Africa-Press – Benin. Cancer, troubles cognitifs, bronchites chroniques, maladies neurodégénératives… Le lien entre pesticides et problèmes de santé devient de plus en plus clair. Un rapport de l’Inserm sur les conséquences sur la santé des pesticides publié en 2021 montrait par exemple qu’il existe un lien fort de présomption entre l’exposition à ces substances et la survenue de plusieurs maladies. Cependant, ce rapport soulignait aussi que les études ne permettaient pas pour autant d’identifier avec certitude les molécules qui seraient à l’origine de ces effets nuisibles sur la santé (à l’exception du chlordécone, dont les effets sont bien connus actuellement).
Des chercheurs de l’Université de Harvard et de l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA) ont essayé de pallier ce manque de données en étudiant en profondeur le lien entre les molécules utilisées dans des pesticides aux États-Unis et la survenue de la maladie de Parkinson, montrant ensuite en laboratoire l’effet délétère de dix d’entre elles sur les neurones dopaminergiques (qui produisent le neurotransmetteur dopamine et qui sont atteints dans cette maladie neurodégénérative). Leurs résultats ont été publiés le 16 mai 2023 dans la revue Nature Communications.
Les personnes atteintes de Parkinson étaient plus exposées aux pesticides
Les chercheurs ont utilisé un algorithme qui combine une base de données sur l’utilisation géographique des pesticides en Californie depuis 1972 et les adresses de résidence et de travail d’une cohorte de personnes atteintes de la maladie de Parkinson dans cet État américain (829 patients et 824 personnes « contrôles »). Ainsi, ils ont déterminé qui d’entre elles vivaient ou travaillaient à moins de 500 mètres des sites où ces pesticides étaient utilisés, le temps de cette exposition et la quantité cumulée d’exposition pour chacun de ces produits. L’analyse a pris en compte plus de 1000 molécules, dont 722 avaient été utilisées à proximité d’au moins une des personnes atteintes de Parkinson, dix ans ou plus avant le diagnostic de la maladie.
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Les résultats sont clairs : les patients atteints de Parkinson étaient plus exposées à ces pesticides. Environ 60 kilogrammes de plus par an étaient appliqués à proximité de leurs habitations, comparés à l’environnement des personnes non affectées par la maladie, et environ 155 kg de plus par an à proximité de leurs lieux de travail. Aussi, les malades étaient exposés à une plus grande variété de pesticides.
Les pesticides les plus associés à la maladie sont déjà considérés à risque pour d’autres raisons
Certains de ces pesticides étaient particulièrement présents à proximité des lieux de vie des patients parkinsoniens. Les chercheurs en ont identifié 288 qui étaient appliqués dans l’environnement de plus de 25 patients. Dont 25 montraient une association très forte avec la maladie (la probabilité de les retrouver à proximité d’un patient était beaucoup plus élevée que celle de les retrouver près des personnes « contrôles »).
La majorité (18 sur 25) de ces pesticides associés à la maladie de Parkinson sont encore utilisés aux États-Unis, alors que presque la totalité d’entre eux (23 sur 25) ont déjà été interdits en Europe (les deux encore autorisés par un des pays de l’Union européenne sont le désherbant diuron et l’insecticide malathion, mais ils sont tous les deux interdits en France). La majorité de ces 25 pesticides sont considérés comme problématiques par l’organisation Pesticide Action Network, à cause de risques potentiels pour la santé ou pour l’environnement (y compris les deux encore utilisés sur notre continent, qui présenteraient des risques cancérigène et endocrinien potentiels).
10 de ces pesticides augmentent la mortalité des neurones
Pour déterminer si ces pesticides avaient ou pas un réel impact sur la maladie de Parkinson, les chercheurs ont testé leurs effets sur des neurones dopaminergiques, les cellules les plus affectées par la maladie de Parkinson. Pour ce faire, ils ont créé ces neurones à partir de cellules souches de deux patients atteints de cette maladie. Dix de ces pesticides soupçonnés de favoriser l’apparition de la maladie avaient un effet avéré sur ces cellules, augmentant leur mortalité de façon significative.
Ces 10 pesticides sont :
le propargite (acaricide)
le dicofol (acaricide)
le sulfate de cuivre basique (fongicide)
le sulfate de cuivre pentahydraté (fongicide)
le folpet (fongicide)
le naled (insecticide)
l’endothall (herbicide)
la trifluraline (herbicide)
le diquat (herbicide)
l’endosulfan (insecticide)
L’exposition à plusieurs de ces pesticides en même temps serait encore plus dangereuse
Selon la première partie de cette étude, les personnes atteintes de Parkinson étaient souvent exposées à plusieurs pesticides en même temps. Les chercheurs ont voulu donc analyser si la combinaison de ces pesticides pourrait augmenter leur danger. Ils ont identifié un groupe de pesticides qui étaient souvent utilisés ensemble (pour la culture du coton), contenant plusieurs des pesticides les plus à risque, selon leur analyse. Ensuite, ils ont exposé les neurones à toutes les combinaisons possibles des pesticides de ce groupe. Les combinaisons les plus dangereuses étaient celles contenant de la trifluraline (un des pesticides les plus utilisés aux États-Unis). Ce pesticide était déjà dangereux tout seul (causant le décès d’un tiers des neurones exposés), mais sa dangerosité doublait lorsqu’il était combiné avec un autre pesticide (le défoliant tribufos).
Puisqu’il s’agit de neurones issus de patients déjà atteints de la maladie de Parkinson, cette étude ne montre pas que ces pesticides causent la maladie, mais qu’ils peuvent accélérer sa progression. D’autres études seront donc nécessaires pour clarifier ce lien de cause à effet.
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