Au Burkina Faso, Ibrahim Traoré sous pression sécuritaire

Au Burkina Faso, Ibrahim Traoré sous pression sécuritaire
Au Burkina Faso, Ibrahim Traoré sous pression sécuritaire

Africa-Press – Burkina Faso. Lorsqu’il est arrivé au pouvoir, le 2 octobre 2022, il avait promis qu’il réglerait en trois mois ce que son prédécesseur n’avait pas réussi à régler en huit. Plus de six mois après, le capitaine Ibrahim Traoré, tombeur du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, à qui il reprochait son manque de résultats sécuritaires, a su s’attirer la sympathie de nombreux Burkinabè, mais il n’est guère parvenu à améliorer une situation sécuritaire toujours alarmante.

Dans plusieurs régions du pays, les attaques contre les forces armées et les civils n’ont pas diminué, voire ont augmenté. Pis, les groupes jihadistes imposent l’omerta dans les zones qu’ils occupent, en particulier dans les villes sous blocus comme Partiaga, Djibo ou encore Diapaga, où le mouvement des personnes et des biens est soumis à des restrictions.

Selon nos sources, près d’une quarantaine de localités subissent le joug des jihadistes, les privant de denrées alimentaires et de produits de première nécessité. Dans ces villes qui manquent de tout, le sentiment d’abandon par l’État enfle, occasionnant des manifestations hostiles à Traoré et à son régime.

Revers pour l’armée

« Sous Roch Marc Christian Kaboré, la crise sécuritaire était contenue dans quelques provinces. Puis, elle s’est étendue à de nouvelles régions sous Damiba. Sous Traoré, la menace est devenue diffuse et nationale », estime Wendyam Hervé Lankoandé, analyste chez Control risks, un cabinet de conseil basé à Londres.

Face au manque de résultats sur le terrain sécuritaire, conjugué à une gouvernance controversée, l’euphorie populaire qui a accompagné les premiers pas d’« IB », ainsi que le surnomment ses compatriotes, s’estompe peu à peu. Et des critiques ciblent désormais le chef de l’État. « J’appelle le président de la transition à mettre fin au cycle de violences causées par […] ses soutiens. Les membres des assises nationales tenues en octobre 2022, constatent avec amertume la violation de la charte de la transition fondée sur des valeurs citoyennes », a récemment critiqué sur les réseaux sociaux Monique Kam, ancienne candidate à la présidentielle de 2020 et présidente du Mouvement M30 Naaba Wobgo.

Plus le temps passe, plus les Burkinabè ont le sentiment que la promesse de reconquête du pays faite par Traoré et ses hommes est un leurre. Selon nos informations, seulement 35 % du territoire serait sous le contrôle de l’État contre environ 60 % lors de la chute du président Roch Marc Christian Kaboré, il y a plus d’un an.

Le rapport 2023 [Global Terrorism Index, GTI] de l’Institut pour l’économie et la paix fait du pays le deuxième sanctuaire terroriste au monde derrière l’Afghanistan, avec 310 incidents qui ont fait 1 135 tués et 496 blessés. Le 17 février, une attaque complexe revendiquée par l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) contre un détachement militaire entre Déou et Oursi, dans le nord du pays, avait fait au moins 51 morts dans les rangs de l’armée. Depuis l’arrivée au pouvoir de Traoré, jamais l’armée burkinabè n’avait subi un tel revers. La dernière attaque de cette envergure remonte à novembre 2021, lorsque 53 gendarmes avaient été tués à Inata – un drame qui avait suscité un tollé dans les rangs de la grande muette.

Stratégie du tout-militaire

Trois jours après le drame de Déou, une autre attaque, perpétrée dans la zone voisine de Tin Akoff, causait la mort d’une trentaine de soldats. Début mars, des jihadistes prenaient d’assaut le village de Partiaga, à l’est du pays. Bilan : une soixantaine de civils exécutés. Dans la foulée, ses habitants sont montés au créneau et ont manifesté pour réclamer plus de sécurité. « Ces récentes attaques ont écorné la popularité et l’image du capitaine Traoré », assure Lankoandé.

« Ces attaques massives fragilisent les dirigeants et l’armée. Traoré devrait rapidement œuvrer à éviter ces pertes pour ne pas perdre le soutien populaire, et semer le doute sur l’efficacité de sa stratégie », décrypte une source sécuritaire.

Contrairement à son prédécesseur qui défendait une approche ouverte sur le dialogue avec les membres des groupes jihadistes, IB prône le tout-militaire. Une stratégie qui s’est traduite par l’enrôlement de 90 000 Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), des supplétifs civils de l’armée. Le 22 février dernier, le gouvernement avait annoncé un recrutement exceptionnel de 5 000 soldats pour grossir les rangs de l’armée. Le 24 mars, sur demande de Traoré, le Conseil constitutionnel a publié un avis portant ordre de « mobilisation générale et de mise en garde », qui s’ajoute au placement sous état d’urgence de huit régions à compter du 30 mars. « Le tout-militaire est inefficace dans ce genre de conflit au Burkina Faso et au Mali pour venir à bout des terroristes, avance Wendyam Hervé Lankoandé. Il faut une réponse qui laisse la possibilité à ceux qui souhaitent déposer les armes de se rendre en ouvrant le dialogue. »

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