Organisation du Bac par le ministère de l’Enseignement supérieur : « On ne peut pas donner un diplôme à un élève qu’on n’a pas enseigné », estime André Eugène Ilboudo

Organisation du Bac par le ministère de l’Enseignement supérieur : « On ne peut pas donner un diplôme à un élève qu’on n’a pas enseigné », estime André Eugène Ilboudo
Organisation du Bac par le ministère de l’Enseignement supérieur : « On ne peut pas donner un diplôme à un élève qu’on n’a pas enseigné », estime André Eugène Ilboudo

Africa-PressBurkina Faso. Le gouvernement burkinabè, par décret n°02021/0023/PRES/PM/SGG-CM du 1er février 2021, en son 3e tiret, charge désormais le ministère de l’Education nationale de l’organisation de l’examen du baccalauréat. Il s’agit d’une injustice réparée, selon le professeur de français, directeur d’établissement et de l’Académie de Ouagadougou, André Eugène Ilboudo. Pour lui, le baccalauréat n’est pas le premier diplôme universitaire, mais plutôt un diplôme de fin de cycle. Nous l’avons approché pour comprendre davantage son point de vue.

: Pourquoi vous trouvez que l’organisation du baccalauréat doit être rétrocédée au ministère de l’Education nationale ?

André Eugène Ilboudo : J’avais écrit une lettre ouverte au ministère en charge de l’Education nationale pour demander qu’on rétrocède l’organisation du baccalauréat à ses vrais propriétaires qui, selon moi, sont les enseignants du secondaire. Mon argumentaire était le suivant : ce sont eux qui préparent les élèves au Bac, ce sont eux qui écrivent le programme d’enseignement ; ce sont eux qui les enseignent, qui les évaluent pendant l’année, qui préparent leurs dossiers pour le Bac, qui administrent les épreuves, les corrigent. Ce sont encore eux qui supervisent son déroulement.

Ce n’est que la signature du parchemin qui est confié au ministère de l’Enseignement supérieur. Vous ne pouvez pas évaluer et donner un diplôme à un élève que vous n’avez pas enseigné. Est-ce que le Burkina peut signer le diplôme de Bac d’un élève qui vient du Togo et qui n’a pas fréquenté au Burkina ? Est-ce que l’Académie de Ouagadougou peut donner un bulletin de notes à un élève du Lycée Philipe-Zinda-Kaboré ? A priori, les réponses, c’est non. Je demande seulement que l’on remette l’organisation du Bac à ceux qui ont préparé les élèves à l’obtenir.

Quels sont les avantages d’un tel changement pour le ministère en charge de l’Education nationale ?

Il n’y a aucun avantage et il n’y a aucun désavantage. Le Certificat d’études primaires est préparé par les maîtres du primaire, évalué par les enseignements du primaire et validé par les inspecteurs du primaire. Est-ce qu’il y a un avantage ou un désavantage à ce niveau ? Le Brevet d’études du premier cycle (BEPC) est préparé, évalué, administré par les enseignants du premier cycle et du secondaire. Est-ce qu’on parle d’avantages et d’inconvénients ? Je n’en vois pas.

Si le Bac est préparé et évalué par les enseignements du second cycle, je ne vois pas davantage ni d’inconvénients. Sauf que ce sont ceux qui ont préparé les élèves qui devraient dire que tel ou tel élève a droit au diplôme. Quand on dit que le Bac est le premier diplôme universitaire, ce n’est pas vrai. Le Bac est plutôt un diplôme de fin de cycle. Le premier diplôme de l’université était intitulé « Diplôme d’études universitaires général première année ». Il porte bien son nom. L’argumentaire ne tient donc pas.

Avez-vous des griefs contre l’organisation du Bac par le ministère de l’Enseignement supérieur ?

