Ce virus pourrait être à l’origine du diabète de type 1

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Ce virus pourrait être à l’origine du diabète de type 1
Ce virus pourrait être à l’origine du diabète de type 1

Africa-Press – Benin. ENTRETIEN. 8,4 millions: c’est le nombre de personnes atteintes de diabète de type 1 dans le monde en 2021, selon une étude publiée dans The Lancet, Diabetes & Endocrinology. Et le diabète n’est pas en perte de vitesse, avec une augmentation des cas de 60 % à 107 % par rapport à 2021 à prévoir. Mais que se passerait-il s’il existait un vaccin contre le diabète de type 1? C’est la solution révolutionnaire avancée par Federica Vecchio, Sylvaine You, Roberto Mallone et leur équipe de chercheurs de l’hôpital Cochin et de l’Inserm. Dans une étude publiée par Science Advances en mars 2024, ils démontrent que l’infection par le virus Coxsackievirus B (CVB) des cellules pancréatiques est associée à l’auto-immunité cellulaire et au diabète de type 1. Dans un entretien avec Sciences et Avenir, Roberto Mallone, chercheur responsable d’équipe à l’Institut Cochin, dévoile les secrets de cette avancée majeure dans le domaine de la santé.

« Entre 95 et 98 % de la population positive pour au moins un des six sérotypes de Coxsackievirus B à un moment de leur vie »
Sciences et Avenir: Qu’est-ce que le diabète de type 1?
Roberto Mallone, responsable d’équipe à l’Institut Cochin: Le diabète de type 1 est une maladie auto-immune où les lymphocytes T, des cellules immunitaires, attaquent à tort les cellules bêta du pancréas, qui produisent l’insuline.

Portrait du Pr Roberto Mallone. Crédit: RM

L’absence d’insuline empêche alors l’organisme de stocker correctement le glucose, entraînant une hyperglycémie. En réponse, le corps utilise les graisses pour produire des corps cétoniques. Ce phénomène peut, à terme, mener à l’acidocétose diabétique, caractérisée par des nausées, douleurs abdominales et, dans les cas graves, un coma. C’est pourquoi comprendre l’origine de cette réaction auto-immune est essentiel.

Pourquoi avez-vous choisi de vous concentrer sur le Coxsackievirus B (CVB) dans vos recherches sur le diabète de type 1?

Ce virus est extrêmement répandu, avec entre 95 et 98 % de la population positive pour au moins un des six sérotypes (variantes d’un même virus) de CVB à un moment de leur vie, surtout à un jeune âge.

Il se transmet par voie oro-fécale, l’infection se fait donc par voie intestinale, ce qui le rapproche du pancréas. Ce virus est particulier car il peut infecter les cellules du pancréas et avoir un impact direct sur le diabète de type 1. Il se cache à l’intérieur des cellules bêta des îlots de Langerhans du pancréas, entraînant une infection chronique persistante qui provoque progressivement la mort des cellules sans déclencher une véritable réponse immunitaire antivirale.

Des études ont démontré une corrélation entre l’infection par certains sérotypes de CVB et la formation d’auto-anticorps dirigés contre les cellules bêta du pancréas ou l’apparition du diabète de type 1, chez des enfants à risque génétique. Toutefois, les mécanismes précis de cette association demeuraient inconnus jusqu’à présent.

Coxsackievirus du groupe B, illustration informatique. Crédit: KATERYNA KON / SCIENCE PHOTO LIBRA / KKO / Science Photo Library via AFP

« Les Coxsackievirus B provoquent la mort des cellules bêta lors de l’infection, en évitant le déclenchement d’une réponse immunitaire antivirale efficace »
Quels sont les mécanismes par lesquels le CVB contribue au diabète de type 1?

Dans notre étude, nous avons examiné comment le CVB affecte les cellules humaines et les réponses des lymphocytes T CD8 anti-CVB, des cellules immunitaires qui jouent un rôle clé dans l’élimination des cellules infectées.

Ces lymphocytes T reconnaissent les antigènes viraux, c’est-à-dire des fragments de protéines du virus exposés à la surface des cellules infectées, et détruisent ces cellules pour limiter la propagation du virus. Ces mêmes lymphocytes T sont également impliqués dans la destruction auto-immune des cellules bêta, une caractéristique du diabète de type 1. C’est pourquoi nous avons porté notre attention spécifiquement sur ces cellules.

