La CEDEAO : de la fondation à la crise politique en République du Mali

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La CEDEAO : de la fondation à la crise politique en République du Mali
La CEDEAO : de la fondation à la crise politique en République du Mali

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Benin. La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, CEDEAO en français et ECOWAS en anglais, est une organisation politique internationale et une union économique régionale de quinze pays situés dans la région de l’Afrique de l’Ouest. Ensemble, ces pays couvrent une superficie de 5.114.162 kilomètres carrés.

Historique

L’idée d’établir la communauté économique entre les pays d’Afrique de l’Ouest remonte aux années cinquante du siècle dernier, et s’est traduite par l’union douanière qui a été établie en 1959 entre la fédération du Mali (Sénégal et Mali) et entre les quatre pays d’harmonie, qui sont le Burkina Faso (anciennement Haute-Volta), le Bénin (anciennement Dahomey) et le Niger et la Côte d’Ivoire.

Lorsque les pays de la région ont obtenu leur indépendance vis-à-vis des puissances coloniales européennes, l’idée de créer une organisation de coopération à la fois économique et politique a émergé.

Le premier noyau a été l’initiative de l’ancien président du Libéria, William Tubman en 1964 de créer une organisation de coopération pour les pays de la région, et cet appel a abouti l’année suivante à la signature d’un accord d’inter-coopération entre le Libéria, Côte d’Ivoire, Guinée et Sierra Leone, mais le projet avait échoué.

En 1972, le projet fût relancé par les présidents nigérian et togolais, qui ont parcouru 12 pays africains pour persuader leurs dirigeants de s’engager dans le projet. Dans ce cadre, le groupe a été créé le 25 mai 1975 dans le cadre de l’Accord de Lagos, avec Abuja, la capitale du Nigeria, comme siège.

Le groupe comprend 15 pays membres : Cap-Vert, Gambie, Guinée, Guinée-Bissau, Libéria, Mali, Sénégal, Sierra Leone, Bénin, Burkina Faso, Ghana, Côte d’Ivoire, Niger, Nigéria et Togo. Tous ces pays ont rejoint le groupe lors de son Assemblée constitutive tenue en mai 1975, à l’exception du Cap-Vert, qui l’a rejoint en 1976. La Mauritanie a été membre du groupe jusqu’en 2000, date à laquelle elle s’est retirée du groupe et a indiqué son intention de revenir dans le bloc, mais c’est encore en discussion.

Côté législatif

La CEDEAO a des lois et des accords concernant les élections et les coups d’État dans les États membres. La République du Mali est l’un des signataires et est liée par ces accords, qui ont amené l’organisation à prendre position sur le coup d’État contre l’ancien président de la République du Mali, Ibrahim Boubacar Keïta, et en particulier, l’imposition d’un strict contrôle politique, commercial et des sanctions stratégiques à la suite de la dernière réunion des dirigeants des pays du groupe tenue à Accra, la capitale du Ghana, le 9 janvier 2022. C’est après que les autorités de transition au Mali ont proposé de tenir des élections en décembre 2025 au lieu de février, comme convenu initialement entre le groupe et le gouvernement malien.

Lois de la CEDEAO face à la crise

Loin des sentiments politiques et géoéconomiques de la situation politique et de la crise actuelle en République du Mali, il existe des lois internationales et régionales signées par l’État malien et utilisées par le groupe pour déterminer le sort de la situation politique dans le pays. Parmi ces obligations internationales du Mali figure le Protocole sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance de la CEDEAO de 2001.

Conformément à la Section I Clause (1) des Principes de convergence constitutionnelle du Protocole, qui stipule :

• (b) Tout accès au pouvoir doit se faire par le biais d’élections libres, équitables et transparentes
• (c) Tolérance zéro absolue pour le pouvoir obtenu ou maintenu par des moyens illégaux signifiant « anticonstitutionnels ».

Sur la base de ces clauses et d’autres, un malentendu s’est produit dès le début de la crise politique au Mali, et l’affaire s’est aggravée entre le groupe et les militaires, car l’ancien président déchu avait été élu par tout le peuple, au suffrage universel, pour un mandat qui était en vigueur, et donc l’arrivée des militaires au pouvoir n’était pas légitime selon les engagements de la République malienne.

L’Union africaine face aux coups d’État et aux changements anticonstitutionnels de gouvernements démocratiques

Depuis l’indépendance, la plupart des pays africains ont souffert des coups d’État, sachant que l’Afrique a connu plus de 200 putschs militaires réussis ou déjoués depuis 1960.

Des années 1980 à ces dernières années, les coups d’État étaient les plus courants en tant que forme de changement de gouvernement, comme cela s’est produit récemment en République du Mali, en Guinée Conakry et au Burkina Faso.

Faire face à de tels changements anticonstitutionnels a poussé les dirigeants africains à agir au niveau continental, afin de mettre fin à la tradition de tous ces putschistes de prendre le pouvoir.

En 2000, le prédécesseur de l’Union africaine, à savoir l’Organisation de l’unité africaine (OUA), a adopté la « Déclaration de Lomé » sur le cadre de la réponse de l’OUA à l’inconstitutionnalité des Changements de gouvernement, d’où quatre cas avaient été identifiés :
1) Coup d’État militaire,
2) Intervention mercenaire,
3) Prise du pouvoir par des groupes armés dissidents et des insurrections,
4) Refus du gouvernement actuel de céder le pouvoir après des élections libres, équitables et régulières.

