Africa-Press – Comores. La Turquie défend l’idée que les ressources de l’Afrique doivent revenir aux Africains, et développe ainsi une politique basée sur le gagnant-gagnant dans ses relations avec les pays du continent africain”.
C’est avec ces mots que l’Ambassadrice Nur Sagman, Directrice générale Afrique de l’ouest et centrale du ministère turc des Affaires étrangères, explique l’approche de la Turquie en Afrique.
L’ambassadrice a accordé une interview à l’Agence Anadolu (AA) dans le cadre du “Dossier Afrique” préparé par l’agence à l’occasion de la “Journée de l’Afrique”.
Connaissons-nous suffisamment l’Afrique ? Quelle part de ce que nous pensons connaitre de l’Afrique est juste ?
Nous avons tendance à limiter l’Afrique à l’Afrique du nord, et nous ne connaissons pas suffisamment l’Afrique subsaharienne. Nous connaissons aussi l’Afrique du sud. Mais certaines images erronées sur l’Afrique persistent. Certains même pensent que l’Afrique n’est qu’un seul pays. Pourtant l’Afrique est un continent composé de 54 pays, qui compte au total 1,2 milliards d’habitants, et qui représente un potentiel incroyable. Effectivement le continent est confronté à la pauvreté, à des conflits, à l’instabilité, mais quelle région du monde peut se targuer d’y échapper ? L’Ukraine est aujourd’hui confrontée à une guerre par exemple, il est donc injuste de résumer l’Afrique à des points négatifs. L’Afrique possède un potentiel incroyable, tant en matière de population qu’en terme de terres agricoles utilisables. Je ne parle même pas des ressources naturelles extrêmement riches et abondantes. Certains parlent de l’Afrique en disant qu’il s’agit du ‘continent de demain’, mais l’Afrique est le présent. Mais on continue de qualifier l’Afrique par rapport aux problèmes hérités du passé.
Les relations Turquie-Afrique ont un long passé. En 2002, la Turquie ne comptait que 12 ambassades sur ce continent, aujourd’hui elles sont au nombre de 43. Comment se sont développées les relations Turquie-Afrique ces 20 dernières années ?
La Turquie a une longue histoire dans ses relations avec l’Afrique, mais d’un point de vue diplomatique, il y a eu une accélération remarquable depuis 2002. Actuellement, la Turquie compte 43 ambassades en Afrique. Ce nombre passera bientôt à 44. Une ambassade sera également ouverte au Togo. Cependant, il ne faut pas observer ces développements unilatéralement. L’Afrique montre aussi le même intérêt envers la Turquie. Actuellement, 37 pays du continent africain ont des ambassades en Turquie. Ce nombre passera bientôt à 38. Bien sûr, ces développements ne doivent pas être considérés uniquement comme des représentations diplomatiques. La Turquie est présente sur le continent africain avec de nombreuses institutions et organisations telles que la TIKA (Agence turque de coopération et coordination), la Fondation éducative Maarif, le Croissant-Rouge turc, l’Agence Anadolu et la compagnie aérienne Turkish Airlines. La Turquie est en Afrique avec son cœur. La Turquie agit comme un ensemble : nos ambassades ouvrent, puis nos consultants, nos attachés militaires et commerciaux, puis les vols Turkish Airlines, les écoles de la Fondation Maarif, les bourses de la Présidence des Turcs de l’étranger et des communautés apparentées (YTB) suivent. D’hier à aujourd’hui, nous avons accordé des bourses à 14 000 étudiants africains. Sans même parler du secteur privé.
Quelles coopérations stratégiques existent entre la Turquie et les pays africains ?
Comme vous le savez, l’Union africaine a décrété la Turquie “partenaire stratégique”. En plus de bonnes relations bilatérales, la Turquie a aussi une importante coopération structurelle avec les pays africains. Il y a peu de temps nous avons organisé le Sommet du partenariat avec l’Afrique. Malgré la pandémie, le sommet a recueilli une très forte participation. 16 chefs d’État et de gouvernement, 100 ministres et 25 ministres des Affaires étrangères ont participé à l’évènement à Istanbul. Les Africains ont montré un intérêt tout particulier au sommet, ce qui a permis de renforcer nos relations et notre partenariat stratégique. Lors du sommet, divers plans d’actions ont été adoptés, composant notre agenda commun jusqu’en 2026. Nous avons des partenariats stratégiques dans tous les domaines avec les pays africains, tant au niveau bilatéral qu’avec l’Union africaine.
