Africa-Press – Côte d’Ivoire. Alors qu’ils partaient découvrir le monde ou changer de vie, ils ont ramené avec eux bon nombre de maladies. Pour essayer de comprendre l’impact qu’ont pu avoir les voyages en bateaux à voiles ou vapeur dans la propagation des maladies, une équipe a modélisé les taux de transmission de trois virus différents: la grippe, la rougeole et la variole. Elle montre, dans la revue PNAS, que les transmissions n’étaient pas automatiques et que ces virus se sont propagés peu à peu chez les populations locales.
Des navires mythiques
En tout, 18 expéditions ont été analysées. Parmi elles, certains bateaux mythiques comme le Santa Maria, célèbre pour avoir transporté Christophe Colomb vers les Amériques ainsi que le Mayflower, transportant en 1620 d’Angleterre en Amérique du Nord un groupe de dissidents religieux, les Pilgrim fathers (“Pères pèlerins”), à la recherche d’un lieu pour pratiquer librement leur religion.
Parmi les facteurs pris en compte: la durée du voyage, le nombre de passagers ainsi que la biologie de chaque virus. Son taux de propagation ainsi que sa durée de vie. Pour calculer le risque d’introduire une nouvelle maladie lors d’un voyage, il a fallu déterminer la susceptibilité des voyageurs à tomber malade. “Les bateaux transportant beaucoup d’enfants, comme les bateaux d’émigrants, par exemple, étaient sans doute plus vulnérables face à la maladie”, explique à Sciences et Avenir Elizabeth Blackmore, chercheuse à l’Université de Yale (Etats-Unis) et co-autrice de l’étude. “Toutes nos simulations partent du principe que le bateau est parti avec une seule personne infectée à bord. En réalité, on ne sait pas à quel point c’est réaliste. Toutefois, les témoignages qui restent de la vie à bord suggèrent très fortement que les maladies infectieuses étaient courantes.”
0,1% de chances de transmettre la grippe
Et pourtant, tous les virus ne survivaient pas jusqu’à la fin du voyage. “Notre modèle suggère que les épidémies de grippe étaient très courtes. Une infection dure en moyenne 5 jours, donc pour que la maladie soit transmise ailleurs dans le monde, il aurait fallu que les voyages soient très courts. La rougeole et la variole ont une durée de vie bien plus longue. Une infection dure en moyenne 20 jours pour la rougeole et un mois pour la variole. Elles ont donc pu persister plus longtemps sur un bateau”, explique Elizabeth Blackmore.
Si une personne portait la grippe aux côtés de Christophe Colomb sur le Santa Maria en 1492, il y aurait eu moins de 0,1% de chances pour que la maladie soit transmise dans le Nouveau Monde. Si une personne souffrait de la rougeole, le risque s’élevait à 24%. Pour la variole à 33%. Le Santa Maria, avec ses 41 personnes à bord, a nécessité 35 jours pour atteindre les côtes de l’autre côté de l’Atlantique. Le nombre limité de passagers et la durée du voyage ont contribué aux faibles chances de transmission.
En 1620, le Mayflower a mis 66 jours, presque deux fois plus longtemps, pour conduire les Pères Pèlerins à Plymouth dans le Massachusetts. Malgré les 127 personnes à bord, les chances de transmission étaient encore plus basses. Moins de 0,1% pour la grippe, 13% pour la rougeole et 17% pour la variole. Malgré tout, les bateaux pouvaient être de véritables nids à maladies. Les comptes-rendus qui nous restent témoignent de conditions épouvantables, avec des navires bondés et à l’hygiène très précaire.
La révolution de la vapeur
Certaines maladies n’ont pu atteindre d’autres parties du monde qu’à l’arrivée du bateau à vapeur. “Les voyages en bateau à vapeur ont drastiquement réduit la durée des voyages, ce qui a augmenté le risque de propager des pathogènes, en particulier dans le Pacifique. De nombreuses îles du Pacifique ont vu l’arrivée de pathogènes comme la rougeole et la variole à la toute fin du 19e siècle. Au même moment que la révolution du bateau à vapeur.”
Les bateaux à vapeur, plus rapides, pouvaient également transporter bien plus de passagers à bord. Parmi les voyages étudiés figurent ceux reliant San Francisco au Panama, avec en médiane 196 personnes à bord et au maximum 1050. En comparaison, les bateaux à voiles transportaient en médiane 53 passagers et au maximum 287. Même avec des bateaux à vapeur, le risque de transmettre la grippe restait de moins de 0,1%. Mais le taux grimpe alors subitement pour d’autres pathologies, avec 70% de chances de transmettre la rougeole et 74% pour la variole.
“Certaines maladies se sont rapidement propagées de l’autre côté de l’Atlantique. Mais cela ne s’est pas fait en une seule fois. Christophe Colomb a navigué en 1492 mais les premières archives mentionnant des épidémies de rougeole dans les Amériques datent des années 1500. 1517 pour Saint Domingue, 1529 pour Cuba et 1531 pour la Floride. Dans le Pacifique, elles ont eu lieu bien plus tard. Pas avant 1854 en Polynésie française et en 1875 dans les îles Fidji”, étaye Elizabeth Blackmore.
Les auteurs insistent sur la nécessité de modérer les propos dans certains livres d’histoire, qui décrivent la propagation des maladies “à la vitesse d’un incendie.” L’équipe se concentre désormais sur l’ampleur des épidémies sur les bateaux durant les voyages, dans l’espoir de mieux comprendre les dynamiques de propagation des virus.
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