
Africa-Press – Côte d’Ivoire. Pour survivre, les proies doivent savoir juger la menace et ajuster leur réaction en un instant… Et le lézard à doigts frangés (Acanthodactylus maculatus) y parvient parfaitement ! Ce petit habitant des zones désertiques arides du sud de la Tunisie évolue dans les paysages secs du nord-ouest de l’Afrique, souvent parmi les arbustes et les rivages sablonneux. Diurne et insectivore, il trouve refuge dans les buissons, où il se cache pour se protéger.
Dans une étude publiée dans le Journal of Ethology le 18 décembre 2024, des chercheurs de l’Université de Gabès (Tunisie) ont étudié le comportement de fuite de ce lézard lorsqu’il est confronté à un ou plusieurs prédateurs, terrestres ou aériens.
Ils ont d’abord émis l’hypothèse que les lézards, face à deux types de prédateurs en même temps – un aérien et un terrestre – adopteraient des stratégies pour se cacher ou rester immobiles afin de ne pas être repérés. En revanche, lorsqu’ils sont uniquement confrontés à un prédateur terrestre, ils choisiraient une réponse plus active, comme fuir tout en effectuant des parades pour décourager leur agresseur.
Fuir ou se cacher ?
L’étude s’est déroulée dans une plaine désertique au nord-ouest de l’oasis de Gabès, dans le sud de la Tunisie, une région marquée par un climat méditerranéen aride et une végétation rare. Les principaux prédateurs du lézard dans cette zone sont le faucon crécerelle (Falco tinnunculus) et la pie grièche méridionale (Lanius meridionalis) pour les oiseaux, ainsi que les chats sauvages (Felis catus) et les chiens pour les mammifères.
Réalisée en octobre 2022, cette étude s’est déroulée un mois avant la saison d’hibernation, avec des travaux de terrain effectués entre 10h et 14h, durant le pic d’activité du lézard. L’échantillon étudié comptait 120 lézards dont 59 femelles et 61 mâles.
Les chercheurs ont étudié le comportement de fuite des lézards en les approchant dans deux situations expérimentales: dans la première, un observateur s’approchait seul du lézard, simulant la présence d’un prédateur terrestre (comme un mammifère). Dans la seconde, le même observateur s’approchait du lézard, mais une deuxième personne, cachée derrière un arbuste à 2 ou 3 mètres, agitait une perche avec un modèle en plastique de rapace aux ailes battantes, placé à environ 5 mètres au-dessus du lézard. Cela simulait une attaque simultanée par un prédateur terrestre et un prédateur aérien.
« J’ai utilisé un dictaphone pour enregistrer en temps réel les observations telles que: le temps écoulé avant la fuite, les mouvements corporels avant le vol ou l’environnement dans lequel le lézard se réfugie après la fuite. Une fois qu’un lézard commence à fuir, l’observateur a marqué trois positions clés pour calculer la distance d’initiation de la fuite et la distance de fuite: la zone de départ de l’observateur, l’emplacement de départ du lézard, et la destination de fuite », explique Oumayma Chhoumi, chercheuse en écologie animale et auteure principale de l’étude.
Mâle ou femelle: pas les mêmes stratégies de fuite
Leurs hypothèses se sont révélées exactes pour les mâles, en revanche, pas pour les femelles ! Face à la double menace d’un prédateur aérien et terrestre, les mâles toléraient une approche plus rapprochée du prédateur terrestre et cherchaient souvent refuge. Par contre, lorsqu’ils étaient confrontés uniquement à un prédateur terrestre, ils adoptaient une stratégie plus dynamique: fuite rapide, mouvements de parade fréquents, tout en restant visibles à l’extérieur des refuges. Les femelles, de leur côté, privilégiaient davantage l’immobilité: bien qu’elles soient plus lentes que les mâles, cet aspect n’explique pas à lui tout seul cette différence comportementale entre les sexes.
« Une réponse de fuite rapide et adaptée augmente leurs chances de survivre à une attaque, surtout dans des environnements où les abris sont rares, comme les zones désertiques. Ce comportement influence aussi la reproduction: les femelles fuient de manière plus prudente pour protéger leur progéniture, tandis que les mâles prennent des risques pour maximiser leur succès reproductif », explique Oumayma Chhoumi.
« Les prochaines pistes de recherche devraient se concentrer sur l’interaction de ces comportements avec des facteurs environnementaux variés. Cela permettrait d’offrir des solutions pratiques pour la conservation des lézards et la gestion durable de leurs habitats face à la menace croissante du changement climatique », conclut la chercheuse.
Ces observations mettent en lumière non seulement l’incroyable capacité d’adaptation des lézards face aux prédateurs, mais aussi des différences marquées entre mâles et femelles. Une complexité comportementale qui ouvre la voie à de nouvelles recherches sur l’évolution de ces stratégies et leur rôle dans la survie de l’espèce.
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