Quels pays ou secteurs sortent du lot dans les coopérations de la Turquie avec le continent africain ?
Il y a quelques années, j’aurais probablement pu l’affirmer. Bien sûr, la coopération varie selon les régions et les besoins des pays. La Turquie mène des relations et des partenariats en fonction des besoins de ses partenaires africains. Croyez-moi, la Turquie coopère actuellement avec tous les pays d’Afrique. La Turquie pense que les ressources africaines doivent être utilisées au profit des Africains dans le cadre d’une relation gagnant-gagnant, et elle coopère et développe ses partenariats dans ce sens.
La Turquie n’est pas le seul acteur en Afrique, qu’est ce qui la distingue des autres ?
La Turquie a un modèle de partenariat très particulier avec l’Afrique, car la Turquie valorise l’égalité, le respect mutuel, la transparence et la sincérité dans ses relations bilatérales. Les Africains le voient clairement. Nous avons une bonne réciprocité. Certains pays demandent à la Turquie “son agenda secret dans ses relations avec l’Afrique”. Il n’y a aucun agenda secret. Il s’agit purement de partenariat. Nous travaillons et émergeons ensemble. La Turquie n’intervient jamais dans les affaires intérieures des pays africains. Elle se place toujours aux côtés des peuples. Comme vous le savez, des coups d’État sont orchestrés dans certains pays et des sanctions y sont imposées. La Turquie essaie de rester aux côtés des peuples, sans intervenir dans les affaires intérieures. La Turquie mène un partenariat très réussi avec les pays africains, suivant le principe de gagnant-gagnant.
En quoi les relations turco-africaines présentent un “modèle de relations gagnant-gagnant” ?
La Turquie fournit une aide au développement très importante aux pays africains. Une aide d’une valeur de 2,2 milliards de dollars a été réalisée ces 14 dernières années et le volume commercial turco-africain est très important. La Turquie et les pays africains gagnent de ce volume. Le montant s’élevait à 25,4 milliards de dollars en 2021. L’objectif est d’atteindre les 50 milliards de dollars. Des entreprises turques opèrent dans les pays africains. Les entreprises turques prennent part dans environ 1 700 projets à travers le continent. Malheureusement, les médias montrent comme si la Turquie est toujours ‘donneur’ dans les relations avec l’Afrique. Les travaux d’aide réalisés par la Turquie sont mis au premier plan surtout. C’est vrai, la Turquie déploie beaucoup d’efforts en termes d’aide humanitaire en Afrique, mais les relations turco-africaines ne sont pas que ça. Les relations turco-africaines ont plusieurs dimensions. Ce réseau compte un potentiel si important que tout le monde peut gagner. Avec les récents développements survenus, la crise alimentaire a été évoquée. L’Afrique en est la solution.
Comment évalue la communauté internationale les activités menées par la Turquie en Afrique ?
Tout le monde est curieux de découvrir le modèle de la Turquie. Nombreux pays occidentaux souhaitent nous consulter à propos de l’Afrique. Des réunions sont organisées pour comprendre ce que fait la Turquie en Afrique. Le Directeur général chargé des affaires africaines en France est venu à Ankara au début de l’année, nous nous sommes réunis, tout comme avec des responsables portugais. L’Union européenne (UE) en discute aussi. Le modèle turc en Afrique suscite beaucoup d’intérêt. On nous demande également ce que “fait la Turquie en Afrique ?”, mais tout le monde a compris que la Turquie est un acteur puissant à l’échelle mondiale. Nous sommes présents en Afrique, car l’Afrique le veut et nous le voulons aussi.
Le modèle turc est-il considéré comme réussi ?
Absolument. Imaginez : notre Président Recep Tayyip Erdogan est à la tête des leaders ayant le plus visité l’Afrique. Notre ministre Mevlut Cavusoglu est le ministre des Affaires étrangères qui a accueilli le plus d’homologues africains. En 2021, alors que la pandémie de Covid-19 faisait des ravages, nous avons accueilli 38 délégations venant d’Afrique. Il y a toujours un trafic. Les responsables africains veulent venir en Turquie et nous voulons partir en Afrique. Le Président Erdogan a effectué des visites au Sénégal et en République démocratique du Congo en février 2022. Ces visites contribuent beaucoup à l’approfondissement des relations bilatérales. Le Forum d’Antalya sur la Diplomatie avait été organisé pour la première fois en 2021, et la deuxième édition a été organisée en mars 2022. Les délégations les plus élargies sont venues d’Afrique. Qu’est-ce d’autre que la réussite ?
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