Andjouza Abouheir
Africa-Press – Comores. À deux semaines de l’élection présidentielle, le candidat Mouigni Baraka a accepté de répondre à nos questions.
Question : Quelle est votre vision pour le pays et quelles sont vos principales priorités en tant que président ?
Mouigni Baraka : Tout d’abord je suis un ancien administrateur avec 15 ans d’expériences, et ancien gouverneur de l’ile de Ngazidja, donc mes priorités sont celles du pays. Il y a plusieurs volets à savoir le volet politique, qui vient de s’inviter sur table. Nous avions une Constitution qui reflétait surtout les aspirations des îles. Cette constitution avait deux points essentiels à savoir la tournante et l’autonomie des îles. Malheureusement nous avons assisté à un balayage total de cette Constitution. Donc nous allons passer par une réforme de la Constitution plus particulièrement, le retour à l’ordre constitutionnel. C’est d’ailleurs le sujet de bataille de l’opposition. Nous réclamons toujours le respect de l’Accord de Fomboni et de mettre de côté la Constitution taillée sur mesure d’Azali Assoumani. Il est temps d’appeler toutes les tendances politiques, notamment la société civile autour d’une table ronde pour un retour à l’ordre constitutionnel. Le but est de renforcer l’unité nationale et la solidarité des îles. Les deux points à discuter ce serait l’autonomie et la tournante. Nous devons restaurer l’autorité de l’Etat pour endiguer toute forme de favoritisme et de laxisme dans la gestion des affaires de l’Etat. L’autonomie, ce n’est pas que du côté de l’administration mais aussi le coté financier. Je pense que le gouverneur de l’île doit avoir le minimum pour répondre à certaines obligations de l’île en question. Quand j’étais gouverneur, je fais des actions qui sont gravés dans l’esprit des Comoriens, qui ont assuré la stabilité de l’île. Je pense qu’il est important de réinstaurer l’autonomie de l’île pour garantir la stabilité et aussi aider le pays à décoller en même temps.
Le deuxième volet, il est plutôt économique, surtout la question de l’administration elle-même. Parmi les questions qui rongent le pays c’est la fonction publique. Il y a certaines anomalies à corriger. Nous avons une administration pléthorique et inefficace. Il y a aussi la lutte contre corruption qui a pris une dimension inquiétante dans notre pays. Nous sommes classés 10e en matière de corruption dans le monde. Aujourd’hui nous avons un budget qui va jusqu’à 100 milliards de nos francs, c’est un peu excessif. Le recouvrement ne dépasse pas les 50%. Je vais essayer de fermer tous les tuyaux en mettant des mesures comme des nouvelles stratégies d’amélioration et de sécurisation des recettes de l’Etat et maitriser les dépenses publiques, appliquer une pédagogie collective qui puisse éradiquer tout ce qui favorise la corruption, à la réduction de train de l’État. Je pense à réduire le salaire du chef de l’Etat à 7 millions de nos francs et réduire les voyages et surtout les fortes délégations. Cette manne d’argent nous allons l’utiliser en créant des emplois aux jeunes. Il y a d’autres comme l’environnement, la lutte contre la pauvreté, l’éducation, la santé, la création d’emploi des jeunes etc.
Question : Kiki a déclaré qu’il est prêt à ce que l’opposition présente un candidat unique face au président sortant. Est-ce que c’est une bonne démarche ?
Mouigni Baraka : Je ne peux pas critiquer son idée. Je me demande sur quelle base il pose sa problématique. Faire cela, c’est éviter de dire la vérité. Le problème ce n’est pas une question de candidat. C’est plutôt la règle du jeu. Au lieu de parler de la sécurisation, de la manière où nous allons avoir des résultats, on nous parle d’un candidat unique. Moi je sais qu’aujourd’hui la CRC essaie de tout avoir au niveau des bureaux de vote. C’est-à-dire100% des membres de bureaux. Nous avons 868 bureaux de votes et chaque bureau de vote aura 5 membres. Imaginer si nous avons 5 personnes face à un assesseur. Le jeu est fait. Par contre 5 personnes face à 5 assesseurs, je pense que le match sera équitable. Je suis contre cet esprit qui, je sais bien, ne sera pas en faveur de l’opposition.
Question : Que pensez-vous de l’intention de Salim Issa d’écourter son mandat une fois élu pour permettre la reprise de la tournante au profit d’Anjouan ?
M.B : Je pense qu’on n’en arrivera pas là. Moi je préfère montrer en détail ce qui doit se passer. Avant d’écourter le mandat, il faut une Constitution. On ne peut pas le faire avec l’actuelle Constitution, ce serait une démission. Moi je préfère parler d’une table ronde qui réunira tous les enfants comoriens. Car je sais qu’il y a des quoi à corriger sur la Constitution actuelle. Je peux écourter le mandat mais à l’issu de la table ronde. Je souligne que dans cette nouvelle Constitution, il y a une chose importante que nous dévons mener. C’est la question du garde-fou. On nous a toujours reproché que nous n’avons pas mis un garde-fou sur l’ancienne Constitution. On ne peut pas permettre au président de faire ce qu’il veut. C’est pour cela qu’il faut placer les mots là où il faut. Il ne faudrait pas balancer des mots qui vont satisfaire certains et qui n’ont pas de sens dans la réalité. Moi j’aimerais démontrer la réalité et montrer au politique et aux jeunes la démarche à suivre, expliquer la population les solutions que nous allons mettre en application pour que le pays retrouve la stabilité et qu’il décolle.
