La colossale DETTE africaine en 2024 : scénarios futurs et attentes négatives face aux diverses possibilités !

5
La colossale DETTE africaine en 2024 : scénarios futurs et attentes négatives face aux diverses possibilités !
La colossale DETTE africaine en 2024 : scénarios futurs et attentes négatives face aux diverses possibilités !

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Benin. Il faut d’abord savoir qu’entre 2000 et 2020, la dette extérieure de l’Afrique a plus que quintuplé, ce qui constituait environ 65 % de son produit intérieur brut en 2022. Près de trois ans après le déclenchement de la pandémie de Covid-19, la crise de la dette des pays d’Afrique subsaharienne ne cesse de s’aggraver et de s’intensifier, malgré les efforts locaux et internationaux déployés, car les finances publiques de nombreux pays africains souffrent des répercussions des chocs mondiaux, à la lumière de:
• la hausse des coûts d’intérêt de la dette,
• l’augmentation du coût des importations alimentaires et énergétiques,
• la baisse de la valeur de la monnaie.

Avec une dette publique élevée résultant de faibles recettes fiscales et de taux d’intérêt élevés, le développement de l’Afrique subsaharienne se heurte à un obstacle majeur. Les conditions financières difficiles limitent la capacité des gouvernements à investir dans les services de base, tels que les soins de santé et de l’éducation.

À cet égard, il convient de noter que l’Afrique dépense actuellement davantage pour le service de la dette que pour les soins de santé, ce qui accroît les risques d’exacerbation de la dette sur le développement futur du continent africain.

Retour sur les indicateurs clés

Il existe des indicateurs clés qui clarifient l’état actuel de la dette africaine, dont les 10 plus importants ont été identifiés comme suit:

• Le ratio moyen dette/PIB continue d’augmenter

La mobilisation limitée des recettes publiques a entraîné une augmentation significative de la dette en monnaie locale, passant de 35 % du PIB en moyenne en 2019 à 42 % en 2021. Selon l’Union africaine, citant une analyse récente, le ratio moyen dette/PIB en Afrique devrait rester élevé, à 65 % en 2024, en raison de l’augmentation des besoins de financement liés à l’augmentation des factures d’importations alimentaires et énergétiques, à la hausse des coûts du service de la dette et à la baisse des taux de change. De nombreux pays africains sont confrontés à des difficultés d’accès aux marchés de capitaux internationaux en raison de notations de crédit défavorables et d’une infrastructure financière mondiale inefficace.

• Le ratio des paiements d’intérêts de la dette aux recettes publiques a doublé

Selon le Fonds monétaire international (FMI), le ratio des paiements des intérêts de la dette aux recettes publiques en Afrique subsaharienne, qui s’élève à environ 10,5%, a doublé au cours de la dernière décennie, jusqu’à devenir environ trois fois son homologue dans les pays développés.

A cet égard, l’agence de notation Fitch s’attend à ce que ce ratio atteigne 40% au Nigeria, et 28% au Kenya, par exemple, en 2024. Selon les prévisions d’Oxfam International, une organisation non gouvernementale de lutte contre la pauvreté, les dépenses publiques en termes réels diminueront au cours des cinq prochaines années dans 26 pays d’Afrique subsaharienne.

• Une baisse des liquidités dans la plupart des économies africaines

D’après le Fonds monétaire international, les liquidités se sont taries dans la plupart des économies africaines, à la suite des chocs mondiaux survenus au cours des trois dernières années, notamment l’apparition de la pandémie de Covid, la guerre en Ukraine, et les dépenses publiques qui sont alimentées par une dette accrue, souvent avec des rendements faibles, ce qui a entraîné l’accumulation d’un lourd héritage de dette dans de nombreux pays africains, comme le Ghana et la Zambie, qui souffrent déjà d’une crise de défaut de paiement.

• Les répercussions des taux d’intérêt élevés sur les opportunités d’emprunt et d’investissement

Les taux d’intérêt élevés ont privé la plupart des pays de la région de l’Afrique subsaharienne des marchés mondiaux de la dette. Aucun d’entre eux n’a émis d’obligations typiques libellées en dollars depuis début 2022. Cela représente un indicateur négatif, ce qui signifie que si ces pays sont en mesure d’emprunter commercialement, tout projet financé par la dette devra générer des rendements plus élevés, ce qui représente un autre défi majeur dans le contexte du ralentissement de la croissance économique et du développement dans la région.

• Diminution des remboursements des prêts chinois

Auparavant, les prêts chinois constituaient l’une des alternatives sur laquelle s’appuyait l’Afrique, néanmoins la Chine ayant tendance à tarir ces prêts, ainsi que la baisse des décaissements des prêts chinois en 2022 à environ 10 % du total des prêts chinois à l’Afrique subsaharienne en 2016, en plus d’une économie chinoise souffrante, les chances de recouvrement de ces prêts restent faibles, ce qui limite les alternatives pour de nombreux pays africains.

