Africa-Press – Benin. Le célèbre Rafale se prépare à une deuxième vie. Le futur modèle F5 de l’avion de combat de Dassault Aviation devrait entrer en service avec son missile nucléaire hypersonique en 2035, comme l’a annoncé le 18 mars Emmanuel Macron. La base aérienne 116 à Luxeuil-Saint-Sauveur (Haute-Saône) sera la première à l’accueillir. « Le Rafale actuel fonctionne, mais il faut le mettre au goût du jour des menaces de demain « , explique un bon connaisseur de l’aéronautique militaire qui tient à rester anonyme.
Entré en service en 2004 dans la Marine nationale, en 2006 au sein de l’armée de l’air et de l’espace, il doit voler jusque dans les années 2060-2070. Il est donc nécessaire de le faire évoluer, pour conserver une force de frappe sur le champ de bataille et assurer la mission de dissuasion nucléaire, en attendant son successeur, l’avion de combat de prochaine génération (NGF – next generation fighter). Ce dernier sera intégré au Système de combat aérien du futur (Scaf), qui englobe l’ensemble des moyens dédiés à la guerre aérienne (avions, drones, cloud de combat, etc.).
Développé dans les années 1980, le Rafale présente une forme de « delta canard »: « Compacte, très solide et rigide, elle permet l’emport d’une grande variété d’armements, explique le spécialiste de l’aéronautique militaire. Cette configuration rend l’avion très manœuvrable et permet, par exemple, de réaliser des vols à basse vitesse, avec un angle d’attaque important. L’objectif était d’en faire un avion polyvalent et multirôle, un concentré de technologies, à un prix abordable. Le fait qu’il soit bimoteur lui confère plus de puissance et de sécurité. »
Les missions qui seront dévolues au futur Rafale seront de pénétrer les défenses adverses, leurrer et brouiller des radars, déjouer une attaque de missile… L’ensemble des missions de neutralisation ou de destruction des défenses adverses est regroupé sous l’acronyme anglo-saxon Sead (pour Suppression of enemy air defenses). Ce concept requiert de disposer d’un ensemble d’équipements (avions, radars, drones, missiles, défense aérienne…) dotés de systèmes de leurrage, de brouillage et d’autoprotection. Pour ce faire, il faut améliorer les systèmes déjà existants et en développer de nouveaux.
La « dronisation » du ciel, une tendance majeure
Les attaques seront conduites non pas de façon isolée mais dans une approche collaborative: l’avion de combat, que ce soit le Rafale au standard F5 ou le NGF, communiquera avec d’autres avions, des troupes au sol, des frégates en mer… Concrètement, le pilote gère sa mission en étant connecté au sol, en vol avec d’autres avions, mais aussi avec des drones, qui seront, eux, pilotés à distance. « La connectivité sera au cœur du combat aérien « , confirme le spécialiste. C’est cette interconnexion qui fait du programme européen Scaf un « système de systèmes » construit en réseau.
La « dronisation » du ciel est une tendance majeure pour l’aviation militaire du 21e siècle. C’est pourquoi le Rafale F5 sera accompagné d’un drone de combat dérivé du programme Neuron. Développé par Dassault Aviation en coopération européenne depuis le début des années 2000, celui-ci a servi à prouver la pertinence de certaines technologies (furtivité, emport d’armement…). Il sera équipé, autant que faire se peut, de systèmes communs au Rafale F5: optronique, systèmes de contremesures, servocommandes, moteur… Ainsi, l’avion et le drone de combat formeront un binôme d’attaque plus efficace face aux défenses adverses.
Pour escorter le futur NGF et le drone de combat, ce n’est pas un seul, mais tout un essaim de drones qui interviendra. L’avion de combat futur sera secondé dans ses missions par ce qu’on appelle des « effecteurs déportés ». Des drones de tailles diverses et avec des missions différentes qui « ouvriront la voie » de l’avion de combat.
Ces aéronefs « low cost » pourront être largués par des avions pour surveiller une zone, faire diversion et perturber les défenses ennemies. Leurs missions seront multiples: brouiller ou leurrer les radars, saturer les systèmes de défense aérienne adverses de sorte qu’ils ne sachent plus quelle cible viser précisément, désigner des cibles… Ces drones seront interconnectés, entre eux et avec les autres systèmes (avions, stations au sol, bâtiments en mer). L’objectif est de neutraliser ou détruire les défenses adverses pour faciliter la mission de l’avion de combat, qui pourra alors tirer sur sa cible dans un espace aérien « sécurisé », accompagné « d’ailiers » sans pilote à bord.
Rendre l’avion le plus discret possible
Si une maquette de NGF a été présentée lors du Salon aéronautique du Bourget en 2019, l’aspect extérieur définitif n’est pas encore connu. Il dépendra des travaux industriels qui sont en cours entre l’Allemagne, l’Espagne et la France. Mais il sera sans doute plus lourd que le Rafale F5, parce qu’il devra pouvoir emporter plus d’armement tout en ayant une autonomie de vol importante. L’intégration de davantage de technologies de furtivité contribuera également à augmenter son poids, ne serait-ce que parce qu’il faudra le doter de soutes pour emporter les missiles et les rendre moins facilement détectables.
