Quentin Velluet
Africa-Press – Benin. Après plusieurs années de doutes, le quatrième opérateur du continent – qui vient d’annoncer le lancement d’un smartphone à 17 dollars lors du Mobile World Congress à Kigali – semble avoir trouvé l’équilibre nécessaire à son bon développement. Et poursuit sa croissance dans le mobile money.
Comment a réagi l’impénétrable Olusegun « Segun » Ogunsanya à l’annonce du coup d’État au Niger ? Le visage régulièrement de marbre du dirigeant nigérian d’Airtel Africa a-t-il cette fois-ci montré une once de fébrilité ? Impossible de le savoir tant l’homme de 57 ans, aux commandes de l’entreprise depuis deux ans, sait garder pour lui ses sentiments. Son groupe a depuis plusieurs années pourtant maille à partir en Afrique francophone, où il est implanté notamment dans deux pays du Sahel : le Niger et le Tchad.
Alors que le chiffre d’affaires de la zone connaît chaque trimestre une croissance timide (2,5 % pour le premier trimestre 2024 contre 20,4 % pour le groupe – l’année fiscale débutant en mars pour Airtel), les remous politico-sécuritaires ainsi que les fortes taxations au Niger et au Tchad ne cessent d’empêcher son essor. À ce titre, le Canadien Michael Patrick Foley, qui chapeautait la région depuis 2020, a laissé sa place en juillet dernier à Anwar Soussa.
Plus de 800 millions de dollars d’investissements
Le dirigeant grec, qui a dirigé Airtel au Tchad entre 2015 et 2016, possède une certaine expérience des terrains instables pour avoir été le premier dirigeant de la filiale de Safaricom en Éthiopie pendant deux ans, notamment durant la récente guerre du Tigré, qui a opposé de 2020 à 2022 le gouvernement au Front de libération du peuple du Tigré, allié à son homologue oromo. Il sera garant d’un grand plan de modernisation des réseaux mobiles au Tchad, en RDC, à Madagascar et au Niger, lancé il y a un an par Segun Ogunsanya et qui comprend également le Kenya et la Zambie.
En décembre 2022, un prêt de 194 millions de dollars a pour se faire été alloué par IFC, la filiale de la Banque mondiale dévouée au secteur privé, au groupe détenu par le milliardaire indien Sunil Mittal. Pour financer cette mise à jour et rembourser sa forte dette, le groupe qui revendique plus de 143 millions de clients – dont près de 29 millions en zone francophone – a cédé de nombreuses tours ces dernières années et contracté une facilité de prêt de 500 millions de dollars auprès de diverses banques internationales.
Sa dette a de fait augmenté depuis 2019, mais Airtel Africa, qui a enregistré plus de 5,2 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2023 et près de 1,4 milliard de dollars à la fin de juin dernier, apparaît en revanche mieux armé pour générer des bénéfices pouvant supporter ce fardeau. Le groupe, dont l’ensemble de la direction opère depuis Dubaï, prévoit par ailleurs d’investir un total de 800 millions à 828 millions de dollars pour son exercice 2024.
Forte croissance du mobile money
Si au Nigeria une forte dévaluation du naira a secoué le marché, la filiale reste stratégique pour Airtel, qui en tire environ 30 % des revenus et attend beaucoup des premières retombées issues de l’activité mobile money. Lancée en mai 2023, cette dernière compte d’ores et déjà 5 millions de clients. « Le Nigeria a connu une croissance économique constante de plus de 20 % en monnaie locale ou en monnaie constante ces dernières années. Nous devons […] continuer à investir dans le pays, car les opportunités de croissances sont immenses », assurait le directeur financier, Jaideep Paul, à la fin de juillet, lors de la présentation des chiffres du premier trimestre 2024.
Stratégique pour l’avenir du groupe, le mobile money demeure, avec ses plus de 30 millions de clients, le segment à la croissance du chiffre d’affaires la plus dynamique, et ce, devant les services voix, par ailleurs toujours premiers contributeurs au chiffre d’affaires du groupe. Aux dires de Segun Ogunsanya, Airtel Money serait aussi le service mobile money à la plus forte croissance sur le continent.
L’application, qui compte Mastercard parmi ses partenaires stratégiques depuis l’ouverture de son capital à des investisseurs minoritaires, continue de diversifier ses services. Le service dirigé par Ian Ferrao a annoncé en août le lancement, en partenariat avec l’entreprise américaine de paiement, d’un service de transfert de fonds à l’international vers les clients de ses 14 filiales africaines, et ce, depuis 145 pays dans le monde.
RDC, la nouvelle frontière
À l’image de MTN, son concurrent sur cinq marchés (Nigeria, Congo-Brazzaville, Zambie, Ouganda et Rwanda), Airtel cherche aussi à valoriser sa branche fibre optique, qui détient 65 000 kilomètres de câble terrestre. Il a pour cela séparé financièrement et juridiquement cette entité dans le but d’accueillir des investisseurs extérieurs.
Peu à peu, l’opérateur diversifie ses partenariats. Avec Orange, Airtel détient en RDC des parts dans le câble de fibre sous-marin 2Africa, lequel doit permettre d’offrir davantage de bande passante à très haut débit aux consommateurs locaux, qui en sont très demandeurs. En un an, les usages de l’internet mobile ont en effet bondi de plus de 60 % pour l’opérateur dans le pays. Opérationnelle d’ici à la fin de 2024, cette nouvelle infrastructure devrait faire de la RDC et ses 80 millions d’habitants, une priorité de taille pour le groupe côté à Londres.
Source: JeuneAfrique
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