Anouar CHENNOUFI
Africa-Press – Niger. La visite du Secrétaire d’Etat américain Anthony Blinken au Niger, entamée le 16 mars 2023, est considérée comme une première pour un Chef de la diplomatie américaine, sachant que la dernière fois qu’un haut responsable officiel de grande importance s’y était rendu, notamment à Niamey, fut l’ancien vice-président « Walter Mondale » au cours des années 1980, lui qui occupa ce poste de 1977 à 1981, sous la présidence de « Jimmy Carter ».
Il s’agit, de première apparence, d’une visite destinée à apporter un soutien aux autorités nigériennes dans une région en proie à la violence terroriste et aux velléités de la Russie.
Il faut tout de même reconnaître que la visite de Blinken montre à quel point le Sahel prend de l’importance pour les Etats-Unis, mais aussi à quel point ces derniers considèrent le Niger comme un allié important dans cette lutte contre la violence au Sahel africain, surtout que le Niger reste le dernier pays qui a pu encore rester « sur ses pieds » en résistant à toutes les menaces et tentations.
Au Niger…il sera principalement question du Sahel
Blinken et le ministre des Affaires étrangères Hassoumi Massaoudou
La coopération bilatérale par rapport aux derniers financements, promis pour le Niger lors du sommet « Afrique – USA », sera aussi sûrement évoquée, car en quittant Washington, le Niger a été l’un des pays les plus bénéficiaires de ce sommet.
A noter que le département d’État américain a déclaré que la visite de Blinken, au cours de laquelle il a pu rencontrer le président Mohamed Bazoum et le ministre des Affaires étrangères Hassoumi Massaoudou, est « une reconnaissance de notre solide relation bilatérale avec un partenaire majeur dans le domaine de la démocratie, de la gouvernance et de la sécurité régionale ».
D’après l’affirmation du Secrétaire d’Etat américain, le Niger aurait été le plus grand bénéficiaire de l’aide militaire du ministère des Affaires étrangères en Afrique de l’Ouest et le deuxième en Afrique subsaharienne.
Par ailleurs, les États-Unis ont également apprécié le « leadership humanitaire » du Niger, car il « continue de maintenir des frontières ouvertes pour ceux qui fuient le conflit, à une époque où les fermetures de frontières et les restrictions de mouvement se multiplient dans le monde ».
Blinken à Niamey pour contrer l’influence de la Chine et de la Russie ?
Les médias ont mis l’accent sur le fait que dès son arrivée dans la capitale nigérienne, le jeudi 16 mars 2023, Anthony Blinken a annoncé la fourniture d’une nouvelle aide humanitaire d’une valeur de 150 millions de dollars pour la région du Sahel africain, qui, selon lui, apportera un soutien vital aux réfugiés et autres personnes touchées par le conflit et l’insécurité alimentaire, soulignant à ce propos que Washington a souhaité exprimer son soutien à ce pays qui jouit d’une stabilité malgré la crise, mais qui est l’un des pays les plus pauvres du monde.
Blinken a confirmé également que l’aide répondra aux besoins du Niger, du Burkina Faso, du Tchad, du Mali et de la Mauritanie, ajoutant que l’enveloppe comprend entre-autres un financement pour soutenir les réfugiés de la région du Sahel en Libye et au Niger.
Le Niger… base militaire clé pour les forces occidentales
Anthony Blinken, étant le premier secrétaire d’État américain à visiter l’ancienne colonie française, considérée comme une base militaire clé pour les forces occidentales dans leur campagne de lutte contre le « le terrorisme et l’extrémisme » dans la région du Sahel, a entamé sa visite sur le terrain en rencontrant d’anciens combattants qui ont renoncé à la violence et qui bénéficient d’un programme de réintégration financé par les États-Unis avec environ 20 millions de dollars.
A noter qu’en quittant l’Ethiopie en direction du Niger, il a déclaré que sa visite dans les deux pays s’inscrit dans le cadre de l’engagement du président Joe Biden d’être « pleinement favorable à l’Afrique avec l’Afrique », tout en précisant que : « Cela signifie que les États-Unis s’engagent dans un processus approfondi, interactif et de vrais partenariats sur le continent », de telle manière que l’administration Biden s’impliquerait davantage en Afrique pour contrer l’influence chinoise croissante, là-bas, ainsi que la récente influence russe.
Dans ce contexte, le Mali, État frontalier de l’ouest du Niger, s’est trop rapproché de la Russie, notamment avec la présence du groupe paramilitaire russe privé « Wagner », et Bamako, en retour, a rompu l’alliance militaire avec la France et ses partenaires.
Et dans la mêlée, le Niger est devenu entre-temps un allié majeur des efforts militaires français en Afrique de l’Ouest, avec le déploiement d’un millier de soldats, alors que les États-Unis, à leur tour, ont construit et exploité la base aérienne 201 au centre de ce pays désertique, où les américains utilisent des drones pour s’attaquer aux « terroristes » et surveiller leurs déplacements.
Retour de la stabilité pour un pays marqué par une série de coups d’État
Réunion présidée par Mohamed Bazoum et Anthony Blinken
En revenant à l’historique du Niger, un pays indépendant depuis 1974, nous constatons que le pays sahélien fut secoué par une série de coups d’Etat, dont le dernier remonte à 2010.
