Africa-Press – Benin. Et si les larmes pouvaient réduire l’agressivité ? Voilà la question que se sont posée des neurobiologistes de l’institut Weizmann de Rehovot, en Israël, fin 2023. Chez l’humain, on différencie trois types de larmes: réflexes (qui servent à éliminer les substances nuisibles comme la fumée), basales (qui lubrifient l’œil, comme Charles Darwin le mentionnait) et émotionnelles (celles liées à la tristesse ou la joie). C’est à ces dernières, caractérisées par une forte teneur en protéines, hormones et toxines que se sont intéressés les chercheurs israéliens.
En 2011 déjà, ils avaient montré dans la revue Science que ce type de larmes féminines pouvait induire une baisse du taux de testostérone chez les hommes. Pour en savoir plus sur leur possible impact sur l’agressivité, ils ont invité des femmes à visionner des films tristes afin de collecter leurs larmes dans des petits tubes à essai. Ils ont ensuite demandé à un groupe de 31 hommes de humer ces tubes à essai, leur faisant croire qu’ils étudiaient les odeurs subliminales. Parallèlement, un autre groupe témoin reniflait de l’eau salée.
Tous devaient ensuite participer à des jeux impliquant des échanges monétaires au cours desquels les chercheurs ont observé que plus on retirait d’argent à un participant, plus son comportement devenait agressif. Or, selon les résultats parus dans Plos Biology, les hommes qui avaient humé les larmes des femmes se montraient 44 % moins agressifs que les autres !
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Des récepteurs olfactifs réagissent au liquide lacrymal
Afin d’identifier une éventuelle substance calmante, les chercheurs ont ensuite versé du liquide lacrymal sur différentes cellules en culture. Ils ont alors observé que quatre récepteurs olfactifs réagissent à la présence des larmes, bien que ces dernières soient inodores. Cela laisse supposer qu’un ou plusieurs composés chimiques présents dans ce liquide lacrymal influencent les récepteurs des odeurs dans le nez des hommes. « C’est le résultat qui m’a surpris le plus « , confie Noam Sobel. Jusqu’à présent, aucun n’a pu être isolé.
Une fois les récepteurs olfactifs activés, comment l’information est-elle traitée dans le cerveau ? Pour le comprendre, les chercheurs ont analysé le cerveau des hommes avec l’aide d’un scanner IRM pendant qu’ils sentaient les larmes. Ils se sont aperçus alors que deux zones connues pour être impliquées dans les comportements agressifs se mettaient à communiquer: l’insula antérieure et l’amygdale. Or, plus elles communiquaient, moins les joueurs cherchaient à se venger de leurs pertes.
« Ces résultats suggèrent que les larmes sont une couverture chimique offrant une protection contre l’agression, commente Noam Sobel, directeur de l’étude. De plus, cet effet est commun aux rongeurs et aux humains, et peut-être aussi à d’autres mammifères. » En effet, de nombreuses études, principalement sur des rongeurs, avaient déjà montré que les larmes d’autres mammifères contiennent des substances chimiques qui servent de signaux sociaux et peuvent réduire l’agressivité.
Dès 1997, l’équipe de Joseph Terkel de l’université de Tel-Aviv (Israël) avait ainsi découvert que les mâles subordonnés de rats-taupes (Spalacinae ), aveugles, s’enduisent de larmes pour apaiser le comportement agressif du mâle dominant à leur égard. En 2020, l’équipe de Roberto Tirindelli, de l’université de Parme (Italie), avait quant à elle prouvé que les larmes des souris femelles contiennent des produits chimiques empêchant les souris mâles de se battre. Chez cette espèce de rongeur, les composés volatils des larmes se fixent sur une partie du nez appelée « organe voméronasal » que l’être humain a perdu au cours de son évolution. Néanmoins, il semble que cet organe ait été remplacé par le nez lui-même, du moins en ce qui concerne la perception des molécules contenues dans les pleurs.
Aucune étude disponible sur les larmes masculines
Reste une autre question: les larmes masculines ont-elles le même pouvoir apaisant que les féminines ? Rien n’est moins sûr car il arrive qu’une même molécule chimique génère un comportement diamétralement opposé selon les sexes. Lors d’une précédente étude publiée dans Science Advances en novembre 2021, l’équipe israélienne s’était penchée sur l’hexadécanal, une substance chimique produite par certaines parties du corps et qui abonde chez les bébés. Ils avaient alors noté que renifler cette substance réduisait l’agressivité chez les hommes alors qu’elle avait l’effet inverse chez les femmes.
Une hypothèse est qu’il s’agirait d’un mécanisme de survie incitant les pères à ne pas attaquer leur bébé et les mères à le défendre. Mais pour les larmes masculines, impossible de répondre… faute de participants aux études ! « Nous recherchons des individus qui pleurent facilement, explique Noam Sobel. Or, pour 100 femmes volontaires, seul un homme se présente. » En attendant, l’équipe va s’intéresser aux pleurs d’enfants de 2 ans. « À cet âge, nous pourrons avoir autant de larmes masculines que féminines ! »
Pour évacuer la colère, oubliez le jogging !
Comment évacuer la colère ? En avril 2024, des chercheurs de l’université d’État de l’Ohio (États-Unis) ont analysé plus de 150 études impliquant plus de 10.000 participants. Conclusion: les techniques diminuant l’excitation comme la respiration, la méditation ou le yoga sont les meilleures pour réduire l’agressivité.
En revanche, les activités augmentant l’excitation sont globalement peu efficaces. « J’ai été étonnée par le fort impact négatif du jogging sur la colère, confie Sophie Kjaervik, qui a dirigé la recherche. Si nous nous attendions à ce que les activités qui élèvent la fréquence cardiaque ne réduisent pas la colère, observer une augmentation est une surprise. »
Par Aurore Braconnier
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