Afrique de l’Ouest : le nouveau système de paiement instantané, en cinq questions

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Afrique de l’Ouest : le nouveau système de paiement instantané, en cinq questions
Afrique de l’Ouest : le nouveau système de paiement instantané, en cinq questions

Nadoun Coulibaly

Africa-Press – Côte d’Ivoire. Quelque 90 banques et institutions financières ont rejoint l’initiative qui vise, à terme, à traiter des opérations de paiement de toute nature, quel que soit le type de compte, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, dans l’enceinte de l’Umeoa. Une première.

Commencée début août, la phase pilote du projet de mise en place d’un système de paiement instantané interopérable marque une révolution dans les transactions financières au sein de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa). Cette étape décisive doit aboutir à l’ouverture des services au public.

Avant d’en arriver là, la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) procède à une mise en service graduelle du dispositif permettant ainsi de le tester auprès des praticiens. Vingt-cinq institutions financières, parmi lesquelles Ecobank, MTN, Mansa Bank, Orabank, établies dans les huit pays de l’Union, participent ainsi à phase pilote permettant de tester l’efficacité du système et le cas échéant de faire les ajustements nécessaires à son fonctionnement optimum, conformément aux spécifications définies. Une deuxième cohorte de 65 institutions financières, dont 9 établissements de monnaie électronique (EME), et 14 systèmes financiers décentralisés (SFD), a rejoint la phase pilote à partir du 12 août 2024. Parmi elles, figurent Coris Bank, Cofina, Baobab, Moov, United Bank for Africa, Banque commerciale du Burkina, Mansa Bank, Orange Finances mobile, entre autres.

Quel mécanisme régit le fonctionnement du système de paiement instantané (SPI), qui en sont les acteurs et les bénéficiaires ? Enfin, quelles sont les modalités pratiques de fonctionnement de ce dispositif novateur ? Le décryptage de Jeune Afrique.

1 – Qu’est-ce que le « SPI » ?

Plusieurs modalités pratiques sont censées garantir l’efficacité et la sécurité du SPI. En premier lieu, le principe de l’interopérabilité, qui permet une connexion fluide entre les comptes des clients de différentes institutions, qu’il s’agisse de banques traditionnelles, d’établissements de monnaie électronique (EME) ou de fintechs. Cette interopérabilité totale facilite les transactions entre les divers acteurs du système financier.

Ensuite, elle favorise l’accès universel pour tous les acteurs qui disposent d’une licence délivrée par la BCEAO. « Cela inclut non seulement les banques, mais aussi les institutions de microfinance (IMF) et les émetteurs de monnaie électronique, ce qui permet une participation large et diversifiée au sein du système », explique Modou Sall, consultant en stratégie et vice-président des Operations chez la Fintech Kalispot.

Selon les concepteurs, le SPI allie sécurité et conformité tout en assurant une traçabilité complète des transactions, ainsi qu’une transparence vis-à-vis des utilisateurs. Des mesures, rappelle la Banque centrale, qui protègent les flux contre la fraude et les erreurs.

Enfin, les paiements dans le SPI sont traités en temps réel, ce qui signifie que les fonds sont immédiatement disponibles pour le bénéficiaire une fois la transaction effectuée. Pour Modou Sall, cette rapidité est un atout majeur, surtout dans un contexte où la fluidité des transactions est essentielle pour soutenir les activités économiques et financières.

2- Comment cela fonctionne concrètement ?

L’interopérabilité au sein du SPI est considérablement étendue, offrant plusieurs niveaux de connectivité et de facilité d’utilisation. Tout d’abord, entre les clients, le SPI permet d’envoyer et de recevoir de l’argent instantanément, peu importe l’opérateur de leur compte. Cela signifie qu’un client d’une banque traditionnelle peut effectuer des transactions avec un client d’une fintech ou d’un EME et inversement.

Selon nos informations, des opérateurs comme Wave, qui détient déjà une licence d’émetteur de monnaie électronique au Sénégal, attend le feu vert du régulateur pour proposer ses services financiers directement à ses clients ivoiriens. Rappelons que Wave est la première entité non bancaire, non-opérateur télécoms et opérant dans plusieurs marchés de l’Uemoa, à obtenir une licence d’EME, accordée par la BCEAO.