Il n’a retrouvé la stabilité qu’en 2011 après l’élection de Mahamadou Issoufou, devenu président de la république du Niger du 7 avril 2011 au 2 avril 2021, et qui s’est retiré de la vie politique en 2021 suite à l’élection de Mohamed Bazoum, dans le cadre du premier processus pacifique de transfert de pouvoirs entre deux présidents élus. Un processus démocratique louable que Washington avait salué et mettant en exergue la performance du président Mohamed Bazoum, notamment lors du sommet des dirigeants africains organisé par Joe Biden, au mois de décembre 2022, dans la capitale américaine.
Pour rappel, le président Bazoum, a toujours critiqué sans hésitation le travail du groupe armé Wagner.
C’est d’ailleurs dans ce sens qu’un haut responsable américain de la délégation de Blinken a déclaré :
« Nous pensons que les Nigériens font les bons choix pour faire face aux types de menaces qui sont courantes dans tout le Sahel, et par conséquent, nous essayons de donner un exemple positif », ajoutant que Washington veut aider Niamey à « professionnaliser » ses forces armées car « franchement…le Niger est dans une situation très difficile, mais malgré tous ces défis, les autorités essaient de faire ce qui doit être fait ».
Blinken : les pays africains méritent bien une plus grande représentation
Conférence de presse : Anthony Blinken – Hassoumi Massaoudou
Au cours de sa visite de 5 jours (Ethiopie et Niger), les dossiers inclus dans la visite de Blinken ont varié, ainsi que les parties qui ont été incluses dans la tournée, à la lumière d’une délégation américaine intégrée, et ses mouvements et sorties les plus importants lors de la visite dans les deux pays.
Pour le Secrétaire d’Etat américain, les pays africains sont des partenaires essentiels dans :
• la sécurité alimentaire,
• la crise climatique,
• la santé mondiale,
• les droits de l’homme,
• et la paix.
Selon lui, ils méritent une plus grande représentation, notamment dans les institutions mondiales, et a promis que ces dossiers seront mis au point lors et après sa visite, notamment du point de vue « soutien humanitaire pour la région et soutien vital aux réfugiés et autres personnes touchées par le conflit et l’insécurité alimentaire ».
La mission de Blinken a-t-elle été accomplie selon l’objectif « Biden » et les espoirs de « Bazoum » ?
Anthony Blinken – Mohamed Bazoum
Pour les États-Unis, le Niger est sur la première ligne de front africaine pour les éléments d’Al-Qaïda et de Daech, d’autant plus que « le Burkina Faso et le Mali » ont subi des attentats terroristes dans la période récente, et c’est pour cette raison que les États-Unis ont dépêché 800 soldats américains pour former les forces nigériennes afin de mieux affronter les terroristes de ces deux organisations.
En d’autres termes, le discours américain envers le Niger peut être compris dans le contexte de la stratégie de discrimination, dans laquelle les Etats-Unis tentent de distinguer leur présence de la présence d’autres puissances telles que Russie, Chine, ou autres, et de développer la profondeur de leurs relations avec d’autres pays, ce qui consolide leur présence dans la zone, sans toutefois abandonner leurs alliés traditionnels, et utilisent cette stratégie lorsque la concurrence s’intensifie, avec la multiplication des acteurs internationaux sur un territoire, et en présence de ressources et de contextes pouvant être mis au service de nouveaux objectifs, qui est avant tout une stratégie économique, qui est généralement utilisée dans des contextes politiques.
Il importe de noter que la visite est porteuse d’un certain nombre d’indications, que ce soit dans l’indication de son importance, ou dans les déterminants de la relation des États-Unis avec les pays africains.
Le Secrétaire d’Etat américain avait quitté Washington avec des accords spécifiques. Il a obtenu des subventions importantes pour aider le Niger à développer ses infrastructures routières et même le secteur du transport, afin de faciliter l’exportation du pétrole du Niger en passant par le Bénin.
Si Antony Blinken s’est rendu à Niamey, cela représente sûrement la suite logique de la façon, dont le Niger a été accueilli pendant le sommet de décembre 2022.
Il en a profité pour dialoguer également avec des jeunes des zones de conflit du Niger qui ont participé au programme de désarmement, démobilisation, réintégration et réconciliation (DDRR) pour s’informer sur leurs contributions à la paix au Niger.
On peut donc certifier également que « Les États-Unis, avec leur visite au Niger et en Éthiopie, semblent avoir réussi à consolider leur retour en Afrique à travers leurs partenaires ».
Autres sujets importants non évoqués au cours de la visite de Blinken
Finalement, on peut souligner que la visite d’Anthony Blinken n’a pas été « tout sucre tout miel », car il faut aussi noter qu’il y a des dossiers importants qui n’étaient pas sur la table lors de cette visite. A titre d’exemple, la présence des forces érythréennes sur le territoire de la région du « Tigré » au nord de l’Éthiopie.
Alors que certaines des dispositions de l’accord de « Pretoria » prévoient le départ des forces « étrangères » du territoire de la région et le retour aux conditions d’avant-guerre, ce qui peut entraîner un changement dans de nombreuses conditions dans la région du nord, ce qui s’est produit pendant la période de guerre, et ce dossier, malgré son importance, n’a pas bénéficié d’une position américaine claire au cours de la visite ou, du moins, celle-ci n’a pas été déclarée publiquement.
Appui médiatique :
-VIDEO arrivée de Blinken à Niamey
https://www.france24.com/ar/فيديو/20230317-بلينكن-في-النيجير
-VIDEO déclaration de Blinken au Niger lors d’une CP
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