Africa-Press – Benin. La planète 8 Ursae Minoris b aurait dû être engloutie par son étoile qui est entrée en phase d’expansion. Elle continue pourtant d’exister, ont observé des scientifiques qui se sont penchés sur le mystère de cette résilience. La clé pourrait se trouver dans un rare cas de fusion entre deux étoiles. Explications.
La planète 8 Ursae Minoris b représente une anomalie astronomique, un mystère scientifique et un défi astrophysique. Cette géante gazeuse, située dans la constellation de la Petite Ourse, semble avoir survécu à l’impossible : la mort annoncée de son étoile. « Quelque chose a dû se passer pour qu’on puisse encore l’observer aujourd’hui », résume Dimitri Veras, astrophysicien à l’université britannique de Warwick et membre de l’équipe internationale de scientifique qui ont publié un article dans la revue Nature, mercredi 28 juin, au sujet du mystère 8 Ursua Minoris b, aussi appelée Halla.
La scène se passe à quelque 520 années-lumière de la Terre, aux confins de la Voie lactée. Là-bas, l’étoile Baekdu, bien plus massive que notre Soleil, semble vivre ses derniers millions d’années. Non loin d’elle, Halla – qui est deux fois plus près de son étoile que la Terre du Soleil – aurait dû se résoudre à l’inévitable : être avalée par son étoile mourante.
Étoiles cannibales
En effet, le processus de fin de vie d’une étoile est connu des astrophysiciens et il est fatal pour les planètes trop proches. Après avoir consommé tout leur hydrogène, ces « vieilles » étoiles commencent à pomper leur hélium, ce qui les conduit à grossir énormément avant de dégonfler définitivement, privées de tout carburant interne, pour devenir des étoiles mortes.
Baekdu est rentré dans cette phase d’expansion. Ce qui se passe alors normalement, c’est que ces étoiles « avalent » les planètes qui se trouvent sur leur chemin. Ce cannibalisme a été théorisé il y a des décennies, mais n’a été observée pour la première fois qu’en mai 2023, lorsque des astronomes ont vu l’étoile en phase d’expansion ZTF SLRN-2020 digérer une planète de la taille de Jupiter.
C’est aussi ce qui devrait se passer dans notre système solaire d’ici cinq milliards d’années. Sur son lit de mort, le Soleil va grossir pour engloutir Mercure, Vénus, Mars et peut-être aussi la Terre. Les scientifiques n’ont pas encore réussi à se mettre d’accord sur les chances de notre planète d’échapper à ce destin.
La planète 8 Ursae Minoris b, elle, n’avait aucune raison scientifique de ne pas figurer au menu de Baekdu. Elle ne se situe qu’à environ 74 millions de kilomètres de son étoile, alors que cette dernière a dû grossir sur plus de 100 millions de kilomètres, indiquent les auteurs de l’étude parue dans Nature.
« C’est la première fois que l’on observe un système planétaire dans lequel une planète semble avoir survécu » au phénomène d’expansion normal de fin de vie de l’étoile, reconnaît Dimitri Veras.
Pour comprendre ce qui a sauvé 8 Ursae Minoris b, les astrophysiciens qui ont observé cette anomalie se sont alors tournés vers des théoriciens tels que Dimitri Veras.
Sherlock Holmes de l’espace
Ils ont alors agi par processus d’élimination. « Nous avons réussi à écarter l’hypothèse selon laquelle cette planète aurait commencé sa vie bien plus loin de son étoile – et hors de la zone de danger – et ne se serait rapprochée qu’après la phase d’expansion. Nous avons aussi écarté la thèse que l’étoile se soit réellement dilatée et ait enveloppé 8 Ursae Minoris b, qui aurait tout simplement survécu à cet enrobage », énumère Dimitri Veras.
« La clé du mystère devait tenir à l’étoile. Quelque chose a dû lui arriver qui a empêché l’expansion d’atteindre la planète », poursuit l’expert.
Pour cette équipe de Sherlock Holmes de l’espace, le seul scénario qui tient la route implique l’existence d’une deuxième étoile – plus petite – qui existait aux côtés de Baekdu. Ce système planétaire aurait donc eu deux soleils, ce qui n’est pas sans précédent dans la galaxie, rappelle le site Space.com.
En grossissant, Baekdu n’aurait fait qu’une bouchée de sa voisine, la seconde étoile. « C’est la première fois que nous avons pu déduire avec un haut niveau de certitude qu’une fusion entre deux étoiles a eu lieu », souligne Dimitri Veras.
Un phénomène qui « a pu stopper net l’expansion de l’étoile. Cette fusion peut ainsi avoir agi comme un bouclier qui a protégé 8 Ursae Minoris b », résume l’astrophysicien.
« Surabondance en lithium »
C’est le scénario principal retenu par les auteurs de l’étude. Il existe cependant une autre hypothèse : 8 Ursae Minoris b se serait formée « à partir des éjectas [expulsions de roche solide] produits par la fusion entre les deux étoiles », assure Dimitri Veras. Pour lui, il y a cependant plus de chance pour que le premier scénario – la fusion comme bouclier – soit le bon.
L’existence d’une deuxième étoile, sacrifiée pour sauver ou donner naissance à 8 Ursae Minoris b n’est pas qu’une construction théorique élaborée faute de mieux. « La principale preuve d’une fusion est que l’étoile que nous observons actuellement à une surabondance en lithium. La concentration est de 10 à 100 fois plus élevée que pour des étoiles ‘simples’ de la même catégorie qui ne seraient pas le fruit d’une fusion », explique Dimitri Veras.
Quelle que soit la clé de ce mystère, la planète n’est pas pour autant définitivement sortie d’affaire. « Le plus probable est que cette étoile va finir par entrer dans une nouvelle phase d’expansion, et cette fois-ci il n’y aura plus de ‘bouclier’ pour protéger 8 Ursae Minoris b », conclut le coauteur de l’étude. La planète a intérêt à en profiter, il ne lui reste probablement plus que quelques centaines de millions d’années à vivre…
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