Tidjane Thiam, de la City à la conquête du pouvoir ivoirien

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Tidjane Thiam, de la City à la conquête du pouvoir ivoirien
Tidjane Thiam, de la City à la conquête du pouvoir ivoirien

Florence Richard

Africa-Press – Côte d’Ivoire. L’ex-banquier franco-ivoirien au parcours prestigieux, qui vit à l’étranger depuis une vingtaine d’années, brigue la présidence du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) avec, dans son viseur, la présidentielle de 2025.

Après avoir longtemps démenti toute ambition politique, multipliant néanmoins les signaux contraires ces dernières années, Tidjane Thiam, 61 ans, a officialisé sa candidature à la présidence du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), le principal parti d’opposition ivoirien, le 17 novembre. Une fonction que l’ancien banquier franco-ivoirien, au carnet d’adresses fourni mais sans ancrage local, envisage comme un tremplin pour la prochaine élection présidentielle de 2025.

Ancien ministre de Bédié

À deux ans de l’échéance, la candidature de ce polytechnicien sorti major de l’école des Mines, qui vit hors de Côte d’Ivoire depuis le coup d’État de décembre 1999 contre Henri Konan Bédié, dont il était alors le ministre du Plan et du développement, a été accueillie avec enthousiasme par de nombreux députés, cadres et militants de l’ancien parti unique.

En cas de victoire, l’ancien directeur général du Crédit Suisse, poussé vers la sortie après un scandale d’espionnage privé, en 2020, héritera d’une formation politique septuagénaire au fonctionnement archaïque et à l’encadrement vieillissant, en perte de vitesse face au puissant Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratique et la paix (RHDP) d’Alassane Ouattara.

Malgré la distance et des responsabilités professionnelles qui l’ont conduit de la Suisse à Londres en passant par la France ou les États-Unis, où il a tissé des liens avec des personnalités de premier plan comme Barack Obama et Emmanuel Macron, Tidjane Thiam n’a jamais véritablement rompu les liens avec son pays, ni avec le PDCI dont il est un donateur.

Soutien local

Lors des dernières élections locales du 2 septembre, il aurait ainsi soutenu financièrement ses candidats. Un atout financier loin d’être négligeable, pour ne pas dire essentiel, dans un parti entretenu jusque-là principalement par Bédié, patron du PDCI pendant trois décennies, décédé le 1er août à l’âge de 89 ans alors qu’il était l’unique candidat à sa propre succession.

Dans plusieurs régions du pays, les appels au ralliement en faveur de l’ancien banquier se sont multipliés. C’est le cas dans l’Iffou, région très symbolique puisque celle de l’ancien président. « Il aurait pu espérer son appui [s’il était toujours en vie] », assure d’ailleurs l’entourage de Thiam. Dans le Gbêkê, le Bélier ou encore le Lôh-Djiboua, des dizaines de délégués du parti et de nombreux secrétaires de sections ont aussi appelé à « un consensus autour de [sa] candidature ».

Une large majorité des députés se seraient également rangés derrière Tidjane Thiam, qui fut, à 31 ans, le directeur du Bureau national d’études et de développement technique à Abidjan, chargé des grands travaux. « Le PDCI a perdu de vue ses ambitions internationales, les connaissances de Thiam représentent indéniablement un plus », considère un cadre qui décrit un homme « très poli et déterminé », symbole de « renouveau » pour la jeunesse du parti.

Déclic

La décision de Tidjane Thiam de sauter le pas de la finance vers la politique remonterait à 2020. Cette année-là, l’élection présidentielle donne lieu à de violents affrontements dans le pays. Plusieurs localités s’enflamment. La rivalité entre partisans du RHDP et du PDCI, qui avait appelé au boycott actif du scrutin pour protester contre le troisième mandat d’Alassane Ouattara, vire à l’affrontement intercommunautaire.

Un bilan officiel fait état de 85 morts et 500 blessés entre août et novembre sur tout le territoire. Le centre du pays, acquis au PDCI, est particulièrement touché : quatre personnes meurent à Yamoussoukro, sept à Toumodi et dans ses environs, six à Daoukro, où le jeune Toussaint N’Guessan est décapité. C’est une déflagration en Côte d’Ivoire et le déclic pour Tidjane Thiam.

En septembre de cette année-là, son nom est évoqué lors d’un déjeuner à l’Élysée entre Macron et Ouattara alors que le premier s’inquiète du climat socio-politique en Côte d’Ivoire à l’approche de la présidentielle et suggère la possibilité de reporter les élections.

Critères d’éligibilité

Fils d’Amadou Thiam, ancien journaliste et ancien ministre ivoirien de l’Information dans les années 1960 et 1970, né au Sénégal, et de Mariétou Sow, une nièce de Félix Houphouët-Boigny -le fondateur du PDCI-, cet élève brillant, intronisé prince baoulé et recruté par le cabinet de conseil McKinsey, par les assureurs Aviva et Prudential, compte se réinstaller sous peu – et durablement – à Abidjan.

Reste une question centrale : la candidature de Tidjane Thiam répond-elle aux critères d’éligibilité inscrits dans les textes du parti ? Non, estiment certains de ses adversaires, qui dénoncent son absence du bureau politique pendant dix ans consécutifs. Les proches de Thiam balaient la polémique, assurent que les cotisations de leur candidat sont à jour, même si elles ont été payées rétroactivement, et se disent confiants quant à la validation de sa candidature par le comité électoral mis en place.

L’élection du prochain président du PDCI se déroulera lors d’un congrès organisé le 16 décembre à Abidjan. D’ici là, des accords pourraient être conclus entre les cinq candidats – Noël Akossi Bendjo, Maurice Kakou Guikahué, Jean-Marc Yacé, Moïse Komoué Koffi et Thiam. Idéalement, la direction par intérim du parti souhaiterait qu’un consensus se dégage autour d’une candidature unique afin d’éviter de nouvelles guerres de chapelles qui ont déjà tant miné l’appareil du parti.

L’arrivée de Thiam dans le grand bain de la politique ivoirienne agite en tout cas tous les bords, conscients que cette figure de la finance mondiale, qui peut compter sur des appuis et des amitiés sur le continent – il a été nommé en 2020 dans le quatuor de haut niveau mis sur pied par l’Union africaine (UA) pour contrer l’épidémie de Covid –, pourrait faire bouger les lignes et bouleverser le paysage politique ivoirien.

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