Anouar CHENNOUFI
Africa-Press – Benin. Les mouvements armés en Afrique s’appuient sur des confrontations militaires en adoptant la guérilla, qui a eu un impact négatif sur la sécurité et la stabilité du continent et a fait souffrir de nombreuses régions de la misère, de la pauvreté et du manque de développement.
Ces mouvements diffèrent par leurs origines, où les groupes opèrent sous divers slogans et revendications, notamment politiques, idéologiques et ethnique. Par conséquent, nous constatons qu’il existe des dizaines de mouvements armés actifs sur le continent après l’indépendance des pays africains du colonialisme, hors mis Al-Qaïda et Daech.
Dans le même contexte, il faut rappeler que le Sahel africain est une zone de transition écologique, climatique et biogéographique entre le désert du Sahara au nord et la large ceinture de savane tropicale s’étendant à l’est et à l’ouest à travers le continent africain. Cette caractéristique géographique confère à ses pays l’avantage d’être influencés par les évolutions du monde africain au sud et du monde arabe au nord, et en fait un espace important pour le monde islamique.
On entend par pays du Sahel africain : le Burkina Faso, le Cameroun, le Tchad, la Gambie, le Sénégal, la Guinée, le Mali, le Niger et le Nigeria.
Ces pays ont connu ces dernières années de nombreuses transformations en ce qui concerne les mouvements islamiques et l’escalade des activités des mouvements des groupes armés qui ont transcendé les frontières locales pour influencer les voies nationales et régionales.
Facteurs et motivations de l’émergence des mouvements armés en Afrique
L’état de conflit en Afrique a des raisons historiques profondément enracinées qui peuvent s’expliquer comme suit :
• La dimension tribale et ethnique
Le pluralisme ethnique est la caractéristique qui distingue l’État contemporain, à tel point qu’il est difficile de parler d’un État jouissant d’une complète homogénéité de sa population. Bien évidemment, un État comprenait des groupes et des ethnies très différents, au point que tous les points communs, qu’il s’agisse de langue, de religion ou de race, ont disparu. Ce qui a conduit à de graves conflits entre ces groupes, de sorte que chacun d’eux veut que sa culture, sa religion ou sa langue soit dominante et rejette la domination des autres groupes sur elle.
La diversité ethnique est considérée comme l’une des caractéristiques les plus importantes des pays africains et les manifestations de cette diversité sont nombreuses, que ce soit au niveau tribal ou religieux, ainsi que linguistique.
A noter que le continent africain contient 33 % du total des langues du monde, qui constituent une crise d’identité dans de nombreux pays africains en raison des pratiques d’exclusion de l’État à l’égard d’une ethnie particulière, ou du nationalisme, ou de la volonté de sécession de cette dernière, comme cela s’est produit dans la région anglophone du Cameroun, dont la crise dans le nord du pays en est également une preuve. Comme également au Mali, la crise de l’Azawad, ou aussi la crise de la Casamance, au sud du Sénégal, qui revendique le droit à l’autodétermination de l’ethnie sérère.
• Le manque de bonne gouvernance
Après l’indépendance, les régimes au pouvoir en Afrique ont cherché à consolider leurs racines au pouvoir en imposant une politique de parti unique. Ce qui a érodé le droit des autres forces politiques à participer politiquement, et les partis politiques, les organisations de la société civile et les syndicats étaient absents, ce qui a contribué à l’érosion de la légitimité de ces régimes en raison de pratiques de violence, de répression et de tyrannie. En outre, la corruption s’est répandue et est devenue la caractéristique principale de diverses institutions étatiques, et cela a eu des répercussions sur le développement durable et le secteur économique, et a conduit à l’incapacité des pays africains à répondre aux besoins fondamentaux de leurs citoyens, ce qui a donné lieu à une intensification des revendications populaires appelant au renversement des régimes en place.
On constate également la disparition d’aspects de la démocratie, sachant que les changements politiques qui se produisent dans les pays africains se limitent à ce que l’on peut appeler la « démocratie de boîte électorale », c’est-à-dire ce qui se produit lors d’élections ostensiblement pluralistes, mais les résultats sont initialement décidés pour le parti au pouvoir et l’héritage des positions. Cette situation a contribué à conduire à des actes de violence, qu’il s’agisse d’un coup d’État militaire, d’assassinats ou d’une guerre civile. Ce qui renforce à son tour la vague d’affrontements tribaux au sein de l’État dans le but de changer les institutions.
Nous constatons donc que les régimes au pouvoir sont caractérisés par l’autoritarisme et la tyrannie, et qu’en même temps le président et les personnes influentes servent les intérêts de la tribu à laquelle ils appartiennent, sans égard aux autres composantes sociales concentrées dans la capitale, ce qui revient à perpétuer l’abandon des partis.
