Africa-Press – Côte d’Ivoire. Au 14e siècle, le Vénitien Giovanni Dondi conçoit et fabrique la première horloge planétaire mécanique d’Occident indiquant la position exacte des cinq planètes visibles à l’œil nu, en plus du Soleil et de la Lune. La prouesse de cet horloger, médecin et astronome a été de mécaniser les mouvements célestes uniquement accessibles jusqu’alors avec des tables de calcul.
Lorsque Charles Quint se rendit en Italie en 1530 pour se faire couronner empereur des Romains par le pape, il eut une exigence: voir ce qui était considéré à l’époque comme la huitième merveille du monde, à savoir l’astrarium. Il s’agissait de la première horloge planétaire mécanique d’Occident, construite à Padoue par Giovanni Dondi (1330-1388). Cet horloger, médecin et astronome de la province de Venise avait mis seize ans, entre 1365 et 1381, à construire une horloge bien plus ambitieuse que l’horloge astronomique que son père avait installée à Padoue.
Alors qu’une horloge astronomique indique, en plus de l’heure, la position du Soleil et de la Lune dans le zodiaque, une horloge planétaire comme l’astrarium donne également la position des cinq planètes visibles à l’œil nu (Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne). Autrement dit, en se plaçant devant l’astrarium, on pouvait voir en temps réel où les planètes étaient situées dans le ciel. Cette prouesse était le résultat de la mécanisation des modèles planétaires permettant de calculer la position d’un astre errant en fonction de la date.
Giovanni Dondi bénéficia en premier lieu de l’invention récente de l’horlogerie mécanique, apparue à la fin du 13e siècle et qui répond à la combinaison de trois composantes: un moteur, un régulateur et un démultiplicateur. Toutes les horloges – jusqu’à l’invention par Christiaan Huygens du pendule en 1673 -, reposent sur le principe de la chute d’un poids (le moteur) qui entraîne un foliot (le régulateur). L’idée est de faire frapper alternativement, par deux palettes soudées sur un même axe et faisant entre elles un angle droit, deux dents diamétralement opposées d’une couronne placée verticalement et comptant un nombre impair de dents. La couronne est entraînée par le poids moteur, mais chacune des palettes, à tour de rôle, stoppe la couronne en bloquant une de ses dents, puis, autorisant le passage de celle-ci, laisse repartir la couronne que l’autre palette immobilise à son tour de la même façon avant d’autoriser le passage de la dent qu’elle vient de bloquer et un nouveau départ de la couronne.
Bien que robuste, l’horloge à foliot n’est pas précise puisqu’on s’accorde à dire qu’elle dérive au mieux de 20 minutes par jour. Mais la révolution apportée en Europe par les horloges mécaniques est considérable: les heures sont désormais sonnées et, surtout, elles durent toutes 60 minutes. Les horloges imposent donc à l’Europe l’heure équinoxiale, c’est-à-dire une heure de durée constante qui ne dépend plus ni de la date ni du lieu comme dans les cadrans solaires antiques qui indiquaient les heures dites inégales.
Giovanni Dondi va ensuite mécaniser un instrument typiquement médiéval, l’équatoire, sorte de calculateur en papier. L’équatoire repose sur les théories géocentriques de l’astronome grec Ptolémée (2e siècle), et plus particulièrement sur les modèles de son Almageste. Cet ouvrage majeur de l’astronomie antique propose pour chaque astre errant un modèle géométrique: les planètes tournent autour de la Terre immobile sur des combinaisons de cercles qui rendent compte de leur position dans le ciel. L’Almageste fut décliné par Ptolémée sous la forme de tables. Leur usage était réservé à des astronomes (et aux astrologues), mais le calcul de la position d’une planète à un jour et une heure précis nécessitait de manipuler de nombreuses valeurs numériques qu’on ajoutait, multipliait, soustrayait, forcément manuellement, ce qui demandait un temps considérable.
Les équatoires sont des disques gradués superposés en papier que l’on cale à la date voulue (en utilisant des tables astronomiques) puis, à l’aide de fils tendus, on lit sur la circonférence la position de la planète dans le zodiaque. Ils permettent donc d’abréger considérablement les calculs manuels, mais sans les supprimer totalement. Il y a un équatoire par planète, soit au total sept instruments. C’est d’ailleurs pourquoi l’astrarium de Dondi est une horloge en forme de cage d’environ un mètre de haut, comportant sept faces composées en laiton. Contrairement aux horloges planétaires ultérieures des 15e et 16e siècles, Dondi n’a pas caché toute la mécanique des engrenages, qui reste apparente et laisse l’observateur fasciné par cette prouesse technique.
L’astrarium disparaît au 16e siècle sans que l’on sache comment
Si l’instrument construit par Giovanni Dondi a suscité chez ses contemporains et, plus tard, jusqu’à l’empereur Charles Quint une admiration légitime, il a totalement disparu au 16e siècle sans que l’on sache comment. On sait par ailleurs qu’il était souvent en panne… Heureusement, nous est parvenu le « journal de bord » de Dondi à travers un manuscrit exceptionnel, illustré et en couleur, resté dans sa famille jusqu’au siècle et qui est conservé à la bibliothèque capitulaire de Padoue. Dans ce manuscrit, Giovanni Dondi a minutieusement décrit toute la construction de l’astrarium.
