Cagot, Génois, Séfarade, Castillan ou Portugais ? L’ADN révèle enfin les origines de Christophe Colomb

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Cagot, Génois, Séfarade, Castillan ou Portugais ? L’ADN révèle enfin les origines de Christophe Colomb
Cagot, Génois, Séfarade, Castillan ou Portugais ? L’ADN révèle enfin les origines de Christophe Colomb

Africa-Press – Benin. Il en faut de la patience lorsque l’on doit résoudre une énigme aussi fondamentale pour l’Histoire que les origines du plus célèbre navigateur européen: Christophe Colomb. Officiellement, il serait né à Gênes, en Italie, en 1451, mais comme il n’a laissé aucun écrit en italien et que sa descendance est espagnole, le doute était permis. En tout, plus de 25 origines lui ont été attribuées, des plus farfelues aux plus probables.

Au terme de 20 années de recherche, un documentaire intitulé L’ADN de Colomb, sa véritable origine vient de révéler en exclusivité sur la première chaîne de télévision espagnole les résultats de la très longue enquête menée par le médecin légiste José Antonio Lorente, professeur à l’université de Grenade. Après avoir examiné les hypothèses les plus étayées, il n’en reste qu’une, et c’est sans nul doute la plus logique, mais aussi la plus surprenante de toutes !

L’ADN révèle enfin les origines de Christophe Colomb

L’enquête aura duré plus de 20 ans, car c’est en 2001 que l’historien Marcial Castro, professeur à l’université de Grenade, a l’idée de confier à José Antonio Lorente une mission des plus étonnantes: prouver par des analyses ADN que les restes conservés dans la cathédrale de Séville sont bien ceux de Christophe Colomb.

Il faut savoir que la République dominicaine revendique le privilège de posséder la dépouille de celui qui accosta en 1492 sur l’île d’Hispaniola. Comme le dit Marcial Castro dans le documentaire, le cercueil de Christophe Colomb a effectué autant de voyages que le navigateur lui-même: « Il a fait quatre grands voyages au cours de sa vie et lorsqu’il est mort, ses ossements aussi ont fait quatre grands voyages ».

D’abord inhumés à Valladolid en Espagne – ville où il est mort le 20 mai 1506 –, ses restes et ceux de son fils Hernando ont été transférés sur l’île d’Hispaniola en 1523, puis vers La Havane lorsque l’île caraïbe fut cédée par l’Espagne à la France en 1793, avant de retourner en Espagne lorsque Cuba eut acquis son indépendance en 1898. Pour autant, les autorités de la République dominicaine soutiennent que le corps n’a jamais quitté l’île et que ses restes sont abrités dans l’immense mausolée construit à Saint-Domingue, le « Phare de Colomb ». Néanmoins, les requêtes présentées pour les analyser ont toutes été rejetées.

Les restes du navigateur reposent bien dans la cathédrale de Séville

La première partie du film s’attache à démontrer que Colomb et son fils reposent bien tous les deux dans la cathédrale de Séville. Lors de leur exhumation, les ossements du navigateur se sont cependant révélés trop fragmentés pour donner lieu à des résultats concluants à eux seuls, c’est pourquoi ceux de son fils ont été plus précieux.

C’est aussi la raison pour laquelle cette étude a duré plus de vingt ans, le légiste préférant faire une pause dans ses recherches pour attendre que la technologie génétique évolue au lieu de dilapider le précieux matériau à partir duquel il n’obtenait pas les résultats escomptés.

Tombeau de Christophe Colomb dans la cathédrale de Séville. Crédits: MiguelAngel-fotografo / CC-BY-SA-3.0 / Wikimedia Commons

La filiation est établie

Les premières analyses ADN, réalisées dans plusieurs laboratoires internationaux, ont confirmé la filiation entre Cristóbal Colón de son nom espagnol, et son fils Hernando, mais les ossements de celui que Colón présentait comme étant son frère, Diego, ont révélé un lien de parenté inattendu: ce dernier ne lui serait apparenté qu’au 5e, voire au 6e degré. Ils étaient donc cousins, mais certainement pas frères.

C’est la première surprise divulguée par l’enquête, mais elle est loin d’étonner les experts qui connaissent l’histoire de Colomb, car celle-ci est emplie de zones d’ombre et d’omissions, qui ont laissé la voie libre à de multiples spéculations.

Huit théories retenues sur vingt-cinq

Les théories prétendant connaître la véritable origine, ou même le vrai nom de Christophe Colomb sont légion. Il pourrait ainsi être originaire d’Italie, des pays scandinaves, d’Angleterre, d’Irlande ou d’Écosse, de Hongrie, de Croatie, de France, du Portugal ou bien de diverses régions aujourd’hui espagnoles (Galice, Castille, Catalogne, Valence, Navarre, Majorque) ; certains chercheurs penchent également pour l’appartenance à une communauté persécutée: les Juifs ou bien les Cagots, installés de part et d’autre des Pyrénées. Le choix est vaste ! Mais l’enquête se concentre sur les huit origines les plus probables, excluant toutes celles qui n’ont aucun lien avec la Méditerranée.