• La dimension idéologique
Les pays africains, en particulier les régions du Sahel, du Sahara et des Grands Lacs, connaissent un paysage sécuritaire très complexe. Selon le rapport de « Global Terrorism Index 2021 », la région du Sahel est considérée comme l’une des régions les plus violentes au monde, et les décès dans la région représentent 35% du total des décès résultant d’opérations terroristes dans le monde, ce qui reflète l’extrême détérioration des conditions de sécurité.
On peut donc affirmer que le principal catalyseur de l’incursion et de la propagation féroce des organisations terroristes dans les pays africains provient principalement de l’état de fragmentation tribale, qui a créé le climat permettant à ces pays de se transformer en environnements propices au terrorisme.
Le conflit autour des ressources naturelles et l’escalade des affrontements entre différentes tribus sont principalement dus à la privation systématique de certaines tribus de l’obtention de leur part des ressources, mais aussi de leur participation politique, ou de leur rôle sur les plans financier et économique.
La dimension religieuse joue également un rôle dans les affrontements tribaux, comme, par exemple, les affrontements sanglants entre éleveurs à majorité musulmane et agriculteurs à majorité chrétienne dans la région de la ceinture médiane au Nigeria, qui ont conduit à de violents affrontements. Ce qui a contribué à l’incursion du groupe « Boko Haram » dans cette région, qui est devenue l’un des centres d’influence les plus importants de ce groupe.
Par ailleurs, ce qui rend ces conflits encore plus sanglants, c’est : « L’état de chaos sécuritaire auquel le pays est confronté », qui est le résultat de la prolifération des armes légères.
Selon les rapports publiés par les autorités de sécurité kenyanes, il existe plus de six cent mille armes sans licence dans le pays. Cela a accru la propagation de la violence armée et conduit à l’incapacité des institutions de sécurité à contenir la situation. Pour ces raisons, nous trouvons des scénarios répétés de coups d’État militaires, comme cela s’est produit dans des pays comme le Mali, le Niger, la Centrafrique, le Burkina Faso et la Guinée.
Les effets des mouvements armés sur la sécurité en Afrique
Le continent africain souffre actuellement d’un mélange de litiges et de conflits armés, pour la plupart internes, dus à des luttes pour le pouvoir, la richesse ou les deux à la fois, en plus de la propagation des conflits ethniques et tribaux, ainsi que de l’expansion remarquable des organisations terroristes dans de vastes zones du nord et du centre du continent et de la région du Sahel.
L’idéologie et l’ethnicité exploitent tout cela pour se propager et s’étendre, et tout cela, et bien plus encore, nécessite d’étudier le phénomène du terrorisme en Afrique dans des contextes différents des méthodes de compréhension traditionnelles, dans la mesure où les activités des mouvements armés ne se limitent pas à mettre en œuvre un agenda religieux et politique, car cela recoupe les complexités de la structure tribale et l’échec des politiques d’intégration sociale, c’est-à-dire l’absence ou l’incapacité des gouvernements à moderniser les structures sociétales.
Nous tenterons ici d’identifier trois effets négatifs associés à ces conflits :
• L’impact politique
Les conflits armés ont plusieurs effets négatifs sur la situation politique interne ainsi que sur les pays voisins. Parmi ces effets, on trouve le risque d’une intervention internationale s’étendant aux pays voisins. Les pays qui souffrent de conflits armés sont souvent exposés à une intervention internationale, surtout en cas de graves violations du droit international humanitaire, qui affectent inévitablement sa sécurité et celle des pays voisins, et constituent une pression indirecte sur ses systèmes et ses orientations, pouvant contribuer à l’effondrement des systèmes de gouvernance ou de l’État lui-même.
Nous notons également les répercussions sécuritaires telles que la prolifération des armes et des groupes terroristes, ainsi que la croissance des conflits tribaux et sectaires et de l’idéologie séparatiste, ainsi que les répercussions économiques causées par le déclin du rôle économique de l’État par rapport à ces pays qui dépendent de l’économie rentière, considérée comme la principale et unique source de financement du budget public, en plus de l’impact des divisions politiques, de l’augmentation du taux de chômage, de la propagation de la corruption publique, ou encore la propagation accrue de la violence et de la pauvreté, et de l’incapacité de l’État à contrôler les passages frontaliers.
D’autres effets incluent l’impact négatif sur le tissu des relations internationales entre les gouvernements voisins, tels que les conflits armés existants dans les pays africains qui sont considérés comme une source d’influence et de tensions en matière de sécurité sur le continent africain, sans parler de leur impact sur le système politique existant dans les pays voisins.