Nos nombreuses expériences montrent que les Coxsackievirus B provoquent la mort des cellules bêta lors de l’infection, en évitant le déclenchement d’une réponse immunitaire antivirale efficace.

Le CVB réduit l’expression de molécules HLA de Classe I, essentielles pour présenter les fragments viraux aux cellules immunitaires, sur la surface des cellules infectées. La diminution de leur expression permet au virus de se cacher et d’éviter la détection par le système immunitaire. De plus, le CVB a la capacité de se propager entre cellules sans les détruire directement. Il utilise des filopodes, qui sont de minces prolongements cellulaires, ou des vésicules membranaires pour se déplacer d’une cellule à une autre, échappant ainsi à la reconnaissance et à la destruction par les cellules immunitaires.

Qu’en est-il des réponses immunitaires de l’organisme contre le CVB?

En ce qui concerne les réponses immunitaires, l’étude révèle que les lymphocytes T CD8, chargés de détruire les cellules infectées, ont des réponses limitées contre le CVB. Ils reconnaissent peu d’épitopes viraux (des fragments spécifiques du virus), ce qui signifie que l’immunité contre le CVB est relativement faible. Cette faible réponse immunitaire pourrait expliquer pourquoi le virus est capable de persister dans l’organisme et de causer des infections chroniques.

« Vacciner tout le monde, notamment les jeunes enfants, à l’image des vaccins polyvalents administrés aux nouveau-nés jusqu’à six mois »
Dans votre étude, vous évoquez le potentiel d’un vaccin contre le CVB, mais quels sont les défis à relever et les précautions à prendre?

Un vaccin contre le CVB est en cours de développement. L’idée est de prouver un lien de cause à effet entre cette infection virale et le diabète de type 1 en le testant dans un essai de vaccination pour améliorer les faibles réponses immunitaires et limiter la propagation du virus. Mais il faut faire preuve de prudence. Si la destruction des cellules bêta était due à une réponse immunitaire excessive, la vaccination pourrait accélérer cette destruction.

Heureusement, notre étude démontre que ce n’est pas le cas, bien au contraire ces réponses sont faibles et il y a donc un intérêt à essayer de les renforcer par une vaccination. Nous poursuivons le développement de ce type de vaccins pour la prévention du diabète de type 1.

Comment envisagez-vous l’application de ce vaccin dans la société?

Je pense que d’un point de vue pratique, il s’agirait de vacciner tout le monde, notamment les jeunes enfants, à l’image des vaccins polyvalents administrés aux nouveau-nés jusqu’à six mois. Cela pourrait avoir un intérêt au-delà de la prévention éventuelle du diabète de type 1.

Ces infections virales causent des syndromes pseudo-grippaux et des complications rares mais graves comme des myocardites, encéphalites et méningites, potentiellement mortelles chez les jeunes enfants. La vaccination pourrait prévenir les infections mineures, les formes graves et, si notre hypothèse est confirmée, le diabète de type 1.

Quelles sont les prochaines étapes de vos recherches?

Pour la suite, tout se passera dans un réseau européen appelé ENT1DEP, né en grande partie de ce travail. Le premier objectif de ce consortium de chercheurs internationaux sera d’identifier les indicateurs mesurables informant de l’évolution de l’infection par CVB et de la destruction des cellules bêta.

Le deuxième aspect est basé sur la compréhension des processus conduisant au développement du diabète pour développer des stratégies de vaccination et de traitement par des antiviraux, afin d’éliminer l’infection virale dans les cellules bêta, voire même de la prévenir avant qu’elle ne se produise. Ce projet s’inscrit dans une démarche plus générale de dépistage du diabète de type 1.

Est-ce qu’il pourrait y avoir d’autres scénarios similaires avec d’autres maladies auto-immunes?

C’est le cas pour la sclérose en plaques, dont l’association avec le virus Epstein-Barr (EBV) est désormais bien prouvée, même si les mécanismes sont probablement différents. En tout cas, il est clair qu’il y a une origine virale pour au moins une certaine partie des cas de sclérose en plaques. Cette hypothèse de l’origine virale est une véritable piste de réflexion et de recherche pour d’autres maladies auto-immunes.

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