• La crise macroéconomique dans de nombreux pays africains

De nombreux pays africains connaissent de grandes difficultés économiques. Alors que l’Afrique du Sud souffre d’une crise de coupures d’électricité et d’une gouvernance inefficace, le Fonds monétaire international table sur une croissance de seulement 1,8% en 2024. Par ailleurs le Nigeria souffre toujours des risques d’escalade des groupes armés et de propagation des enlèvements, la dette publique pose un dilemme majeur à son gouvernement, car le Nigeria a consacré environ 96 % de ses recettes fiscales au service de la dette et devrait continuer à y consacrer plus de 60 % jusqu’en 2026.

• Les effets négatifs de l’instabilité politique

L’année 2023 a été une année très difficile pour de nombreux pays africains, dans un contexte de violence croissante dans la région du Sahel. Les coups d’État et la mauvaise gouvernance civile ont ébranlé la confiance dans la démocratie, une année qui s’est terminée par la propagation de la désastreuse guerre civile au Soudan et les combats ont balayé, le 15 décembre 2023, la ville de Wad Madani, située à 200 kilomètres au sud de la capitale déchirée par la guerre, Khartoum.

Ainsi, l’instabilité politique et sécuritaire persistante dans différentes parties de la région pourrait accroître le risque de défaut de paiement en 2024.

• La part de l’Afrique dans le PIB mondial est en baisse

Dans toute la région, les niveaux de dette publique ont atteint leurs plus hauts niveaux depuis 2001. Dans ce contexte, la part de l’Afrique subsaharienne dans le PIB mondial est tombée à seulement 1,9 %, par rapport à sa part précédente du PIB mondial estimée à 18% de la population mondiale.

• Le défaut de paiement de dette

Selon la Banque mondiale, neuf pays africains souffrent actuellement de surendettement, tandis qu’une quinzaine d’autres pays courent un « risque élevé », en raison de leur incapacité à répondre aux exigences de paiement.

A titre d’exemple, l’incapacité de l’Éthiopie à payer une tranche de 33 millions de dollars a conduit le pays à rejoindre la Zambie et le Ghana sur la liste croissante des défaillants sur les euro-obligations, tandis que le Sénégal a tenté de répondre plus tôt à certains de ses besoins de financement pour 2024 afin d’éviter les risques potentiels qu’il subit, dont la plupart des emprunteurs africains le sont depuis des années.

Selon le ministre sénégalais des Finances et du Budget, Mamadou Moustapha Bâ, le Sénégal a emprunté environ 604,8 milliards de francs CFA, spot l’équivalent de 976 millions de dollars supplémentaires en 2023, pour couvrir les besoins en service de la dette au cours des quatre premiers mois de 2024.

• Austérité budgétaire dans certains pays africains

Il existe une tendance claire dans certains pays africains, à savoir que certains gouvernements adoptent une politique d’austérité dans leurs budgets. En octobre 2023, par exemple, le Conseil des ministres du Kenya a ordonné aux départements et ministères du gouvernement de réduire de 10 % leurs budgets de fonctionnement pour l’exercice se terminant en juin 2024.

En Angola, qui dépend du pétrole, selon la ministre angolaise des Finances, Vera Daves De Sousa, la production de brut a diminué moins que prévu, alors que le pays traverse une période d’austérité sévère, ce qui est clairement évident à la lumière du gel par l’État d’une partie des dépenses non sociales pendant l’année 2023, comme les dépenses en capital sur des projets qui n’étaient pas achevés à moins de 80 %, et ce seulement pour que l’État puisse continuer à assurer le service de la dette et à payer les salaires.

Retour sur les scénarios attendus

Les scénarios futurs concernant l’avenir de la dette africaine tendent vers deux voies principales, qui sont apparemment les suivantes:

• La possibilité d’une amélioration de la situation des dettes africaines en 2024

Il existe une tendance positive vers la possibilité d’une amélioration de la situation de la dette africaine en 2024, mais seulement si cela est lié à une baisse des taux d’intérêt américains et à un dollar américain faible. En témoigne ce qu’a indiqué le président de la Réserve fédérale américaine concernant l’intention de la Réserve fédérale de réduire les taux d’intérêt jusqu’à 75 points de base en 2024, une annonce qui a alimenté l’optimisme sur les marchés émergents et frontaliers d’Afrique. La corrélation entre la dette africaine et les taux d’intérêt américains peut peut-être s’expliquer dans le contexte du rôle de la hausse des taux d’intérêt aux États-Unis dans le renforcement du dollar américain et, par conséquent, les monnaies africaines ont enregistré de fortes baisses par rapport au dollar. Ce qui se traduit par une augmentation du coût des importations et des biens en termes locaux, et donc des niveaux d’inflation plus élevés. En outre, l’augmentation du coût du service de la dette libellée en dollars pour les pays africains pourrait pousser le continent vers le surendettement comme résultat final..