En ce qui concerne les services marchands, le SPI permet désormais une interconnexion totale. « Qu’il s’agisse de services affiliés à Wave, Orange Money, ou à tout autre opérateur, les paiements inter-opérateurs sont maintenant fluides et sans friction. Cela simplifie grandement les transactions pour les commerçants et leurs clients, en éliminant les obstacles liés à la compatibilité des différents systèmes de paiement », explique encore Modou Sall.

Enfin, l’interopérabilité du SPI couvre l’ensemble de la zone Uemoa, rendant possible des transactions transfrontalières fluides entre les pays membres: Burkina Faso, Bénin, Côte d’Ivoire, Guinée Bissau, Mali, Niger, Togo et Sénégal. Les résidents de l’Union peuvent ainsi effectuer des paiements instantanés et sécurisés, que ce soit pour des transactions personnelles ou commerciales, sans être limités par les frontières nationales.

3- Quelles sont les conditions d’accès ?

La nouvelle infrastructure de paiement instantané interopérable, opérationnelle en continu, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, est capable de traiter les transactions de toute nature, quel que soit le type de compte. D’après la banque centrale, la mise en œuvre de cette plateforme permet de proposer une large gamme de services, visant à simplifier les transactions quotidiennes des usagers et à stimuler l’innovation financière.

« L’interopérabilité, explique Modou Sall, spécialiste en banque digitale et fintech, est au cœur du SPI, permettant une connexion fluide entre les comptes des clients de différentes institutions- banques commerciales, EME ou de fintechs. Cette interopérabilité totale facilite les transactions entre les divers acteurs du système financier. Ensuite, l’accès au SPI est universel pour tous les acteurs disposant d’une licence délivrée par la BCEAO. Cela inclut non seulement les banques, mais aussi les Institutions de Microfinance (IMF) et les EME. Cette ouverture permet une participation large et diversifiée au sein du système ».

4- Quels autres avantages sont attendus avec ce nouveau système de paiement ?

« Premièrement, souligne le vice-président de la fintech sénégalaise Kalispot, les coûts de transactions sont considérablement réduits voire gratuits, ce qui est particulièrement avantageux pour les populations à faible revenu. Cela facilite un accès plus large aux services financiers sans la contrainte des frais élevés ».

De plus, le SPI offre un accès à de nouveaux services financiers. Les populations, y compris celles qui n’étaient auparavant pas bancarisées, peuvent ainsi profiter de services tels que les paiements instantanés, le crédit instantané chez le marchand, et l’épargne digitale autrefois réservée aux clients des banques traditionnelles. Cette inclusion financière élargie permet une meilleure gestion des finances personnelles et une plus grande participation économique.

Enfin, le SPI facilite les activités économiques, notamment pour les petites entreprises et les entrepreneurs. Avec un accès plus rapide aux fonds et aux services financiers, ces acteurs économiques peuvent gérer leurs opérations plus efficacement, répondre rapidement aux opportunités du marché, et ainsi contribuer à la stimulation de l’économie locale. Ce système crée un environnement favorable à l’entrepreneuriat et à la croissance économique à l’échelle locale.

5- L’inclusion financière, sera-t-elle facilitée ?

Les usagers pourront effectuer leurs paiements auprès de tout commerçant disposant d’un QR Code interopérable ou capable d’envoyer une demande de paiement. La fourniture des services financiers aux entreprises sera standardisée.

Cette nouvelle infrastructure, conforme aux normes internationales en matière de sécurité des systèmes de paiement, doit jouer un rôle déterminant dans la promotion de l’inclusion financière dans l’Uemoa. Selon la Commission bancaire ouest-africaine, l’ensemble des 160 banques de l’Union compte seulement 21 millions de compte (sur une population estimée à 142 millions de personnes), ce qui équivaut au nombre de comptes actifs au sein de la licorne Wave.

En 2022, le taux de bancarisation – qui mesure le seuil d’adultes détenant un compte dans les banques, les caisses nationales d’épargne, les services postaux et du Trésor – s’est établi à 24,3%. Le Bénin s’illustre comme le leader incontesté en matière de bancarisation avec une pénétration estimée à 35,7%, talonné par la Côte d’Ivoire et le Togo (près de 30% chacun), suivis par le Mali (24%) et le Sénégal (22,5%). Le Niger referme le bal avec un taux avoisinant les 8,7%.

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