Question : Depuis quelques années, le système éducatif comorien est miné par des grèves à répétition. Quels sont vos solutions pour une amélioration ?
M.B : Je vais toujours me référer à mes cinq ans de mandature en tant que gouverneur. J’ai vu pas mal de difficultés autour de l’éducation notamment sur la question des équipements. J’avais mis un programme de distribution de fourniture gratuite et de mutuelle de santé. Aujourd’hui le système éducatif national ne répond pas aux exigences socioéconomiques de notre pays. Les formations ne sont pas adaptées. Je vais valoriser le rapport final issu des dernières assises nationales sur l’éducation. Renforcer et généraliser la gratuité des fournitures scolaires dans les écoles publiques, valoriser la carrière d’enseignant et son salaire, remettre de l’ordre sur l’attribution de bourses pour l’enseignement supérieur, etc… Je pense que les moyens ne suffisent pas pour régler les choses, il faut aussi que l’Etat soit près des enseignants et que les enseignants soit près des parents. Il faut regarder de près cette question de grille indiciaire. Car aujourd’hui un enseignant qui est payé 50.000 Fc avec cette conjoncture économique, comment va-t-il faire pour subvenir aux besoins de sa famille ? C’est inadmissible. D’où l’idée de réduire le salaire du chef de l’Etat et ses membres.
Question : On est à quelques jours des élections et un entretien téléphonique relayé par Comores infos vous accable de mettre en place des procédés illégales pour gagner des voix à Anjouan en les achetant. Que répondez-vous ?
M.B : Je n’ai jamais été un tricheur. J’ai été victime de la nouvelle technologie. Beaucoup ont entendu et m’ont soutenu car ils savent que je ne ferai jamais une chose pareille, je les remercie. Nous sommes en période de campagnes, chacun a besoin de blesser l’autre. Même de l’écarter de la course. J’étais à Paris récemment, j’ai été en classe business et comme par hasard mes deux colis portant mes photos, ont été volatilisées dans la nature. Ils ont été égarés. Comment je peux le comprendre ? Je suis rayé de la liste protocolaire malgré mon statut d’ancien gouverneur. Je n’ai pas le droit d’accéder au salon VIP, peut-être qu’ils m’ont retiré le passeport diplomatique. Ils savent ce qu’ils veulent et moi je sais ce que je veux : je veux être président, je veux un pays stable et calme, un pays où chacun aura le droit de s’exprimer et on va remporter cette bataille.
Question : Quelle politique économiques proposeriez-vous pour stimuler la croissance et créer des opportunités d’emploi ?
M.B : Nous avons une enveloppe qui sera disponible, qui s’évalue jusque 4 milliards de nos francs l’année. Pour stimuler les opérateurs, il faut d’abord les encourager à travailler. Il faut réduire les charges à savoir les charges liées au fret aéroportuaires, aux impôts. Les moyens sont là. Nous pensons que nous devons inciter la production nationale. C’est pour cela que nous allons créer des axes qui nous permettront que les agriculteurs puissent se lancer. J’ai pris l’engagement de relever des taxes sur des produits qui viennent de l’extérieur. Il faut aussi encourager les petit et moyens entreprises, développer les dispositifs de garanties qui permettent de faciliter l’accès au financement. Il faut réduire les importations. L’emploi reste et demeure une priorité. L’objectif est de créer des emplois pour tous secteurs confondus. Et beaucoup et à faire comme la formalisation du secteur informel.
Question : Quelles initiatives proposez-vous pour faire face aux défis environnementaux, tels que le changement climatique, et promouvoir la durabilité ?
Mouigni Baraka : Nous sommes dans un pays insulaire avec beaucoup de menaces. Nous vivons ce qu’on appelle aujourd’hui le réchauffement climatique. Il y a des engagements que l’Etat a pris avec certaines partenaires, il faut déjà les respecter et les répondre. Ce qui est dommage est que l’Etat n’attend que des aides pour poser des actions visibles. Ce qui nous pouvons mener, surtout sur le sujet de la déforestation ou la question des villes propres. Cette question d’environnement a plus de conséquences sur les agriculteurs et les pêcheurs. Pour le monde rural nous pouvons créer un crédit agricole national afin d’accompagner le financement en capital et en dette des producteurs agricoles, développer des emplois ruraux non agricoles qui accompagnent l’agriculture en rendant disponible l’énergie, l’eau et les technologies numériques. Ma vision est aussi de définir une politique d’éducation pour la protection de l’environnement, maitriser les gestions des airs protégés.
Question : quelles mesures prendrez-vous pour renforcer le système de santé national et de garantir l’accès aux soins pour tous ?
M.B : Il n’y a pas de formule magique. Aujourd’hui un programme est en étude entre le gouvernement en place et les autorités françaises à savoir la couverture sanitaire. C’est un très bon programme sauf que l’Etat ne se donne pas les moyens pour financer ces opérations. L’étude est déjà faite, il faut juste les moyens à mettre sur la table. Pour que ce programme voie le jour. Tout le monde aura des soins à moindre couts. L’idée est d’établir un système de santé adéquat, efficient, accessible et universel pour permettre l’amélioration du taux de couverture maladie et l’accélération de l’atteinte des objectifs de développement durable liés au secteur santé.
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