Ibrahim Traoré Prêche la Liberté au Togo

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Ibrahim Traoré Prêche la Liberté au Togo
Ibrahim Traoré Prêche la Liberté au Togo

Africa-Press – CentrAfricaine. Le Président burkinabé Ibrahim Traoré appelle les Togolais à se lever pour la dignité dans leur pays, tout en réprimant violemment des journalistes, civils et opposants chez lui au Burkina Faso.

En effet, le capitaine Ibrahim Traoré, qui a pris le pouvoir par un coup d’État en septembre 2022, vient de créer la surprise en Afrique de l’Ouest. Il soutient ouvertement les manifestations au Togo comme un opposant mais se présente comme un « fils du continent » plutôt que comme un chef d’État. Dans un long discours de 10 minutes diffusé dimanche sur les réseaux sociaux, il a encouragé les manifestants Togolais à « refuser la peur », « protéger leur dignité » et « marcher sans haine ». Il a même demandé aux forces de sécurité de « ne pas écraser le peuple » et de « défendre la justice ».

Ces déclarations tranchent pourtant avec ce qui se passe réellement au Burkina Faso, son propre pays. Le régime militaire qu’il dirige multiplie sans cesse les arrestations, ferme des médias et interdit les rassemblements qui dérangent. En avril 2023, les forces burkinabè ont violemment dispersé un rassemblement pacifique à Ouagadougou contre l’insécurité et la vie chère. Plusieurs leaders civils ont été arrêtés. Depuis l’arrivée du président Ibrahim Traoré, des journalistes comme Newton Ahmed Barry ou Lookman Sawadogo dénoncent des pressions directes. Des sites d’information indépendants, dont Oméga Media, ont été suspendus sous prétexte de « protection de l’ordre public ».

Le capitaine Ibrahim Traoré parle d’un « éveil panafricain » et soutient les mouvements contre les présidents qui « changent les constitutions comme des chemises ». Pourtant, lui-même n’a jamais fixé de date d’élections pour un retour au pouvoir civil. Les Burkinabè vivent dans un climat de peur, nourri par des exécutions extrajudiciaires et la violence des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP). Plusieurs ONG, comme Human Rights Watch et Amnesty International, ont documenté des cas de civils exécutés sur simple soupçon de complicité avec les groupes armés.

Sur le plan diplomatique, Ibrahim Traoré maintient une alliance étroite avec le Mali et le Niger, tous dirigés par des juntes militaires. Il multiplie aussi les signaux d’ouverture vers la Russie et le groupe paramilitaire Wagner. Cette orientation nourrit l’idée d’un « bloc anti-occidental » soutenu par Moscou. Son discours au Togo reprend d’ailleurs les codes habituels: dénonciation des élites, rejet de l’ordre constitutionnel, appel à la « souveraineté africaine » et à la « libération » par la rue.

Les contradictions sautent aux yeux. Il encourage la jeunesse togolaise à « marcher sans peur » et à « refuser la haine », alors qu’au Burkina Faso, toute contestation est considérée comme une menace sécuritaire. Il appelle les policiers togolais à protéger leurs frères, mais au Burkina, les militaires tirent parfois sur des manifestants. Il évoque la « lumière dans la nuit noire » au Togo, alors que les voix dissidentes chez lui sont réduites au silence.

Pour de nombreux analystes, ce discours confirme l’alignement stratégique du Burkina Faso sur les positions russes et l’influence grandissante de Wagner, déjà active dans le pays. Ces prises de parole visent à alimenter une révolte généralisée contre les régimes civils perçus comme proches de l’Occident, tout en consolidant la popularité régionale de Traoré.

Dans les rues de Ouagadougou, certains dénoncent un « double langage » dangereux. « Il défend la liberté des autres pendant qu’il nous enferme », résume un enseignant syndicaliste menacé après avoir critiqué les VDP. D’autres y voient un calcul politique visant à légitimer sa propre position et à séduire une jeunesse frustrée par la pauvreté et les inégalités.

Pendant que Ibrahim Traoré invite les Togolais à « ne pas céder à la haine », les Burkinabè attendent toujours des réponses sur l’insécurité, la crise humanitaire et les libertés fondamentales. Son discours représente un tournant dans la stratégie régionale et confirme l’ombre de Moscou derrière ses mots.

À Ouagadougou comme à Lomé, beaucoup se posent la question: Ibrahim Traoré est-il un simple « frère africain » sincère ou le porte-voix d’un projet plus large, façonné par Wagner et la Russie…?

 

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