Tombeau de Christophe Colomb dans le mausolée de Saint-Domingue, en République dominicaine. Crédits: Mariordo / CC-BY-SA-4.0 / Wikimedia Commons

Les exhumations se succèdent

Pour établir l’origine de Colomb, José Antonio Lorente s’est appliqué à examiner les huit théories retenues en recourant à de multiples exhumations.

Il faut dire que les éminents historiens qui les ont élaborées ont tenté de combler les lacunes de sa biographie en le reliant à diverses personnalités de l’époque. Sinon, comment expliquer qu’un humble navigateur Génois puisse approcher les monarques espagnols, Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon, pour se faire confier une mission dont il revendiquait le commandement ?

Exit l’origine génoise

Très vite, l’origine génoise a dû être mise de côté, alors que c’était jusqu’à présent l’hypothèse la plus largement admise. Elle fait naître Christophe Colomb dans une humble famille de tisserands. Mais lorsque José Antonio Lorente tente de trouver une éventuelle descendance de l’amiral espagnol à Gênes en effectuant des prélèvements ADN sur des hommes portant le patronyme de Colombo, dans l’espoir de trouver des correspondances au niveau du chromosome Y, il s’étonne de trouver une incroyable diversité génétique au sein de cet échantillon.

Et pour cause ! Au 15e siècle, à Gênes, il était en effet d’usage de donner le nom de Colombo aux enfants abandonnés… Autant dire que la piste génoise est un cul-de-sac.

Un pirate portugais ?

Le documentaire passe ensuite en revue les possibilités restantes en les éliminant l’une après l’autre façon Cluedo – le suspense est à son comble.

Par exemple, trois théories le rattachent au Portugal, l’une en faisant un pirate du nom de Pedro Ataide, l’autre le fils bâtard de la princesse Leonor de Aviz, la dernière, le fils du duc de Beja qui serait devenu un espion pour le compte du roi Jean II de Portugal. Les données ADN ne confirment cependant aucune parenté avec ces personnages.

Un cagot de Navarre ?

Une autre hypothèse prend en compte des particularités physiologiques présentes dans la famille de Christophe Colomb: « Ils ont la main en forme de griffe, symptôme de la maladie de Dupuytren, une sacralisation de la cinquième lombaire et une malformation de la colonne vertébrale », énumère le chercheur José Mari Ercilla.

Pour ce dernier, il semble évident que Colomb serait originaire de Navarre et appartiendrait à la communauté des Cagots, une minorité réprouvée vivant en marge des villages. Les mariages consanguins ont fait qu’ils sont porteurs d’un antigène caractéristique, HLA-B27, mais le génome de la famille Colón n’en porte nulle trace.

Des origines nobles ?

Plusieurs hypothèses rattachant Colomb à l’Espagne sont ensuite envisagées, ce sont les plus vraisemblables puisqu’il écrivait en diverses langues ibériques. On pense un instant que l’origine la plus improbable est la bonne, l’ADN de la famille de Colomb correspondant en partie à celui de la famille royale !

Selon cette théorie, le navigateur aurait été le fils naturel du prince de Viana, frère de Ferdinand d’Aragon. Mais les correspondances ne sont que partielles, finit par admettre José Antonio Lorente, ce qui exclut donc la parenté avec les monarques alors en place.

Christophe Colomb était un Juif séfarade

Reste la dernière possibilité, et c’est justement celle qui serait confirmée par l’ADN du fils de Christophe Colomb: « Tant dans le chromosome Y (transmis par le père, ndlr) que dans l’ADN mitochondrial d’Hernando (transmis par la mère, ndlr), il y a des traits compatibles avec une origine juive », déclare José Antonio Lorente.

Dans la mesure où ce même ADN indique également que la famille est originaire de l’ouest de la Méditerranée, cela signifie qu’il s’agit de séfarades – Sefarad désignant en hébreu la péninsule ibérique. Impossible cependant de connaître son parcours, mis à part qu’elle ne pouvait être arrivée récemment en Espagne depuis Gênes, car la population juive était interdite de séjour dans le port italien depuis le 12e siècle.

Autre corrélat de l’hypothèse séfarade, qui était celle avancée par le chercheur catalan Francesc Albardaner i Llorens: Christophe Colomb appartenait donc à une famille de conversos, c’est-à-dire de Juifs convertis pour échapper à la persécution.

Juif en pays catholique

Alors que l’Espagne était catholique et que l’Inquisition faisait rage, on comprend pourquoi Christophe Colomb a dû dissimuler une grande partie de son histoire, et combien cette nécessité faisait loi pour une grande partie de la population ibérique qui n’avait pu fuir à l’étranger – rappelons qu’au 15e siècle, 200.000 Juifs vivaient dans la péninsule.

Mais comment Colomb, issu d’une minorité persécutée, a-t-il pu accéder à la couronne et se hisser au rang d’amiral ? Par l’entremise et grâce à la protection de Juifs convertis qui officiaient à la cour. Telle est l’explication apportée par le chercheur catalan au terme de ces recherches, qui confirment par la biologie ses propres interprétations des textes.

Ce documentaire palpitant, qui nous fait revivre les intrigues de l’histoire ibérique à un moment crucial de l’Histoire, ne manque pas de rebondissements, mais on reste un peu sur sa faim pour ce qui est des données. C’est pourquoi on attend avec impatience la publication de ces résultats dans une revue scientifique et l’approbation de la communauté des chercheurs.

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