En Côte-d’Ivoire le nœud politique à dénouer n’est pas la limite d’âge, mais l’éducation aux normes démocratiques et républicaines

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En Côte-d’Ivoire le nœud politique à dénouer n’est pas la limite d’âge, mais l’éducation aux normes démocratiques et républicaines
En Côte-d’Ivoire le nœud politique à dénouer n’est pas la limite d’âge, mais l’éducation aux normes démocratiques et républicaines

Africa-PressCôte d’Ivoire. Libre opinion – Le nœud gordien politique à dénouer n’est pas celui de la limite d’âge, mais celui de l’éducation aux normes démocratiques et républicaines…

Par Docteur Sékou Oumar Diarra

J’entends dire çà et là que la Côte d’Ivoire ne retrouvera une paix définitive que le jour où

ces doyens ou dinosaures de la politique décideront de faire valoir leurs droits à la retraite.

Les porteurs de cette thèse fondent leur position sur le fait que ces trois icônes du marigot

politique ivoirien sont bourrées de ressentiments les uns envers les autres, se vouent une haine

viscérale et atrabilaire et ont, chacun, utilisé l’appareil de l’État pour régler des comptes

personnels, instrumentalisé la justice censée être neutre, objective, impartiale, pour assouvir

des vengeances.

Le président Bédié, dans son livre-interview intitulé Les chemins de ma vie, nous donne un aperçu de cette atmosphère politique chargée de rivalités, d’animosités : « En

politique, il existe des problèmes insolubles. Les problèmes de rivalité entre personnes, liés

aux ambitions. » (P. 164) Sans toutefois nier la réalité de cette ambiance électrique, mortifère,

cataclysmique vu les dégâts matériels perpétrés et le nombre vertigineux de personnes

lâchement assassinées, tuées depuis le rappel à Dieu du père de la nation ivoirienne, le

président Félix Houphouët-Boigny, je ne pense pas qu’obliger les présidents Bédié, Ouattara

et Gbagbo à une retraite politique forcée, soit la panacée adaptée au mal-être politique ivoirien

ou encore la solution pour un retour effectif à une normalité politique. Le mal me paraît être

beaucoup plus profond et semble réclamer comme solutions, une acceptation sincère, non

feinte, sans pharisaïsme des règles du jeu démocratique qui imposent une polyphonie de l’aire

politique et une acclimatation, une éducation aux fondamentaux et principes de la démocratie

libérale et du républicanisme.

Sans ce préalable et, l’homme étant le reflet de son milieu, de la société qui le secrète, un

renouvellement de la classe politique n’apportera absolument rien. Ces jeunes sortis des

officines politiques qui prendront le relais, reproduiront sous des formes encore plus graves et

préoccupantes, ces contextes chaotiques rappelant l’état de nature qui ont, dans un passé

récent, ensanglanté le pays, balafré la mère-patrie, planté le glaive en plein cœur de la nation.

Une démocratie ignorante est un oxymoron. Tout doit se faire et s’organiser autour d’une Loi

fondamentale consensuelle que tous s’engagent à respecter et qui ne peut être l’objet de

manipulations et d’interprétations léonines, tendancieuses, teintées de mauvaise foi manifeste,

de normes de fonctionnement qui soient l’expression parfaite de la volonté générale. Vous

conviendrez avec moi qu’une rencontre de football n’atteint ses objectifs, n’apporte joie et

plaisir aux spectateurs dans les tribunes du stade ou restés devant leur poste récepteur que

lorsque les athlètes, avant d’être invités sur l’aire de jeu, sont, au préalable, instruits, éduqués

aux règles du jeu et acceptent, volontiers, de s’y conformer strictement. Au nom du fair-play

qui exige de tous un respect loyal des règles tacites ou imposées, une défaite régulièrement

infligée devrait être accueillie avec dignité, dépassement, stoïcisme et ne devrait aucunement

être un prétexte pour en découdre physiquement avec l’adversaire, le rouer de coups, pis,

l’occire. En cas d’irrégularités constatées, des voies de recours rationnelles, légales existent et

doivent être exploitées jusqu’à obtenir pleine satisfaction comme c’est le cas dans les

démocraties les plus avancées que nous copions pourtant servilement dans bien de domaines

me paraissant sans intérêts pour nos démocraties à polir, à affiner.

Il faut donc reformater les mentalités dans le noble dessein d’en extraire les vilenies et

données approximatives qui s’y sont incrustées et cristallisées et qui présentent la politique

comme logique malfaisante, ruses accumulées, perversité sereine, jouissance dans le crime,

aire de célébration animale d’inhumanités, d’outrageuses contre-vérités, de l’enrichissement

illicite, de l’immoralité dans tous ses versants, de règlements de compte … Cette cure

permettra assurément d’accoutumer les uns et les autres aux sens et finalités véritables de la

politique comme le dispose son verdict grec qui est de conduire l’homme au bonheur tout en

le rendant éthiquement meilleur. C’est pourquoi, chez Platon, Aristote et même Rousseau, la

politique ne peut être séparée de la morale. Ces deux entités forment un continuum.

Il faut également œuvrer à faire comprendre aux uns et aux autres qu’une formation

politique, bien qu’ayant secrété le tenant du sceptre, ne devrait nullement s’identifier à

l’appareil étatique. Cette grave confusion, dessert nécessairement la nation et ses citoyens

‘’neutres’’ ou affichant des sensibilités politiques différentes. Lorsque pour avoir accès ne

serait-ce qu’à des latrines publiques pour se soulager quand on est sujet à une épreinte

(exemple choisi juste pour rire), il faut présenter une carte de membre du parti au pouvoir,

cela ruine de nombreux efforts, espoirs et musèle nombre de compétences qui ne souhaitent

que mettre leurs savoir-être et leur savoir-faire au service de leur pays sans pour autant

s’engager politiquement ou se réclamant d’idéologies antagonistes. Je me fais fort de le

rappeler parce qu’il m’a déjà été donné de lire sur les réseaux sociaux, les jérémiades de

militants du RHDP farouchement opposés au fait qu’une ministre de la République, elle-

même cadre du RHDP et professeure d’université, ait nommé dans son cabinet, un cadre

d’une formation politique concurrente alors qu’il existerait au sein du parti, des cadres qui

pourraient parfaitement assurer la fonction. Tous ces amalgames et ratiocinations constituent

la preuve flagrante d’une méconnaissance criante des normes républicaines. Ne le perdons pas

de vue : le mot République procède du latin res – publica qui signifie au sens propre « chose

publique » et désigne l’intérêt général puis le gouvernement, la politique et enfin l’État.

En somme, le problème ne se pose pas en termes de renouvellement de la classe politique,

mais plutôt en termes de valeurs à épouser, à s’approprier. La solution idoine, réside dans la

mise en branle de ce triptyque : Mettre en place des institutions fortes – éduquer les citoyens

aux normes démocratiques et républicaines – Trouver des rouages visant à contraindre nos

politiques à être des dirigeants exemplaires, respectueux des textes fondateurs, de la Loi

fondamentale, du principe de la séparation des pouvoirs. Dieu affine davantage notre sens de

 

 

 

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