Non. Ce n’est pas une affaire de grief contre qui que ce soit. C’est comme si vous me demandez pourquoi c’est le maire qui célèbre les mariages et non le juge ou le gendarme. La personne qui doit faire le travail, c’est à elle que revient le travail, c’est tout. Cela dit, pourquoi c’est l’université Joseph-Ki-Zerbo qui organise par exemple le Bac à Dori, pendant qu’il y a une université là-bas, de même qu’à Dédougou, Ouahigouya ou à Fada ? Tout l’argument que les gens veulent nous servir sur le Bac organisé par le ministère en charge de l’Enseignement supérieur ne tient pas la route.

Est-ce que cela ne dévalorise pas le Bac, puisqu’il ne sera plus le 1er diplôme universitaire ?

Non, cela ne peut pas dévaluer le Bac. On tire le problème par les cheveux. Je prends l’exemple très simple qui concerne mon cas. Moi je suis allé à l’université avec mon Certificat d’études, je n’avais même pas le Brevet à l’époque. Je n’ai jamais passé le Bac et je ne l’ai jamais eu. Quand je suis allé à l’université, j’ai fait quatre ans et j’ai eu ma Maîtrise. Puisque j’ai été admis à l’université avant d’avoir passé mon Brevet en 1982.

Quel sera selon vous le mode d’entrée à l’université des futurs bacheliers ?

Ecoutez, si le gouvernement décide que pour entrer à l’université, il faut le certificat d’études, les gens vont se plier. S’il décide qu’il faut la Licence pour entrer à l’université publique, les gens iront. Moi ma position c’est que le Bac, une fois que vous l’avez, le gouvernement prend la décision qu’il veut avec votre Bac. Puisqu’il sanctionne votre niveau de connaissance jusqu’à la Terminale. Un diplôme n’a jamais évalué le futur. En plus, ce n’est pas du populisme que de dire que l’université n’est pas faite pour tous ceux qui obtiennent le baccalauréat, surtout avec les rachats, les absentéistes chroniques.

Pourquoi doit-on s’inscrire à l’université quand on sait manifestement qu’on n’a pas la volonté de poursuivre les études ? Car on ne s’y inscrit pas parce qu’on a rien d’autre à faire ou parce qu’on veut une aide. Le gouvernement pourrait installer un guichet d’aide à cet effet. Mais laissez l’université à ceux qui y vont parce qu’ils savent ce qu’ils veulent. L’université n’est pas un guichet de l’action sociale ou humanitaire.

Ce changement n’aura-t-il pas pas de conséquences sur les futurs étudiants ?

Si le gouvernement veut que le processus ait des conséquences, il y en aura. Avant, tous ceux qui avaient le Bac avaient automatiquement la bourse. Quand le gouvernement est revenu sur sa décision, les étudiants ont fait avec. Un autre exemple : si vous avez le Certificat d’études avec une très bonne moyenne, le gouvernement a decidé de payer vos études, de même qu’avec le BEPC. La question que je me pose, c’est pourquoi pour aller en 6e et en 2de, le gouvernement fait un tri, alors qu’une fois que vous avez le Bac, vous devez aller à l’université automatiquement ?

Est-ce que le ministère de l’Education nationale ne sera pas chargé, vu qu’il organise déjà le BEPC ?

Attendez, à la mairie, on célèbre des mariages, on délivre des certificats de naissance, des certificats de résidence, on légalise des papiers, etc. Pourquoi vous ne me demandez pas si on charge les mairies ? C’est tout simplement leur travail. Dans le cycle secondaire, les élèves étudient sept à huit matières. Pourquoi vous ne me demandez pas si on charge les élèves ? Il suffit seulement d’organiser correctement le travail et il sera bien fait. Maintenant la question c’est qu’au Burkina, les gens ne veulent pas travailler et c’est un autre débat qu’on pourra mener.

A quand l’application de ce décret ; est-ce pour cette année ?

Normalement, si le ministre de l’Education nationale jouit de toutes les prérogatives qui lui ont été consacrées par le décret, à partir du moment où il a été signé, cela devrait prendre effet. Cela veut dire qu’en principe, le Bac devrait être organisé par le ministère de l’Education nationale cette année. Maintenant, pour des questions de gestion pratique, les deux ministères peuvent le faire ensemble ou bien laisser le ministère de l’Enseignement supérieur l’organiser cette année.

 

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