De ce point de vue, ce scénario tend à anticiper de nombreux aspects positifs potentiels associés à la baisse des taux d’intérêt et à la faiblesse du dollar, notamment le rôle que cela joue dans la baisse des rendements des actifs en dollars, ce qui pourrait à son tour encourager les investisseurs de portefeuille à examiner de près les opportunités disponibles dans les Marchés africains, dans l’espoir d’obtenir des rendements plus élevés, ainsi qu’une réduction des coûts du service de la dette africaine, réduisant ainsi le fardeau de la dette des pays de la région.

• Attentes négatives concernant l’avenir de la dette africaine

Cette tendance repose sur un certain nombre d’attentes négatives concernant l’avenir de la dette africaine en 2024, dont les plus marquantes peuvent être identifiées comme suit:

1 – Perspectives de croissance modestes en Afrique subsaharienne:

Le PIB de l’Afrique subsaharienne est passé de 4 % en 2022 à 3,3 % en 2023, et la Banque mondiale s’attend à ce que le PIB atteigne 4 %, ce qui, s’il est atteint, signifie que le taux de croissance économique de la région restera très modeste par rapport à la croissance démographique d’environ 2,6%, sachant que la majorité des économies africaines manquent de ce dont elles ont besoin pour une croissance économique transformatrice, soit:
• une main-d’œuvre bien formée,
• des routes et une électricité fiables,
• et un gouvernement fort et doté de ressources suffisantes,

à la lumière des ressources et du financement limités en Afrique subsaharienne, avec seulement quelques moteurs de croissance en place, car la capacité de nombreux pays d’Afrique subsaharienne sera très limitée.

2- Consacrer une grande partie de leurs revenus au service de la dette extérieure:

Environ 19 pays d’Afrique devraient consacrer plus d’un cinquième de leurs revenus en 2024 au service de la dette extérieure, notamment l’Éthiopie, la Côte d’Ivoire et le Kenya. En moyenne, on s’attend à ce qu’environ 17 % des revenus en Afrique soient consacrés au service de la dette extérieure en 2024.

3 – La poursuite attendue de la hausse des taux d’intérêt:

Ce scénario prévoit que la croissance mondiale sera plus faible en 2024, et même si l’on s’attend à ce que la Réserve fédérale américaine et la Banque centrale européenne commencent à baisser les taux d’intérêt en 2024, les taux d’intérêt resteront probablement élevés par rapport aux années précédant la pandémie de Covid-19.

Cela implique que les conditions de financement du marché pour les pays d’Afrique subsaharienne resteront coûteuses et très restrictives. Quant aux entités souveraines confrontées à des problèmes de liquidité extérieure, cela pourrait entraîner une pression accrue sur les taux de change, ce qui exacerberait l’inflation et alourdirait le service de la dette publique.

4- La possibilité d’une restructuration de la dette dans plusieurs pays africains

Certains pays africains devraient procéder à une restructuration de leur dette en 2024, et en considérant le fait que la restructuration de la dette est devenue nécessaire pour ramener le fardeau de la dette à des niveaux soutenables, en particulier pour les pays africains lourdement endettés, et ainsi réduire l’impact négatif de l’augmentation du service de la dette sur l’environnement social et économique déjà fragile de nombreux pays d’Afrique subsaharienne.

Par conséquent, une restructuration préventive de la dette permettrait d’éviter une crise de la dette aux répercussions sociales et économiques catastrophiques, et offrirait également un espace financier supplémentaire à mesure que les pays se remettraient des chocs précédents et actuels et renforceraient leur résilience et leur capacité d’adaptation.

5- Attentes de défis de financement persistants

Selon Fitch Ratings Agency dans son rapport publié le 11 décembre 2023, les défis de financement devraient persister pour la majorité des pays d’Afrique subsaharienne, car ces pays n’auront pas la capacité ou la possibilité d’accéder à un coût abordable aux marchés de capitaux internationaux sans amélioration du crédit, à la lumière des données susmentionnées concernant les perspectives de croissance économique dans la région en 2024 et des indicateurs actuels sur la situation de la dette africaine.

Globalement, l’avenir de la dette africaine en 2024 dépend de plusieurs facteurs, parmi eux nous trouvons:
• Le montant de la croissance économique de la région,
• La mesure dans laquelle les gouvernements sont capables de faire face aux défis sécuritaires et politiques dans leur pays,
• outre la situation économique mondiale et l’étendue de la stabilité géopolitique mondiale, qui affectent grandement les taux d’intérêt américains et la valeur du dollar américain.

Les pays d’Afrique subsaharienne restent donc confrontés à un défi majeur représenté par l’engagement en faveur d’efforts de réforme financière qui, dans de nombreux cas, sont liés aux programmes du Fonds monétaire international, notamment pour alléger les restrictions de financement.

A noter que selon le dernier rapport annuel de la Banque mondiale, la dette publique des pays d’Afrique subsaharienne s’élevait à 1 140 milliards de dollars à la fin de 2022..

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Benin, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here