Ancêtre Du Chat Domestique A Traversé La Méditerranée

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Ancêtre Du Chat Domestique A Traversé La Méditerranée
Ancêtre Du Chat Domestique A Traversé La Méditerranée

Africa-Press – Benin. La population mondiale de chats domestiques (Felis catus) est actuellement estimée à près d’un milliard, en incluant ceux qui sont retournés à l’état sauvage. On peut logiquement en déduire que les chats sont très appréciés comme animaux de compagnie, mais leurs maîtres savent-ils exactement quand et où l’espèce féline a été domestiquée?

Plusieurs hypothèses ont cours à ce sujet: on a présumé que la domestication pourrait avoir eu lieu au Levant ou en Égypte, et que cette espèce domestiquée aurait été introduite en Europe au cours de la migration des agriculteurs néolithiques. Mais des analyses paléogénomiques viennent à présent chambouler ces deux scénarios en révélant que le chat domestique, issu du chat sauvage africain (Felis lybica lybica), n’est arrivé en Europe qu’il y a environ 2000 ans. L’histoire de la relation entre humains et chats est pourtant bien plus ancienne. Alors qui étaient les chats qui vivaient au contact des humains jusque-là?

L’ancêtre du chat domestique aurait traversé la Méditerranée il y a 2000 ans

Le chat a beau être un animal des plus communs, il n’est pas évident de reconstituer son histoire génétique (la philogénie de l’espèce), en particulier parce que les vestiges archéologiques sont rares et qu’il n’est pas facile de distinguer un chat domestique d’un chat sauvage en se fondant sur la seule analyse de ses ossements.

On ne peut donc se fier qu’à des analyses d’ADN, et encore – comme le démontrent les auteurs dans la revue Science –, seul l’ADN nucléaire (celui du noyau de la cellule) peut être exploité dans le cas du chat, car des analyses antérieures basées sur l’ADN mitochondrial (transmis par la mère) ont conduit à des résultats erronés. Pour en comprendre la raison, il est nécessaire de connaître les quatre principales espèces de chats.

On distingue quatre espèces principales de chats sauvages

Des études génétiques précédentes ont démontré que le chat domestique (Felis catus) est issu du chat sauvage africain (Felis lybica lybica), toujours présent en Afrique du Nord et au Proche-Orient. Mais on distingue trois autres espèces de chats sauvages, selon leur aire de répartition: Felis lybica ornata en Asie, Felis bieti au Tibet, et Felis silvestris en Europe.

Les études, qui se sont fiées à l’ADN mitochondrial, ont mis en évidence une lignée de Felis lybica lybica qui se serait dispersée depuis l’Anatolie vers le centre de l’Europe au cours du Néolithique. Mais les analyses d’ADN nucléaire réalisées dans le cadre de la présente étude infirment cette forme de dispersion.

87 génomes couvrant onze millénaires

Pour essayer de reconstituer le moment où le chat sauvage africain est devenu domestique, l’équipe de chercheurs dirigée par des paléogénéticiens de l’université Tor Vergata de Rome, en Italie, a effectué des analyses paléogénomiques sur 225 specimens de chats anciens et modernes issus de contextes archéologiques ou de musées. Elle a réussi à générer 87 génomes provenant d’Europe, d’Afrique du Nord et d’Anatolie et couvrant une période de onze millénaires (depuis 9000 avant notre ère environ, jusqu’au 19e siècle de notre ère).

Une hybridation entre chats sauvages s’est produite dès le Néolithique

Selon les chercheurs, il en ressort que « les chats issus du sud-est de l’Europe et d’Anatolie datant d’il y a 9.500 à 6.300 ans (pendant les périodes néolithique et chalcolithique) précédemment identifiés comme domestiques étaient des chats sauvages F. silvestris, dont les ancêtres s’étaient hybridés avec F. l. lybica ».

Cette hybridation s’est sans doute produite naturellement là où les aires de répartition des deux espèces se chevauchaient. On sait ainsi que des populations sauvages de F. l. lybica se trouvaient en Anatolie et en Europe du Sud-Est il y a environ 10.000 ans. D’ailleurs, les chercheurs distinguent deux clades géographiquement distincts au sein de l’espèce F. l. lybica: les chats sauvages levantins et les chats sauvages africains.

Le chat domestique européen est plus proche du chat sauvage tunisien

Il apparaît alors que le chat domestique F. catus est bien plus proche du chat sauvage africain que du levantin. Plus précisément, d’après leurs résultats, « tous les chats domestiques actuels partagent davantage de dérive génétique avec le chat sauvage tunisien actuel », ajoutent les auteurs.

