Damien Glez
Africa-Press – Côte d’Ivoire. Considérée comme une vitrine pour l’Afrique de l’Ouest, Abidjan s’est considérablement transformée au cours des quinquennats d’Alassane Ouattara. Et, n’en déplaise à Yamoussoukro, c’est elle qui incarne le rôle central que joue le pays dans la sous-région.
Abidjan, l’autre ville qui semble ne jamais dormir, temple de la tchatche nouchi et de « l’ambiance facile », n’a pu digérer la perte de son statut de capitale administrative et politique, en 1983, qu’en affirmant âprement sa vocation de poumon économique. Comme Félix Houphouët-Boigny imprimera le rythme du volontarisme bâtisseur à la réinvention de sa ville natale, Yamoussoukro, l’houphouëtiste Alassane Dramane Ouattara (ADO) décidera, des décennies plus tard, de relancer vigoureusement l’investissement dans les infrastructures abidjanaises.
En 2011, après des années de déchirements pré- et post-électoraux, l’arrivée au pouvoir du libéral mais interventionniste ADO vibrionnera tout à la fois sur le tempo francophile des discours d’émergence et au ton anglophone des bonimenteurs de start-up cities. Jargons et vœux pieux ? Dans une quête de compétitivité nationale digne d’une locomotive sous-régionale, Ouattara n’oubliera jamais de chérir « Babi », la dynamique agglomération, et ses célèbres communes, de la populaire Abobo à la verte Attécoubé, en passant par la cosmopolite Treichville et l’océane Port-Bouët.
D’un mandat shooté à la croissance à un mandat inopiné, en passant par un mandat percuté par le coronavirus, les chantiers s’enchaîneront. Comme souvent, les cerises sur le gâteau des grands travaux seront des ponts aux conceptions fastidieuses et aux silhouettes saisissantes. En août dernier, après quatre années de besogne XXL, le président de la République inaugurait l’un des plus imposants ouvrages haubanés d’Afrique, celui qui relie le quartier résidentiel de Cocody au quartier d’affaires du Plateau.
Comme « bâtisseur » rime avec « baptiseur », le choix quelque peu narcissique du nom de cet ouvrage – pont Alassane-Ouattara – doit-il apparaître comme la signature, en bas du tableau, d’un chef d’État dont on ne sait s’il quittera le pouvoir en 2025 ? Le stade olympique Alassane-Ouattara d’Ébimpé, dont les travaux avaient commencé en décembre 2016, fut inauguré en octobre 2020. Et, en ce même mois d’octobre 2020, ADO sera réélu dès le premier tour, avec 95,31 % des suffrages exprimés…
Plus de 8 millions d’habitants
Ce sont justement les infrastructures sportives qui serviront de test à l’Abidjan du présent futuriste, avec la Coupe d’Afrique des nations (CAN) qui se déroulera en partie dans la ville, du 13 janvier au 11 février prochains. Un test scruté de près, tant la chevauchée du bâti n’est pas exempte de critiques. Certains projets d’aménagement parfois jugés irréalistes peinent à prendre forme et deux aspects semblent compromettre un enjaillement complet des Abidjanais : la mobilité et l’assainissement.
Le développement du train urbain va à un… train de sénateur, tandis que les décharges boursoufflées de citadinité moderne mettent en péril la félicité des touristes, tout autant que la santé d’Abidjanais par ailleurs victimes d’inondations. Rançon de la surchauffe économique pour une cité dont les treize communes devraient abriter plus de 8 millions d’habitants – dont une majorité de jeunes – d’ici la fin de la décennie ?
Que le bâtisseur Alassane Ouattara considère sa boucle politique bouclée ou non, la précampagne présidentielle qui ne manquera pas de s’ouvrir dans moins d’un an débattra largement de l’état de santé de la capitale économique, pivot du développement national, mais aussi phare chahuté d’une Afrique de l’Ouest où les treillis narguent l’exécutif ivoirien.
Source: JeuneAfrique
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