoriser les transitions de l’économie informelle (84 % des emplois en Afrique aujourd’hui) vers l’économie formelle, gage de développement d’une protection sociale, et d’une économie classique vers une économie écologiquement durable.
9- Présentiel
Le télétravail a beau s’être largement développé du fait de la pandémie de Covid, la nouvelle cadre de l’OIT a l’air de privilégier le présentiel, si l’on en croit un communiqué publié sous sa signature en juillet dernier. En qualité de ministre de la Fonction publique, elle avertit les fonctionnaires que leur « présence physique » à leur poste de travail est « une exigence ».
10- Nobel(s)
L’University of the Witwatersrand (ou Wits), dont elle est diplômée, s’enorgueillit d’avoir formé pas moins de quatre prix Nobel, dont Nelson Mandela, prix Nobel de la Paix en 1993. Mais aussi Aaron Klug (chimie, 1982), Nadine Gordimer (littérature, 1991) et Sydney Brenner (médecine, 2002). De son côté, l’OIT s’était elle aussi vu remettre la prestigieuse médaille de prix Nobel de la Paix en 1969.
Source: JeuneAfrique
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