Ce système a été réaffirmé dans l’Acte constitutif de l’Union africaine, qui inclut parmi ses principes directeurs « la condamnation et le rejet des changements anticonstitutionnels de gouvernement ». L’article 30 de celui-ci stipule que « les gouvernements qui arrivent au pouvoir par des moyens anticonstitutionnels ne sont pas autorisés à participer aux activités de l’Union ».

Selon la Déclaration de Lomé de juillet 2000 sur le cadre de réponse de l’Organisation de l’unité africaine aux changements anticonstitutionnels de gouvernement « lorsqu’un changement anticonstitutionnel tel que prévu dans la définition de changement anticonstitutionnel ci-dessus se produit, dans un État membre, le président en exercice de l’OUA et son Secrétaire général, au nom de notre organisation, condamnent immédiatement et publiquement ce changement et demandent instamment un retour rapide à l’ordre constitutionnel.

Le Président et le Secrétaire général actuels devraient également envoyer un avertissement clair et sans équivoque aux auteurs du changement anticonstitutionnel qu’en aucun cas leurs actions illégales ne seront tolérées ou reconnues par l’OUA.

À cet égard, le Président en exercice et le Secrétaire général devraient exhorter à la cohérence des actions aux niveaux bilatéral, interétatique, sous-régional et international. Ensuite, l’Organe central se réunira, d’urgence, pour discuter de cette question ».

D’autre-part, selon l’article 25 (1) de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, « Lorsque le Conseil de paix et de sécurité constate qu’il y a eu un changement anticonstitutionnel de gouvernement dans un État membre et que les initiatives diplomatiques ont échoué, cet État cesse d’exercer son droit de participer aux activités de l’union conformément aux dispositions des articles 30 de l’Acte constitutif et la suspension prend effet immédiatement ».

Vu que la République du Mali est membre de ces organisations et chartes, par conséquent l’Union Africaine pourrait prendre des mesures contre lui, en réponse au coup d’Etat, conformément au cadre du droit international continental auquel l’État du Mali s’était engagé.

Soutien grandissant de la Junte militaire au Mali


Les Maliens ont aussi leur mot à dire

Au moment où des partenaires importants comme la France, l’Algérie, les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont ajouté à la pression à des degrés divers en réclamant le retour du pouvoir aux civils dans les meilleurs délais, la junte militaire a pu trouver plus d’indulgence auprès de la Russie, la Chine ou la Guinée.

Il faut reconnaitre tout de même qu’au Mali, les expressions de soutien à la junte se sont multipliées, faisant écho à son appel lancé à la population à « défendre la patrie ». Elles vont de pair avec les déclarations d’animosité à l’encontre de la CEDEAO et ceux qui la soutiennent.

Ainsi, le ralliement derrière la junte relève autant de l’espoir de changement que de l’anxiété quant à l’impact économique des sanctions sur un pays éprouvé.

Qui soutient la junte militaire ?


Presque tous avec la Junte militaire pour sauver et sauvegarder le Mali

Nombreux sont les acteurs politico-sociaux à afficher leur soutien à la junte. La principale plateforme syndicale, l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM), a estimé que la CEDEAO et l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), partie prenante aux sanctions, avaient « une fois de plus trahi l’Afrique », les traitant d’instruments néocoloniaux.

Le peuple, lui-même encadré par diverses ONG, s’agrippe à la junte militaire qui gouverne le pays actuellement, et les slogans dans ce sens ne cessent de parcourir les rues et les unes des journaux, tels que : « S’unir ou périr », « Défendre notre Mali », « Pour un nouveau Mali »…

On dénote de ceci que le « nationalisme » a pris le dessus, et que les gens sont déterminés à défendre leur pays malgré toutes les pressions régionales et internationales.

Par ailleurs, on constate qu’une importante frange de la population juge que les élections n’ont, jusque-là, pas permis de combler l’espoir d’une meilleure gouvernance et donc d’une vie meilleure pour les Maliens.

Et si le Mali se retirait de la CEDEAO ?

Cette euphorie populaire qui s’est ralliée à l’appel de plusieurs organisations de la société civile, s’est manifestée à l’aide de banderoles et de slogans hostiles à la CEDEAO ainsi qu’à la France à la place de l’Indépendance à Bamako, le vendredi 1er avril dernier.



« Merci Assimi »

En effet, les manifestants ont réclamé l’autonomie monétaire du Mali, tout en souhaitant que le Mali se retire de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest.

Mais les autorités de la transition malienne, jusqu’en ce moment, n’ont pas évoqué cette éventualité, du moins pas officiellement, car il faut craindre l’isolement international du Mali, parce qu’il se trouve qu’aujourd’hui le Mali est militairement soutenu par les Russes du groupe Wagner, ce qui coïncide mal, du fait que la Russie est pointée du doigt par la communauté internationale depuis l’invasion de l’Ukraine, et cela s’inscrit dans une dynamique qui n’est pas à l’avantage du Mali

Quelles seraient donc les conséquences d’un tel scénario ?

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