• L’impact sur la sécurité
Les effets sur la sécurité ne sont pas moins importants et dangereux que les effets politiques, et parmi ces effets sur la sécurité figure le flux de personnes et d’armes à travers les frontières. Le flux d’armes est considéré comme l’un des effets négatifs les plus dangereux sur la sécurité des pays voisins des États touchés par des conflits armés, en particulier le flux d’armes légères en provenance de ces pays, en raison de ses caractéristiques, qui représentent principalement la facilité de l’obtenir et de le transférer aux parties en conflit.
La prolifération des armes constitue un commerce lucratif dans les zones de sécurité instables du continent africain, et cette prolifération joue un rôle majeur dans le renforcement des groupes armés. L’activité de nombre d’entre eux étant en constante augmentation en raison de la prolifération des armes et de leur contrebande à travers les frontières, ce qui constitue une menace pour la sécurité des pays voisins. Cela constituait une menace réelle pour la sécurité des frontières des pays voisins, ce qui pousse ces derniers à recourir à un renforcement des contrôles au niveau de leurs frontières par crainte du commerce et du trafic d’armes, de personnes et de drogue.
Ces crimes sont considérés comme l’un des défis les plus graves qui menacent l’entité et la sécurité des pays africains.
• Enfin l’impact économique
L’ampleur de l’impact négatif de ces conflits sur les économies des pays africains n’est un secret pour personne, et l’un des effets les plus marquants est le phénomène des réfugiés qui fuient en grand nombre le fléau de ces conflits, pénétrant les frontières des pays voisins. Ces foules de réfugiés peuvent déstabiliser la sécurité et la stabilité du pays d’accueil, mais elles constitueront également un fardeau pour son économie déjà épuisée. Le grand nombre de réfugiés et de personnes déplacées pousse les pays qui les accueillent à leur fournir un abri, de la nourriture et des boissons, et s’il est impossible de les leur fournir, cela conduit à une explosion de violence et à des conflits pour la nourriture, l’eau et le logement entre les réfugiés, mais aussi entre eux et les citoyens indigènes, d’une part. D’autre part, le pays qui accueille les réfugiés doit leur fournir des camps de résidence et tous les biens et services nécessaires dont ils ont besoin, y compris la nourriture, les boissons, la santé et l’éducation, en plus de leur assurer la sécurité car ils sont soumis à sa souveraineté. Cela constitue donc un fardeau où se mêlent économie et sécurité.
Toutefois, il importe de rappeler que l’économie de la plupart des pays africains voisins des pays touchés par des conflits armés a été affectée négativement, leur causant des pertes importantes, outre la destruction de toutes les composantes économiques du pays qui en souffre, qu’elles soient agricoles, industrielles ou commerciales, ce qui provoque une pénurie de denrées alimentaires dans ce pays et entraîne une hausse des prix, et cela incite les contrebandiers à tenter de faire passer clandestinement des produits alimentaires en provenance des pays voisins pour combler le déficit dont ils souffrent, ce qui laisse un impact négatif sur les pays d’où ces matières ont été importées en contrebande et entraîne une hausse des prix et une raréfaction de ces produits.
Dans ce contexte, des conflits armés peuvent faire surface et affecter le climat des affaires des pays voisins. Les effets de ces conflits ne dépendent pas des flux d’investissement et des échanges commerciaux dans les pays sur le territoire desquels ces conflits ont eu lieu, mais s’étendent plutôt aux pays voisins, sachant que les conflits armés réduisent le volume des échanges commerciaux entre le pays touché et tout son voisinage.
A propos de l’approche sécuritaire
Toutes ces raisons et d’autres ont rendu inefficace le recours à l’approche sécuritaire pour éliminer le phénomène de propagation des mouvements armés en Afrique, et une attention particulière doit être accordée aux réformes politiques, économiques et sociales.
Pour rappel, géopolitiquement, le continent africain est divisé en plusieurs régions de sécurité, à l’exception de l’Afrique du Nord, souvent liée au Moyen-Orient, d’autant plus qu’elle est séparée du reste du continent par le désert du Sahara, qui forme avec ses voisins la région du Sahel. Si l’on exclut cette région susmentionnée, nous serons confrontés à l’Afrique centrale où il existe cinq systèmes de sécurité régionaux :
1. la région du Golfe de Guinée à l’ouest,
2. la région du bassin du lac Tchad au centre-ouest,
3. puis la région des Grands Lacs au centre,
4. puis l’Afrique de l’Est, qui contient la sous-région connue sous le nom de Corne de l’Afrique,
5. et enfin le système de sécurité sud-africain.
Chacune de ces régions constitue un système ou complexe de sécurité régional qui peut être défini comme un groupe de pays étroitement liés, de telle sorte que les considérations de sécurité des différents systèmes ne peuvent être considérées isolément les unes des autres.
Autrement dit, cela signifie que la sécurité en Afrique est interconnectée entre ces régions en plus de son homogénéité entre ses pays.
Pour plus d’informations et d’analyses sur la Benin, suivez Africa-Press