Amadou Koné, pièce maîtresse d’Alassane Ouattara dans le Centre

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Amadou Koné, pièce maîtresse d’Alassane Ouattara dans le Centre
Amadou Koné, pièce maîtresse d’Alassane Ouattara dans le Centre

Africa-Press – Côte d’Ivoire. DE BOUAKÉ À YAMOUSSOUKRO, L’AUTRE VISAGE DE LA CÔTE D’IVOIRE (2/3) – « Monsieur le ministre, nous sommes ton fan club ! » Amadou Koné peine à faire les quelques pas qui le séparent de sa voiture de fonction. Dans le lobby de l’hôtel Président de Yamoussoukro, où se croise ce 8 février tout le gotha politique ivoirien alors que vient de s’achever la remise du prix de la fondation Félix Houphouët-Boigny-Unesco pour la recherche de la paix, chaque foulée est l’occasion d’une nouvelle sollicitation.

« J’ai eu un accident de moto », l’interpelle un homme claudiquant, tandis que d’autres réclament des selfies ou un geste financier. Le service d’ordre n’a pas pour consigne d’empêcher les interactions. De nature discrète, le quinquagénaire, figure montante du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, le parti présidentiel), compose avec cette notoriété, lui qui s’est longtemps imaginé conseiller dans l’ombre des politiques.

Depuis 2017, cet ingénieur géographe, formé en Côte d’Ivoire puis au Canada, a la charge d’un secteur en pleine mutation en Côte d’Ivoire : celui des transports. Instauration du permis à points, mesures relatives aux plaques d’immatriculation, application du système de contrôle routier par caméras de surveillance, réorganisation des transports publics… Amadou Koné veille notamment à la mise œuvre de la Stratégie nationale de sécurité routière (SNSR) 2021-2025 que le président Alassane Ouattara souhaite voir accélérer.

Les réformes sont nombreuses, pas toujours très populaires. Le ministre doit assurer le service après-vente sur les plateaux télé, convaincre les Ivoiriens de la nécessité de ces bouleversements. « Je pense que le rôle d’un membre du gouvernement est de mener des réformes pour que les choses aillent mieux », insiste-t-il, installé dans les jardins de l’hôtel Président, une tasse de café à la main.

Le défi Bouaké
« Il a une force de caractère exceptionnelle », dit de lui son cousin germain Amadou Coulibaly, porte-parole du gouvernement et ministre de la Communication. Ensemble, enfants, ils ont partagé toutes leurs vacances à Korhogo, dans le nord du pays, accueillis chez leur grand-mère maternelle. Par la suite, ils ne cesseront jamais de se fréquenter, liés « dans les meilleurs moments comme dans les pires ». Amadou Coulibaly a été le témoin privilégié de l’ascension politique de son cousin, depuis sa première intégration au sein d’un gouvernement, en 2005, à la tête du ministère du Tourisme et de l’Artisanat.

Au mi-temps des années 2010, nommé administrateur de la Banque africaine de développement (BAD) pour le compte de la Côte d’Ivoire, Amadou Koné obtient que le siège de l’institution, délocalisé à Tunis pendant la crise, revienne à Abidjan. « Le président y tenait, se souvient-il. Son objectif était un retour de la BAD avant les élections de 2015. Je me suis battu au côté d’Albert Toikeusse Mabri, alors ministre du Plan. Ce n’était pas gagné, cela a nécessité beaucoup de travail. J’en étais très heureux. Je considère que c’est l’une de mes plus grandes réussites, avec la signature des accords de partenariat économique (APE) entre la Côte d’Ivoire et les pays de l’Union européenne (UE) en 2007, quand j’avais la charge du ministère de l’Intégration africaine. »

Son café avalé, le ministre fend la petite foule de son « fan club » pour s’engouffrer dans sa voiture. Direction Bouaké, sa ville natale, à une heure de route de Yamoussoukro plus au Nord. Aux élections locales prévues à la fin de l’année, le ministre brigue sa mairie – où son père, entrepreneur dans le bâtiment, fut conseiller municipal. Chaque week-end ou presque, il retrouve sa villa placée sous bonne garde, dont les murs témoignent de sa passion pour la peinture africaine, et où il tient souvent des réunions de travail avec des acteurs et élus locaux.

