Sameh Shenouda (AFC) : « En Afrique, il n’y a pas assez de capital disponible pour les projets »

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Sameh Shenouda (AFC) : « En Afrique, il n’y a pas assez de capital disponible pour les projets »
Sameh Shenouda (AFC) : « En Afrique, il n’y a pas assez de capital disponible pour les projets »

Pierre-Olivier Rouaud

Africa-Press – Benin. Secteurs prioritaires, santé des bailleurs de fonds, perception des risques… Nommé en février 2021, le directeur exécutif et directeur des investissements d’Africa Finance Corporation répond aux questions de JA.

Lancée en 2007 sous l’impulsion de la Banque africaine de développement (BAD) et de nombreux états africains, Africa Finance Corporation (AFC) est une institution financière de développement panafricaine. La Banque centrale du Nigeria en détient 38 %, mais les actionnaires privés sont majoritaires au capital.

Dirigé par le Nigerian Samaila Zubairu depuis 2018, l’AFC cible pour l’essentiel la croissance du secteur privé et cumule à ce jour 16 milliards de dollars d’engagements. Dotée à sa création d’un capital de 1 milliard de dollars, ses actifs ont atteint 10,5 milliards de dollars en 2022, en hausse de 23 %.

Ancien PDG de Zarou, une filiale du fonds américain Blackstone, et du britannique BII (ex-CDC Group), et actuel directeur exécutif et directeur des investissements d’AFC, Sameh Shenouda balaie, pour Jeune Afrique, le contexte actuel des investissements privés et la stratégie d’AFC.

Jeune Afrique : Comment l’AFC inscrit-elle son action sur le continent, où les opportunités d’investissement sont nombreuses ?

Sameh Shenouda : Notre institution déploie environ 1,2 milliard de dollars par an sur le continent, en fonds propres ou en dette. Pour ce qui est des secteurs, les domaines de notre mandat sont variés : l’énergie, l’exploitation des ressources naturelles, l’industrie lourde, les chaînes logistiques et les technologies de l’information et de la communication [TIC], le tout en privilégiant le secteur privé. Par ailleurs, AFC est aussi dotée d’équipes pour le financement structuré corporate et souverain en relation avec des projets.

Quels secteurs privilégiez-vous actuellement ?

AFC cible d’abord l’énergie électrique, dont le secteur des énergies renouvelables [ENR]. Le rachat, finalisé en mars, de Lekela Power par le consortium associant notre institution financière, l’égyptien Mansour et le fonds Masdar nous permet de devenir le premier opérateur du secteur en Afrique. Nous détenons 13 actifs dans les renouvelables et nous sommes passés en peu de temps de 140 MW de capacité à 1,4 GW.

À terme, nous voulons investir davantage dans la transmission électrique, une des clés pour développer les ENR notamment. Mais AFC met aussi l’accent sur les TIC des grandes infrastructures internet jusqu’aux services technologiques comme le mobile banking. Enfin, nous sommes très présents dans les chaînes de valeur et de logistique.

Comment soutenir ces chaînes de valeur en Afrique justement ?

Il s’agit de permettre aux pays africains d’exporter moins de ressources brutes. Et pour ce faire, je crois au rôle de catalyseur des zones économiques spéciales [ZES]. Ces plateformes intégrées s’inscrivent dans des chaînes logistiques que nous soutenons, et contribuent à transformer et à accroître le niveau de valeur ajoutée des matières premières brutes : coton, minéraux, cajou, cacao, bois…

AFC soutient fortement le développement de ces ZES à travers ses investissements conjoints avec le développeur Arise, au Gabon, au Bénin et au Togo. Quatre autres sont en projet (Nigeria, RDC, Zambie, Tchad).

Qui investit actuellement en Afrique et comment ?

Actuellement, je constate plus d’appétit du côté des institutions financières africaines que du côté du secteur financier non africain. Les banques commerciales internationales, quant à elles, sont très prudentes. Toutefois, beaucoup d’institutions financières de développement [IFD] restent très engagées sur le continent. À l’avenir, les IFD joueront un rôle plus grand que les banques internationales dans le financement des projets en Afrique.

Selon vous, y a-t-il actuellement assez de capital disponible pour les projets ?

Clairement non, car il subsiste un problème de perception du risque d’investissement. Les investisseurs extra-africains ont tendance à traiter le continent comme un bloc. Or si, comme partout dans le monde, des risques-pays existent, le continent regorge d’opportunités si vous le connaissez bien.

Mais dans les infrastructures par exemple, certains investisseurs privés font le constat d’un déficit de projets rentables pouvant être lancés rapidement. Qu’en est-il ?

La hausse des taux d’intérêt ou celle des coûts de construction s’inscrivent dans un contexte mondial récent qui frappe aussi l’Afrique. Cela nous oblige à être plus sélectif dans nos choix d’investisseurs.

Nous devons ensuite aider les porteurs de projet et les entreprises investies à minimiser ces facteurs de coûts négatifs, en réduisant le prix d’un parc solaire, en localisant au plus près des projets l’achat de certains équipements… Dans l’éolien, AFC est devenue le premier développeur africain, cela offre un levier de négociation avec les turbiniers.

Quelle est votre politique concernant le développement des énergies fossiles ?

Elle est claire : chaque pays africain doit pouvoir se développer en valorisant ses ressources, pétrole et gaz naturel compris. L’Europe ne s’est-elle pas appuyée sur son charbon et sur son gaz ? AFC n’a donc pas honte d’investir dans les énergies fossiles. Sur le plan mondial, aucune nation ne bannit l’usage du pétrole et du gaz, et les pays consommateurs, où qu’ils soient, continuent d’en acheter et de les utiliser.

C’est le sens de votre appui récent à hauteur de 473 millions de dollars au projet de raffinerie de Cabinda, en Angola ?

Tout à fait. Sur ce projet, AFC et Afreximbank sont responsables d’un financement commercial de 335 millions de dollars associant aussi d’autres financeurs. Il s’agit d’une réalisation structurante et bénéfique pour l’Angola en matière d’indépendance énergétique et de sortie de devises.

Source: JeuneAfrique

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