
Africa-Press – Côte d’Ivoire. Une affluence inhabituelle a marqué les abords du tribunal de première instance d’Abengourou, où s’est tenu, le mercredi 30 avril 2025, le procès très attendu d’Ahissi Wadja, président de la Mutuelle pour le Développement Économique et Social d’Akoboissué. Poursuivi pour dénonciation calomnieuse, diffamation par voie électronique et voies de fait, l’accusé risque 36 mois de prison ferme et une amende d’un million de FCFA, selon le réquisitoire du procureur de la République. Le verdict est attendu pour le 14 mai 2025.
Au cœur de cette affaire, une correspondance adressée en 2024 à la Direction générale de l’Administration du Territoire (DGAT), dans laquelle M. Ahissi dénonçait une série de dysfonctionnements dans la gestion administrative de la sous-préfecture d’Akoboissué, dans le département d’Agnibilékrou.
Selon lui, la sous-préfète en poste faisait preuve de partialité, de mépris à l’égard des cadres locaux, et fermait les yeux sur des pratiques douteuses dans la conduite des projets fonciers et d’orpaillage.
Le courrier évoquait notamment la mise à l’écart des cadres locaux dans les projets fonciers pilotés par l’AFOR, des irrégularités dans les enquêtes de commodo et incommodo, des transferts fonciers opaques, et un harcèlement présumé de la jeunesse locale opposée à l’orpaillage. Des accusations que le procureur a jugées infondées, diffamatoires et susceptibles de nuire à l’autorité de l’État.
La défense, assurée par Me Anelone Yamni, avocat a plaidé la bonne foi de son client. Selon lui, Ahissi Wadja n’avait aucune intention de nuire à la sous-préfète, mais agissait par amour pour son village, face à ce qu’il considérait comme une gestion injuste et menaçante pour la paix sociale.
« Il s’agit d’un citoyen qui a utilisé les voies administratives pour alerter sa hiérarchie. Aucun des éléments constitutifs de l’infraction n’est établi. Il n’y a pas lieu d’entrer en voie de condamnation », a soutenu Me Yamni dans sa plaidoirie.
La défense s’est également interrogée sur la qualification juridique des faits reprochés, estimant qu’aucune voie de fait ni calomnie ne pouvait être prouvée sur la base des faits avancés.
L’avocat a souhaité la relaxe pure et simple de son client. Et si, par extraordinaire, il devait être condamné, la défense a plaidé pour que cette condamnation soit assortie d’un sursis.
Ce procès met en lumière les tensions croissantes entre les autorités administratives locales et certaines composantes de la société civile dans des zones où les enjeux fonciers et miniers sont particulièrement sensibles.
La lettre d’Ahissi Wadja décrivait un climat de mépris des autorités envers les cadres locaux, des accords signés sans concertation, et même l’instauration de couvre-feux sans cadre légal clair, provoquant la méfiance des populations.
La forte mobilisation des habitants d’Akoboissué, venus nombreux à Abengourou pour soutenir leur représentant, témoigne de la portée sociale et politique de ce dossier.
Le verdict du 14 mai sera donc scruté de près, non seulement pour ses conséquences judiciaires, mais aussi pour le signal qu’il enverra aux acteurs locaux dans la gestion des affaires publiques.
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