Reportage / Côte d’Ivoire-Burkina – Frontière « pseudo » fermée, juteux business pour les passeurs

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Reportage / Côte d’Ivoire-Burkina – Frontière « pseudo » fermée, juteux business pour les passeurs
Reportage / Côte d’Ivoire-Burkina – Frontière « pseudo » fermée, juteux business pour les passeurs

Africa-PressCôte d’Ivoire. Entre la Côte d’ivoire et le Burkina Faso, la frontière reste théoriquement fermée depuis mars 2020 en raison du Covid-19. Aucun car de transport en commun, aucun autre véhicule sans autorisation ne peut franchir le dernier check-point de Laléraba. Les convois économiques ou humanitaires eux, sont autorisés d’office. L’interdiction de passage qui frappe les autres véhicules n’est, cependant, opérante qu’en théorie.

Après huit heures et demi de voyage à partir d’Abidjan la capitale économique ivoirienne, le parcours en car pour tout voyageur vers le Burkina s’arrête à Ouangolodougou. De Ouangolo il faut aller à Laléraba, la dernière ville avant la traversée du fleuve de l’autre côté de la frontière, en territoire burkinabé, près du village de Yendéré.

Pas de car, pas de véhicule de transport en commun visibles. Des véhicules personnels passent, des motocyclistes également. Mais ne vous fiez pas à cette ambiance visiblement morose. Il y a, à Laléraba, une nouvelle race de transporteurs, disons des passeurs qui y ont développé un business juteux. Ils sont assis sous un hangar, échangent entre »collègues », de tout et de rien. Juste à côté, deux ou trois petits véhicules et des motos sont stationnés. Sans bruit, sans la traditionnelle criée comme dans la plupart des gares routières, ces transporteurs occasionnels reçoivent la clientèle. Des voyageurs souvent pressés par une urgence. Il faut alors délier la bourse. Les tarifs occasionnels sont prohibitifs. 15 mille FCFA par voyageur pour traverser la frontière et aller à quelque 18 km de là, à Niangoloko, première grande ville où existent des compagnies de transport en commun comme Tsr de l’homme d’affaires burkinabé Rasmané.

Le tarif est peu discutable sauf si deux passagers veulent embarquer en même temps. Selon les besoins ou l’urgence le même tarif peut monter jusqu’à 30 mille FCFA le passager. »Les moto-taxis proposent moins que cette somme mais leur itinéraire est souvent sinueux et risqué », explique un usager de ce moyen de transport sur place.Un passeur explique pour sa part que dans cette somme, ce qui lui revient est de 4 ou 5 mille FCFA, selon les humeurs des corps habillés dont il faut franchir les checkpoints côté burkinabé. La police, la gendarmerie, les douanes etc.Ouvrez les frontières

A y voir de près, l’on peut se demander pourquoi la frontière reste encore fermée puisque de toutes les façons les biens et les personnes, les deux sources de la contamination au Covid, passent. « Nous-mêmes, nous ne comprenons pas pourquoi les frontières restent encore fermées », relève un habitant de Laléraba qui estime que le trafic des taxis-motos s’est densifié ces derniers temps. Un commerce parallèle qui se passe au détriment des transporteurs professionnels qui accusent un manque à gagner.

Sur une piste de contournement bien visible et non loin de la voie bitumée, la frontière n’existe que de nom. Des morceaux de bois, du bric-à-brac. Voici la matérialisation de cette frontière ivoiro-burkinabé en ces temps de menaces jihadistes. Les militaires ivoiriens sont visibles. L’on apprend qu’un autre détachement est déployé le long de la frontière naturelle, une rivière. Mais, ils sont vite gagnés par le laxisme et cèdent souvent à cette juteuse activité de passeurs.

La frontière est poreuse. Fort heureusement, ceci pourrait être un lointain souvenir. A Laléraba, l’Uemoa qui a pris la juste mesure des choses est en train de bâtir un poste frontière digne de ce nom à la demande des autorités ivoiriennes. Un poste multiservices qui sera fonctionnel dans six mois si les délais sont respectés.

Bienvenu au pays des hommes intègres

Une ois le fleuve franchi à partir de Laléraba, s’ouvre à vous le petit village de Yendéré. Premier check-point où le conducteur pour ne pas dire le passeur doit aller remplir la première formalité. Il doit lever la barrière comme on le dit dans le jargon approprié. En Côte d’Ivoire comme au Burkina, mêmes corps habillés, mêmes réflexes. Tout est message codé. Le passager paie la somme demandée, le conducteur l’emmène à bon port en gérant les contingences du parcours. Une fois à Niangoloko, mission accomplie. Nous sommes en pays Bobo, la bière coule à flot. Beaufort, Doppel et surtout la fameuse Brakina, la bière locale. Niangoloko est à quelque 300 km de la capitale économique Bobodioulasso. 4 heures de parcours suffisent pour rallier les deux villes. Ici au Faso, tout semble indiqué qu’on a déjà célébré la messe de requiem de Coronavirus. plus de dispositifs de lavage de mains dans les lieux publics comme les gares routières, plus de port de cache-nez. De la sorte, les regards vous fusillent quand vous venez de la Côte d’Ivoire, masqué. Il n’y a pas d’hostilité mais on a l’impression de paraître ridicule dans cette marée de gens qui n’ont plus aucun souci pour le virus mortel.

La Cni ivoirienne orange : un document qui n’est pas le bienvenu

Ce qui préoccupe, c’est sans doute la question sécuritaire avec les barrages policiers le long du parcours. Le Burkina est en proie au terrorisme qui fait des ravages dans le Nord du pays. Ses effets pervers s’étendent désormais au sud où les forces de l’ordre accentuent les contrôles et les tracasseries qui vont avec. De Niangoloko à Bobodioulasso, on compte trois barrages. A chaque barrage, les passagers des cars ont l’obligation de descendre pour les contrôles d’identité. Evidemment les sans-papiers sont interceptés et doivent »régulariser » leur situation sur place avant de continuer le chemin. La carte d’identité ivoirienne orange, c’est-à-dire le titre d’identité dont le gouvernement ivoirien vient de proroger le délai de validité, est au nombre des pièces traquées en territoire burkinabé. Les policiers burkinabé rétorquent aux ivoiriens qui veulent les raisonner que le gouvernement de Côte d’Ivoire n’a pas notifié à la hiérarchie l’acte de prorogation de ladite pièce. Ils la considèrent donc comme un papier irrégulier. et là-dessus, ils ne se laissent pas compter. Un jeune ivoirien qui tentait de convaincre s’est vu coller une contravention de 6.000 FCFA d’une validité de 24 heures seulement. Quant à la nouvelle pièce Cni verte, elle passe sans problème, sans racket.

 

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