L’ancien bastion de la rébellion des Forces nouvelles (FN) entre 2002 et 2011 a été laminé par la crise puis durement frappé par des mouvements sociaux et une série de mutineries. Amadou Koné dit avoir entendu la colère et le désespoir des habitants. En 2021, il s’y fait élire député et s’impose comme l’homme fort du Centre et la principale courroie de transmission avec le pouvoir à Abidjan.

La période rebelle
La rébellion, le ministre l’a connue de l’intérieur, en tant que directeur de cabinet de Guillaume Soro, ancien chef des FN, qui fut longtemps son « ami », son « frère ». Entre les deux hommes, le contact est rompu depuis bien longtemps. Leur dernière conversation, après une longue période sans se parler, remonte à août 2020. Soro l’appellera pour lui présenter ses condoléances au moment de la disparition de son autre cousin, Amadou Gon Coulibaly, ancien Premier ministre et dauphin désigné d’Alassane Ouattara. Le décès de ce pilier de la famille est un véritable choc : « J’avais beaucoup d’affection pour lui et il me le rendait bien. J’ai appris auprès de lui le sens de la loyauté et de la reconnaissance sans fin. »

C’EST UN HOMME SECRET, QUI PARLE PEU, COMME L’ÉTAIT GON

Un mois après la tentative de coup d’État manqué de septembre 2002, les deux cousins assistent ensemble aux funérailles d’une tante, à Abidjan. Le corps vient d’être mis en terre, les membres de la famille se dispersent mais quelques jeunes hommes restent près de la tombe. Des individus armés fondent sur eux, les mettent à genoux et les abattent froidement d’une balle dans la tête. Deux ont la vie sauve. Ils sont chargés de délivrer un message au reste de la famille, dont l’engagement au Rassemblement des démocrates (RDR), principal parti d’opposition, lui vaut d’être traquée et menacée. Depuis plusieurs années, Amadou Koné œuvre dans l’ombre pour le parti de Ouattara. Il met sa formation d’ingénieur géographe au service d’une meilleure structuration de la formation politique grâce à la récolte, à l’organisation et à l’analyse de données.

Un homme « secret »
« Cet événement nous a tous marqués. Après, nous sommes tous sortis du pays. Amadou est resté pour rejoindre Bouaké. C’était pour lui aussi une forme d’exil », raconte Amadou Coulibaly. À l’époque, il se souvient avoir appris l’entrée de son cousin dans la rébellion à la Une du quotidien ivoirien L’Inter : « Nous ne savions rien. C’est un homme secret, qui parle peu, comme l’était Gon. »

J’AI RAPIDEMENT ÉTÉ JUGÉ TROP PROCHE D’ALASSANE OUATTARA

Un ancien haut cadre de la rébellion décrit « un intellectuel rigoureux et posé » qui dénotait au milieu « des comzones soudards », dont le rôle était plus administratif que celui de « pivot politique » qu’on lui a longtemps prêté. « Soro a très vite eu des ambitions politiques, il a vu d’un très mauvais œil la proximité de Koné avec le RDR de Ouattara », affirme cette source. « C’était un environnement qui ne me convenait pas et j’ai rapidement été jugé trop proche d’Alassane Ouattara », confirme Amadou Koné.

Il décrit cependant une « expérience intéressante ». « J’ai pris soin de tout le monde pendant cette période. Mes portes étaient ouvertes à tous. J’ai protégé les autochtones baoulés et fait en sorte que les activités, les écoles notamment, reprennent pendant deux ans et demi. » Les habitants de Bouaké sauront-ils s’en souvenir lorsqu’ils éliront leur maire, à la fin de l’année ? En cas de victoire, Amadou Koné suivrait les traces de son mentor Adama Toungara, ancien ministre des Mines, qui fut maire de la commune d’Abobo pendant plus de quinze ans.

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