Mais il existe une autre variante importante qui complique la compréhension de la dispersion de l’espèce F. l. lybica, car dans l’échantillon analysé, le plus ancien chat possédant une ascendance F. l. lybica/F. catus se trouve en Sardaigne et date d’environ 2200 ans. « Ce chat est génétiquement similaire aux chats sauvages actuels de Sardaigne, et tous semblent être étroitement liés à un chat sauvage F. l. lybica du Maroc », remarquent les auteurs, ce qui signifie que l’espèce F. l. lybica a traversé la Méditerranée en deux vagues depuis l’Afrique du Nord vers l’Europe.

Deux vagues d’introduction en Europe

Il faut donc distinguer deux moments et deux populations distinctes: « La première dispersion a très probablement concerné des chats sauvages d’Afrique du Nord-Ouest qui ont été introduits en Sardaigne et ont fondé la population sauvage actuelle de l’île, déterminent les chercheurs. Une population distincte et encore inconnue en Afrique du Nord a été à l’origine d’une deuxième dispersion il y a moins de 2000 ans, qui a établi le patrimoine génétique des chats domestiques modernes en Europe. »

Par le biais des Phéniciens ou des Romains

Comment ces migrations ont-elles pu se produire? Ces chats sauvages africains ont sans doute accompagné des déplacements humains. Ainsi, l’arrivée de F. l. lybica en Sardaigne pourrait être liée aux Phéniciens et aux Puniques, qui ont occupé l’île dès le 9e siècle avant notre ère, ou bien aux Romains, qui l’ont conquise au 3e siècle avant notre ère.

Sur le continent, la dispersion du chat domestique a bénéficié du maillage instauré par les routes de l’Empire romain, « ce qui confirme les hypothèses précédentes selon lesquelles l’armée romaine et son entourage auraient joué un rôle dans la propagation des chats domestiques en Europe centrale et orientale », remarquent les auteurs. En effet, le plus ancien specimen de chat génétiquement le plus proche du chat domestique actuel est daté de la seconde moitié du 1er siècle de notre ère et il a été découvert sur le site du fort romain de Mautern, en Autriche ; ses descendants se retrouvent en Italie, puis dans d’autres sites militaires le long du limes danubien, à la frontière de l’Empire romain.

Pas de domestication au Néolithique

Tous les chats trouvés en contexte archéologique en Europe continentale avant le début de notre ère étaient donc des chats sauvages de l’espèce F. silvestris – ou hybridés Silvestris-lybica pour ceux du sud-est de l’Europe. C’est le cas par exemple de celui qui a été inhumé à Chypre dans une sépulture humaine, datée d’environ 7.500 avant notre ère, qui avait conduit à l’hypothèse d’une domestication au Levant pendant le Néolithique.

Les relations nouées par les humains sont indépendantes de l’espèce

Les vestiges de chats examinés dans le cadre de l’étude donnent ainsi un premier aperçu de l’étendue des relations nouées entre les humains et les chats, et ce, indépendamment de leur espèce. Ainsi les chats, même lorsqu’ils étaient sauvages (c’est-à-dire de l’espèce Silvestris ou lybica), ont pu être traités avec égards et même atteindre le statut d’animal de compagnie, et inversement, des chats domestiques ont pu être considérés à l’instar d’animaux sauvages, en étant par exemple consommés pour leur viande.

Les chercheurs ont ainsi examiné des ossements de chats sauvages qui, dès l’âge de bronze et pendant l’Antiquité, ont été associés à des cultes aquatiques en Sardaigne et en Sicile. Toujours en Sardaigne, un chat antique dont les deux fémurs étaient cassés a été soigné et n’a pas été consommé. Tandis que dans un château médiéval italien du 11e siècle, les habitants semblaient faire grand cas de la tendreté de la viande si l’on en croit l’abondance de vestiges de chatons.

Existait-il une autre espèce, endémique en Égypte?

Qu’en est-il alors de l’hypothèse d’une domestication en Égypte, étant donné le rôle central qui y était accordé au chat, non seulement représenté, mais aussi adoré dans le culte de la déesse Bastet, et très souvent momifié? Les auteurs reconnaissent que leur analyse souffre du manque de données génétiques concernant les chats sauvages africains et envisagent même l’existence possible d’une autre population source qui pourrait provenir de la région. Ils pensent également nécessaire de recueillir plus de données datant du premier millénaire avant notre ère afin de vérifier si l’introduction du chat domestique en Europe n’a pas précédé la période impériale romaine.

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