La galaxie d’Andromède moins massive que prévu : quelle conséquence cette découverte a-t-elle sur la matière noire ?

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La galaxie d’Andromède moins massive que prévu : quelle conséquence cette découverte a-t-elle sur la matière noire ?
La galaxie d’Andromède moins massive que prévu : quelle conséquence cette découverte a-t-elle sur la matière noire ?

Africa-Press – CentrAfricaine. La galaxie d’Andromède (M 31) est-elle bien moins massive qu’on ne le pensait ? C’est ce qu’affirme une étude publiée le 3 février 2025 dans Astronomy & Astrophysics. D’après cette collaboration internationale impliquant des chercheurs de l’Observatoire de Paris – PSL, des universités Aix-Marseille, Andres Bello (Santiago du Chili), de Padoue (Italie) et de l’Institut d’Astrophysique de Paris, Andromède « pèse » 450 milliards de masses solaires, soit deux à quatre fois moins que les estimations précédentes. « Dans cette étude, nous avons cherché à englober la totalité des résultats connus sur Andromède, une galaxie étudiée depuis longtemps, résume François Hammer, astrophysicien à l’observatoire de Paris et coauteur de la publication. Récemment encore, les programmes PHAST (Panchromatic Hubble Andromeda Treasury) et PHAT (Panchromatic Hubble Andromeda Treasury) de la NASA ont livré des informations sur 200 millions d’étoiles de la galaxie. Toutes ces données dessinent une histoire d’Andromède qui nous a amené à réviser sa masse ».

Andromède a une histoire plus tourmentée que la Voie lactée

Andromède est bien connue des astronomes amateurs. Son diamètre apparent est six fois plus grand que celui de la pleine Lune, mais sa faible luminosité (elle se trouve à 2,5 millions d’années-lumière) nécessite un instrument pour la contempler. Longtemps considérée comme une jumelle de la Voie lactée en raison de sa structure spirale, elle s’en distingue pourtant profondément. « En réalité, il est difficile d’imaginer deux galaxies spirales plus différentes », souligne l’astrophysicien.

Contrairement à notre galaxie, qui n’a pas connu de collision majeure depuis 10 milliards d’années, Andromède a subi un choc il y a seulement 2,5 milliards d’années. Cette fusion a profondément modifié sa structure, notamment en épaississant son disque où se trouvent la majorité des étoiles, du gaz et de la poussière interstellaire. Cet épaississement est une conséquence des perturbations gravitationnelles subies par les étoiles lors du mélange des deux galaxies. Dans la Voie lactée, une étoile comme le Soleil suit une trajectoire stable, avec une vitesse de rotation de 235 km/s et des mouvements perpendiculaires très limités (environ 10 km/s). Rien à voir avec Andromède. « Une étoile de même âge que le Soleil, et située à peu près à la même distance du centre de la galaxie aura la même vitesse de rotation, mais plus du tout la même vitesse perpendiculaire qui sont de l’ordre de 100 à 150 km/s. L’étoile bouge dans tous les sens ! Et c’est le cas de la plupart des étoiles plus vieilles que 2 à 3 milliards d’années ».

Perte d’équilibre

Par ailleurs, au-delà d’un rayon de 80.000 années-lumière, la matière n’est plus à l’équilibre avec les forces gravitationnelles de la galaxie car elle n’a pas eu le temps de décrire suffisamment d’orbites depuis la grande collision. Or, cette notion d’équilibre est fondamentale pour établir la masse d’une galaxie. Car la vitesse d’une étoile ou du gaz autour du centre de la galaxie est directement proportionnelle à la masse de la galaxie, selon les lois de Kepler, à condition que le système soit à l’équilibre…

Pour estimer la masse d’Andromède, qui comprend la matière visible (étoile, gaz) et la matière noire, François Hammer et ses collègues ont donc utilisé différents modèles (au moins 500) de fusion entre galaxies pour estimer la distribution du gaz d’Andromède en fonction de la distance au centre galactique après la fusion. « Nous avons joué sur plusieurs paramètres afin d’aboutir à un modèle qui reproduit plusieurs caractéristiques d’Andromède, par exemple une vitesse accrue du gaz aux limites de la galaxie. Cela correspond au fait que 2,5 milliards d’années après la collision, de la matière continue de « tomber » sur Andromède ».