Une des grandes subtilités de cet instrument est que le poids qui entraîne le foliot (qui doit être remonté toutes les deux heures !) transmet d’abord son mouvement à l’horloge commune, composée d’un cercle en rotation gradué de 1 à 24. Un indicateur permet de voir défiler les heures, qui sont à Padoue au 14e siècle les heures italiques, comptées depuis le précédent coucher de Soleil: lorsque l’horloge indique 24 h, cela signifie que le Soleil se couche. L’horloge entraîne directement une roue horizontale appelée « roue de l’année », composée de 365 dents: c’est elle qui, en avançant d’une dent par jour, transmet le mouvement aux planètes. Celles-ci sont associées à un système de démultiplication indépendant très sophistiqué inventé par Dondi: il permet par exemple que Mercure parcourt son « déférent » en 88 jours alors que Saturne le parcourt en 30 ans.
L’horloge entraîne aussi directement la face « Soleil » située juste au-dessus: Dondi y indique, à l’aide d’un tympan astrolabique, non seulement la hauteur du Soleil à Padoue en fonction de l’heure, mais aussi la position du Soleil dans le zodiaque ainsi que l’heure inégale de nuit. La roue de l’année signale également les jours et les fêtes des saints. Notons l’exception que constitue la face « Lune », directement entraînée par la face « Soleil » et non par la roue de l’année, dont certains de ses engrenages ont des formes irrégulières ; en dessous de la Lune se trouve la face du « Dragon », qui permet de suivre les périodes où les éclipses sont possibles.
On peut « voir » les planètes avancer, stationner, rétrograder, repartir…
Pour chaque face planétaire, l’astrarium permet de lire à l’aide d’une réglette la coordonnée de la planète dans le ciel sur la bordure externe divisée en secteurs zodiacaux de 30°. La planète elle-même est figurée sur l' »épicycle » par un rivet qui coulisse dans une règle évidée, centrée sur la Terre. Ainsi Mars parcourt son épicycle en 780 jours, tandis que le centre de l’épicycle parcourt le « déférent » en 687 jours. On peut donc « voir » les planètes avancer, stationner, rétrograder, repartir, etc.
En vérité, il n’y a que les mouvements du Soleil et de la Lune qui sont sensibles à l’œil nu, d’autant que l’astrarium ne fonctionne pour les planètes que de façon intermittente. On imagine les difficultés qu’il y avait à régler cette machine où chaque face devait être calée sur une position précise en fonction de la date. D’autant que Dondi a réduit volontairement le nombre de roues et de pignons, de sorte que les positions indiquées ne sont pas très précises. Sans oublier, enfin, la mise à l’heure de l’ensemble qui supposait sans doute l’aide d’un cadran solaire.
L’usage de cet astrarium était plus astrologique qu’astronomique. Au 14e siècle, l’astrologie joue un grand rôle dans l’aide à la prise de décision, et si l’instrument permet en théorie de dresser un horoscope « en direct » en notant les positions des astres, c’est davantage comme indicateur d’instants favorables pour les initiatives (mariage, constructions, récoltes, soins, guerres…) qu’il servait. L’autre finalité de Giovanni Dondi était de réussir la prouesse de mécaniser les mouvements célestes, uniquement accessibles jusqu’alors avec des tables ou des équatoires. La reconstruction de l’astrarium à la fin des années 1980 à l’Observatoire de Paris – aujourd’hui installée en permanence au musée des Arts et Métiers à Paris – permet de contempler un instrument parfaitement fonctionnel et fidèle à celui qu’avait imaginé Giovanni Dondi.
Le modèle planétaire de Ptolémée
Dans le système géocentrique de L’Almageste, la Terre est immobile, au centre du monde: tous les astres tournent autour d’elle. Afin de rendre compte du mouvement des planètes au fil des mois devant les étoiles, qui est tantôt direct, tantôt rétrograde, Ptolémée (2e siècle) reprend l’idée des épicycles de l’astronome Apollonius de Perge (3e siècle avant notre ère) en la perfectionnant. Une planète parcourt un petit cercle de centre C, appelé « épicycle », en une révolution synodique tandis que le centre C de l’épicycle parcourt le grand cercle, appelé « déférent », en une révolution sidérale. En composant les deux mouvements, on voit que depuis la Terre, la planète peut avoir tantôt un mouvement direct, tantôt un mouvement rétrograde dans le ciel. Pour les planètes Mars, Jupiter et Saturne, dont les rétrogradations sont inégales, Ptolémée a imaginé un point symétrique à la Terre par rapport au centre, appelé « point équant », depuis lequel le mouvement de l’épicycle se fait de façon uniforme.
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