Sa conception sera en effet dictée par la nécessité d’une furtivité accrue. Il faut réduire au maximum la signature électromagnétique, acoustique et thermique de l’avion, pour le rendre le plus discret possible face à des systèmes adverses de plus en plus performants. Pour y parvenir, on peut privilégier des surfaces planes et des formes anguleuses, qui dispersent les ondes radar, mais aussi utiliser des peintures spécifiques qui absorbent ces mêmes ondes. La furtivité consiste à réduire au maximum la « surface équivalente radar » (SER): une mesure qui quantifie la réflectivité d’un engin face aux ondes. Minimiser cette surface revient à minimiser la quantité d’énergie radar qui sera renvoyée vers les systèmes de détection adverses.
Le F-47, l’avion de combat de Boeing
Donald Trump a dévoilé le nom du grand gagnant le 21 mars: c’est Boeing qui construira le prochain avion de combat des États-Unis. Baptisé F-47, l’aéronef succédera au F-22 Raptor pour les missions de supériorité aérienne. À l’image du programme européen Scaf, le programme américain NGAD (Next generation air dominance) est un « système de systèmes », composé d’aéronefs de combat accompagnés par des effecteurs déportés (drones).
La conception du F-47, présenté comme un avion de « 6e génération », intégrera des capacités améliorées en matière de furtivité, de fusion de capteurs et de frappe à longue portée, dans une architecture modulaire et adaptable. Le calendrier affiché est ambitieux: l’objectif est d’en disposer dès les années 2030.
Pouvoir se protéger des attaques électroniques
Autre enjeu de l’avion de combat: sa capacité à se défendre en matière de guerre électronique. Celle-ci revêt plusieurs aspects: détection des émissions radar, interception des signaux électromagnétiques ou des communications ennemies, perturbation par brouillage, etc. Il s’agit de savoir qui émet, ce qui est émis, qui tente de brouiller, et de pouvoir se protéger de ces attaques.
L’Europe et les États-Unis restent en pointe en matière de guerre électronique, mais des pays comme la Russie ou la Corée du Nord développent par exemple des technologies de brouillage GPS, voire des brouilleurs de fusées de missiles afin de les empêcher de détoner. L’objectif est donc d’assurer la résilience et la performance des systèmes de protection pour mener les missions aériennes.
Enfin, la puissance de calcul embarquée et l’intelligence artificielle vont libérer le pilote de certaines tâches qui pourront être automatisées. L’un des enjeux est d’avoir des sortes d’assistants virtuels, à qui le pilote pourra déléguer des missions. Ainsi, intégrée au radar, l’IA pourra par exemple établir une cartographie pour détecter automatiquement des zones à surveiller, des bâtiments à détruire… à la place du pilote. En revanche, c’est toujours ce dernier qui prendra la décision de tirer.
Dans ce contexte, le développement des avions de combat du futur ne peut s’envisager sans le renouvellement de la composante nucléaire aéroportée. Le missile actuel, l’ASMPA (air-sol moyenne portée améliorée), sera remplacé à court terme par l’ASMPA-R (rénové), avant de laisser la place, à l’horizon 2035, à l’ASN4G, le missile air-sol nucléaire de 4e génération, conçu lui aussi par le missilier européen MBDA. Il sera hypersonique et assurera à l’avion de combat une capacité de frappe dans la profondeur – c’est-à-dire au-delà des défenses ennemies.
Des armes plus véloces et plus furtives
Le 26 juin 2023, la France est entrée dans le cercle très restreint des pays dotés d’armes hypersoniques en testant avec succès le planeur V-MaX (véhicule manœuvrant expérimental). Ces armes se caractérisent par leur vitesse – allant de 6000 km/h à 25.000 km/h environ – et se déclinent en missiles de croisière ou en planeurs. À la différence des missiles balistiques, les premiers évoluent dans l’atmosphère à une altitude de 20 à 30 kilomètres: ils sont ainsi difficilement repérables par les radars de longue distance qui ont une visée plus haute.
Les planeurs, quant à eux, sont d’abord propulsés par un lanceur qui leur confère une vitesse supersonique les conduisant hors de l’atmosphère où ils franchissent de longues distances sans frottement. Une fois séparés du lanceur, ils rentrent dans l’atmosphère. À ce stade, l’appareil plane sans propulsion, en utilisant uniquement son énergie cinétique et les forces aérodynamiques. Sa forme plate et profilée génère de la portance et il peut effectuer des rebonds dans l’atmosphère, similaires à des montagnes russes: il plonge, prend de la vitesse, puis remonte en altitude en transformant sa vitesse en énergie potentielle. Ses capacités à manœuvrer lui permettent également de changer de direction à grande vitesse, ce qui rend son interception difficile.
La précision de ces armes est redoutable: selon une note de l’Institut français des relations internationales (Ifri), un essai du planeur américain C-HGB en 2020 aurait permis de frapper à 15 cm du point visé après un vol de 4000 kilomètres. L’une des difficultés physiques rencontrées pour la mise au point de ces armes est celle du « mur de la chaleur »: les frottements de l’air échauffent les véhicules jusqu’à plus de 700 °C à Mach 5, et 3700 °C à Mach 12 ! Cela nécessite d’utiliser des matériaux avancés comme les céramiques composites ou des systèmes de réfraction ou de refroidissement actif. D’autant que cette chaleur excessive les rend détectables par les capteurs infrarouges de satellites ou d’avions. Très coûteuses, ces nouvelles armes pourraient être seulement utilisées pour des cibles stratégiques comme des porte-avions ou des boucliers antimissiles.
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