La part de matière noire dans Andromède revue à la baisse…

Mais le principal enseignement de cette étude est que le modèle ne fonctionne que pour une masse bien plus faible qu’estimée jusque-là. Comme la masse visible – étoiles et gaz – ne peut être réduite puisqu’on la voit bien, c’est la part de matière noire qui diminue. « Cela augmente mécaniquement la part de matière ordinaire qui représente au minimum un tiers de la masse totale, alors que les modèles cosmologiques prédisent un ratio d’environ un sixième. Cela semble en contradiction avec les modèles cosmologiques », constate François Hammer.

Sciences et Avenir a demandé à l’astrophysicienne Françoise Combes titulaire de la chaire « Galaxies et cosmologie » au Collège de France, et qui a beaucoup étudié Andromède, son sentiment sur ces résultats. La scientifique rappelle qu’en effet, « Andromède est une galaxie spirale très perturbée. De nombreuses études ont montré des traces de plusieurs fusions majeures ou mineures, dans un passé très récent ».

L’astrophysicienne confirme donc que « le système est hors d’équilibre, et dans ces conditions essayer de dériver une courbe de rotation, surtout loin du centre, est un grand défi, auquel s’attaquent Francois Hammer et ses collaborateurs. De nombreux groupes s’y sont essayés, et sans surprise trouvent des résultats très différents, selon les méthodes employées ». Quant aux conclusions de l’étude, Françoise Combes souligne que « ces modèles [de fusion] sont loin d’être uniques, il en faudrait des milliers ou plus pour avoir une idée globale de toutes les possibilités, et peut-être statistiquement avoir une idée de la quantité de matière noire autour du système ».

… une tendance qui pourrait se généraliser à d’autres galaxies

Jean-Baptiste Salomon, docteur en astrophysique, constate que « c’est une jolie simulation qui présente une ressemblance certaine avec les observations et dessine un scénario de fusion plausible, mais il est difficile d’en dire plus, car nous sommes hors équilibre. Il est pour l’instant impossible d’y appliquer des équations théoriques, ou de généraliser ce modèle à d’autres galaxies ». Il note également que l’étude de Hammer se concentre principalement sur la courbe de rotation du gaz et quelques caractéristiques saillantes de la spirale.

Nous sommes encore loin d’un modèle détaillé de la galaxie d’Andromède où davantage de paramètres seraient pris en compte comme « les variations locales de densité des étoiles, de composition chimique, de relation entre leur âge et leur vitesse… » Toutefois, la conclusion principale de l’étude – une révision à la baisse de la quantité de matière noire dans M31 – séduit Jean-Baptiste Salomon. « Je suis tout à fait en accord avec cette tendance. J’ai d’ailleurs publié des travaux qui mettent en lumière des déséquilibres dans la Voie lactée et Andromède, ce qui peut engendrer une surestimation de la quantité de matière noire nécessaire. Jusqu’ici, nous étudiions les galaxies en nous basant sur des moyennes, en supposant que les étoiles et le gaz étaient en équilibre. Désormais, nous disposons d’instruments bien plus précis qui nous permettent d’observer des variations locales et de constater que les systèmes sont hors équilibre. Face à cela, deux options s’offrent à nous: ajouter de la matière noire pour corriger ces déséquilibres, ou bien en rechercher l’origine physique. De plus en plus, la communauté explore la seconde solution, en mettant en avant des causes externes, comme les fusions galactiques ».

Cette révision à la baisse de la proportion de matière noire s’inscrit ainsi dans une tendance plus large. En novembre dernier, François Hammer avait déjà fait parler de lui en publiant une étude sur la Voie lactée, basée sur les relevés de Gaïa, qui aboutissait à une conclusion similaire. Il reste désormais à étudier d’autres galaxies proches afin de vérifier si la tendance se confirme…

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