Africa-Press – Benin. « Les personnes défavorisées portent seules le poids de l’augmentation de la mortalité néonatale en France », alerte le pédiatre Victor Sartorius. Depuis 2012, le taux de mortalité au cours du premier mois de vie n’a cessé d’augmenter, passant de 2,4 à 3 pour mille, d’après l’Insee, soit les trois quarts des 2.700 décès annuels d’enfant de moins de 1 an. Loin d’être répartis aléatoirement, ces décès supplémentaires ont uniquement lieu dans les communes défavorisées, révèle une équipe de recherche à l’Inserm dans la revue BMJ Medicine.
« Toute la population est concernée »
Elles sont environ 35 000 et se nomment Château-Chinon, Bréviandes ou Vic-en-Bigorre: les communes de France sont hétérogènes de paysage comme de population. En se basant sur les données de l’Insee, les chercheurs attribuent à chacune un indice de désavantage social comprenant notamment le taux de chômage, le revenu médian, le pourcentage de familles monoparentales, d’immigrés et de locataires par rapport aux propriétaires. Ces données sont ensuite raccordées à celles du Système National des Données de Santé (SNDS) qui couvre toutes les communes avec naissance à l’hôpital, auxquels sont appairés les causes de décès ou encore les séjours à l’hôpital des bébés.
Sur l’ensemble des nouveaux-nés français, les 20% dont la mère réside dans les communes les plus défavorisées avaient un risque 70% plus élevé de mourir dans leur premier mois de vie que les 20% issus des communes les mieux dotées. « C’est un niveau de risque élevé », commente Victor Sartorius, premier auteur de ces travaux. « On ne parle pas d’une différence entre les 2% plus riches et les 2% plus pauvres, mais d’une énorme part de la population. C’est un vrai problème de santé publique. » L’augmentation de la mortalité n’était d’ailleurs visible que dans les deux cinquièmes (40%) de la population les moins socio-économiquement favorisés, le reste de la population montrant un taux stable. Ces résultats viennent éclairer les résultats d’une publication de 2022 de la même équipe, qui décrivait une augmentation annuelle de 0,04 décès pour mille naissances dans le premier mois de vie depuis 2012, déclassant le pays vers les plus mauvais élèves européens de la mortalité néonatale.
Un milieu socio-économique défavorisé augmente les risques de mortalité
« Nous savions déjà que les inégalités socio-économiques pèsent sur les risques de mortalité, mais j’ai malgré tout été surprise par la différence entre les groupes et son évolution constante dans le temps », commente l’épidémiologiste Jennifer Zeitlin, qui a dirigé ces travaux. Plusieurs hypothèses expliquent cette nette différence de risque. Les personnes défavorisées ont plus de problème de santé de base, comme l’obésité, ainsi que des comportements plus à risque comme le tabagisme qui peuvent peser sur la santé de la mère avant et pendant la grossesse. « Elles sont également plus exposées à la pollution et aux vagues de chaleur, qui sont liées à une augmentation des naissances prématurées qui est le principal facteur de risque de décès chez le nouveau-né », ajoute Victor Sartorius.
Facteur aggravant supplémentaire, ces populations défavorisées sont de surcroît moins en capacité de bénéficier du système de santé en place, notamment par manque d’accessibilité géographique, culturelle ou linguistique. Ce qui influe partiellement l’augmentation des décisions de poursuivre la grossesse malgré une pathologie fœtale grave, un autre facteur hypothétique identifié par les chercheurs. Le nombre de grossesses poursuivies alors que le fœtus est atteint d’une malformation grave et incurable a ainsi augmenté de 200% en 10 ans, d’après les données de l’Agence de la Biomédecine, rapporte en mai 2025 la Société Française de Néonatalogie (SFN). Parmi ces cas, 10 à 15% de ces pathologies sont « susceptibles d’entraîner un décès précoce ».
La dégradation de l’hôpital public
Reste à expliquer pourquoi l’écart se creuse entre le risque de mortalité néonatale des communes favorisées et défavorisées avec le temps. « Il est possible que les inégalités socio-économiques elles-mêmes se creusent sur un plan sociétal pur, mais aussi que les liens entre ces inégalités et le risque de mortalité se renforcent », avance Victor Sartorius. « Nous pensons notamment qu’une part importante est liée à la dégradation des services de soins dédiés à la néonatalogie sur l’ensemble du territoire. » La SFN décrit en effet des services à 70% du temps en sous-effectif, et à 20% du temps en surcharge de patients. « Une combinaison qu’on sait liée à des conséquences graves pour les patients », précise le pédiatre. Un tiers des personnes dans ces services requérant des compétences techniques ont moins de deux ans d’expérience, déplore le médecin. « Ce n’est pas pareil de poser un cathéter ou une perfusion à un bébé de 500 grammes et à un de 5 kg. »
« Au vu de ces constats alarmants, la question du niveau socio-économique doit absolument être prise en compte dans le sujet de la mortalité infantile », appuie Jennifer Zeitlin. « Tous les rapports montrent que des améliorations sont possibles, c’est ce qu’on veut faire passer. » Une étude qu’elle avait codirigée en 2014 et pointait un risque élevé de mortalité néonatale en Seine-Saint-Denis 30 à 50% plus élevé que la moyenne nationale. Un rapport de l’Inserm avait pointé de nombreuses pistes d’améliorations, notamment un meilleur diagnostic, repérage et accompagnement des femmes enceintes avec pathologies ou facteurs de risques.
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