Luc-Roland Kouassi
Africa-Press – Côte d’Ivoire. Les listes indépendantes ont raflé 41 communes aux élections locales du 2 septembre, soit un meilleur score que le PDCI et le PPA-CI réunis.
Après 48 heures passées suspendus aux lèvres du porte-parole de la Commission électorale indépendante (CEI), qui a égrené un à un les résultats des élections locales du 2 septembre, les Ivoiriens connaissent désormais leurs conseillers régionaux et municipaux.
Les résultats de 199 communes – sur 201 – et de 30 régions – sur 31 – ont été dévoilés. Le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) d’Alassane Ouattara sort grand vainqueur avec 123 mairies et 25 régions remportées. Les deux principales formations d’opposition, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) de feu Henri Konan Bédié et le Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI) de Laurent Gbagbo, arrivent loin derrière. Le PDCI obtient 22 communes et trois régions et le PPA-CI seulement deux communes. Leurs listes d’alliance, elles, leur ont permis de s’imposer dans dix communes et une région.
Derrière le RHDP, ceux qui font la plus importante percée au niveau local ne sont pas les représentants du PDCI et du PPA-CI, mais les candidats sans étiquettes, souvent qualifiés d’indépendants. Le 2 septembre, ils étaient 365 à s’être lancés à l’assaut des communes et régions de Côte d’Ivoire. Et leurs résultats ont de quoi faire pâlir les opposants traditionnels : en tout, ils ont raflé 41 communes et une région, soit plus que tous les candidats des partis de Bédié et Gbagbo réunis.
Dissidents du RHDP et du PDCI
« Beaucoup de candidats indépendants sont des personnes qui ont des liens avec les principaux partis politiques, mais qui ont des dissensions avec ces formations, souvent à cause du choix des candidats, explique le politologue Arsène Bado. La nomination par cooptation, plutôt que de procéder à des élections internes, provoque des frustrations et pousse certains à se présenter en indépendants. »
Dans la commune de Gohitafla, dans le centre-ouest du pays, c’est Naya Jarvis Zamblé, dissidente du RHDP, qui a remporté les municipales. Elle était opposée au candidat RHDP et maire sortant, Athanase Youan Bi, ainsi qu’à Florent Ta Bi du PPA-CI et Doubi Tra du PDCI-RDA. Déjà députée de la circonscription, Naya Jarvis Zamblé n’avait pas été désignée par le parti au pouvoir pour le représenter dans cette localité. Elle parvient tout de même à devenir, à seulement 28 ans, l’une des rares femmes élues dans le pays.
D’autres dissidents du RHDP ont également remporté les élections contre l’avis de leur parti et en défiant frontalement le candidat qui leur avait été préféré. C’est le cas d’Alpha Yaya Touré, couronné dans la commune de Gbon, et de Matogoma Koné, dans celle de Seguelon, toutes deux situées dans le nord du pays. À Diabo, dans le Centre, c’est le dissident du PDCI, Marcel Kouamé Dieto, qui s’est illustré dans ce scrutin.
Mahamadou Kebé remporte la région du Gboklê
« Il y a une forme de désaffection à l’égard des partis qui permet aux candidats indépendants de se faire élire », constate Arsène Bado. Au sein de la nouvelle garde des formations politiques, comme dans les franges les plus jeunes de l’électorat, des voix s’élèvent pour protester contre la gérontocratie et réclamer un renouvellement générationnel au sein des principales structures.
Bien que dissous par les autorités, Générations et peuples solidaires (GPS), le parti de Guillaume Soro, a refait parler de lui lors de ce vote. Sur les 42 indépendants élus, quatre sont des soroïstes convaincus : Ouattara Kaweli à Ferkessédougou, le département natal de Guillaume Soro, Karidioula Souleymane à Bassawa, Sekongo Pélégnon à Sirasso et Soro Kossomina à Koumbala.
Mais le vrai tour de force a été réalisé par Mahamadou Kebé dans la région du Gboklê, dans le sud-ouest du pays. Le député indépendant a terminé le scrutin régional sur la plus haute marche du podium devant deux favoris : le président sortant du conseil régional, le candidat RHDP Basile Fregbo, et le secrétaire général du PPA-CI, Damana Pickass. L’ingénieur civil devient ainsi le nouveau président du conseil régional, après avoir déjà été élu deux fois aux législatives dans la circonscription de Sago-Dakpadou. Un autre candidat indépendant, Justin Kakou Mea, s’est par ailleurs révélé dans la région du Gboklê, en gagnant pour sa part la mairie de Sassandra.
Rester indépendant ou revenir dans son parti ?
Autre candidate indépendante qui réussit un joli coup : Nakaridja Keïta Epse Cissé, qui devient l’édile de la grande ville portuaire de San Pedro, face au maire sortant Félix Anoblé, du RHDP, et au candidat de l’alliance PDCI-RDA–PPA-CI, Kla Koué Sylvanus, pourtant ancien président du conseil régional.
Qu’adviendra-t-il de ces outsiders victorieux après cette percée aux élections locales ? « Les dissidents vont certainement revenir vers leurs partis d’origine et seront en position de force pour réclamer plus de reconnaissance, analyse Arsène Bado. Mais ceux qui se sont présentés comme vraiment indépendants pourraient le rester. »
Source: JeuneAfrique
Pour plus d’informations et d’analyses sur la Côte d’Ivoire, suivez Africa-Press