Burkina Faso : Le coup d’État militaire…ses raisons, ses défis, et ceux qui sont derrière !

Burkina Faso : Le coup d'État militaire...ses raisons, ses défis, et ceux qui sont derrière !
Burkina Faso : Le coup d'État militaire...ses raisons, ses défis, et ceux qui sont derrière !

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Burkina Faso. Bien que le spectre d’un autre coup d’État militaire planait sur la scène politique burkinabé, cependant, de nombreux observateurs ne pensaient pas que ce putsch était si proche que ça, car ce qui s’est passé, le vendredi 30 septembre 2022, au Burkina Faso, était une grande surprise qui a entraîné de nombreuses questions imposées par la soudaineté de l’événement et l’identité de ses acteurs, puisque ses auteurs appartiennent au même cercle militaire de Paul-Henri Sandaogo Damiba, le chef de la junte militaire au pouvoir, qui avait renversé auparavant le président Roch Marc Christian Kaboré.

Certes, la capitale burkinabé, Ouagadougou, a connu une atmosphère tendue à l’aube de ce vendredi.

Néanmoins, l’identité des auteurs de ce nouveau coup d’État et le dénominateur commun entre eux et le président de transition renversé en termes d’unité d’appartenance aux forces spéciales (Cobra) qui ont perpétré le premier coup d’État du 24 janvier dernier, en plus de la courte période séparant les deux coups d’État, toutes constituent des considérations qui soulèvent un certain nombre de questions, dont en particulier celle-ci :

Quelles sont les logiques et les raisons objectives qui ont poussé ces officiers de l’armée à limoger ceux qui les ont portés au pouvoir il y a moins de 8 mois ?


La joie des burkinabés exprimée à leur manière en arborant un drapeau russe

Certains analystes estiment que le soutien populaire sans pareil, dont ont bénéficié les putschistes, constitue un pilier que les nouvelles autorités pourraient exploiter et sur lequel elles peuvent également s’appuyer pour revoir le contenu des accords et du partenariat stratégique avec la France ou avec d’autres pays occidentaux, et ce, en vue d’assurer le meilleur intérêt au peuple burkinabé.

Tandis que d’autres affirment que l’énorme soutien populaire aux nouvelles autorités peut constituer en lui-même un défi majeur pour elles, en particulier à la lumière des données géopolitiques mondiales qui restreignent la liberté de choisir des partenaires, à la suite du retour de la guerre froide au premier plan sous une nouvelle « parure ».



Damiba ou l’euphorie d’une ambition « mort-née »

Il importe de mettre l’accent sur cette euphorie suscitée par l’espoir d’une rhétorique enthousiaste et héroïque du Lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba qui n’a pas duré longtemps face aux faits sur le terrain, à cause de la fréquence des attentats terroristes qui n’a pas diminué, mais qui s’est plutôt exacerbée à la lumière de la confusion aléatoire pour trouver des alternatives efficaces ou une stratégie claire dans le but d’empêcher la propagation continue des actes terroristes dans d’autres zones.

C’est d’ailleurs cette succession de massacres, à laquelle on peut ajouter la détérioration de la situation sécuritaire au Burkina Faso, qui a contraint Damiba de tenter de paraître « optimiste » grâce à un message qu’il a adressé à la population, dans lequel il exigeait qu’on lui accorde un « délai de cinq mois » pour présenter les résultats concrets de la tâche de restauration de la sécurité et la pleine souveraineté sur toutes les terres burkinabé, révélant à l’occasion les mesures qu’il a adoptées, et qui comprenaient « la formation de comités locaux pour entreprendre la tâche de proposer des approches afin d’entamer un dialogue avec les membres des groupes armés », selon lui.

À la lumière de la rhétorique en question, de nombreux burkinabés ont été persuadés et poussés à tolérer le coup d’État contre Kaboré, surtout après que la population ait payé un lourd tribut des suites des attentats terroristes répétitifs depuis 2015, qui auraient tué plus de 2 000 personnes, et contraint environ 1,5 million à fuir et à fermer de nombreuses écoles.

Il faut dire que la question du rétablissement de la stabilité et de la sécurité a dominé le discours adressé au peuple, en plus de révéler certaines des mesures qui ont été adoptées au besoin, appelant le peuple burkinabé à persévérer et à se sacrifier afin d’assurer la sécurité pour tous, y compris les enfants, en ajoutant : « Cela ne devrait pas être lié à la récente escalade des attaques terroristes, ni être considéré comme le résultat de l’inefficacité de notre réponse ou de notre inaction », soulignant également qu’il existe des mesures et la possibilité que des mesures supplémentaires soient prises dans les prochains jours. Il y a un prix à payer pour sauver le pays de cette situation difficile », a-t-il déclaré, mettant en garde contre le fait de rester ou de pratiquer des activités dans les zones où se déroulent des opérations militaires.

Toutefois, la confiance d’une grande partie des Burkinabés se trouvant entachée par une situation qui ne semblait guère s’améliorer et qui ne promettait rien de bon, a permis au jeune Capitaine de l’armée de 34 ans « Ibrahim Traoré », musulman de 34 ans, engagé dans les Forces Spéciales « Cobra » après avoir été diplômé de l’université Joseph Ki Zerbo (Ouagadougou), de commander un groupe d’officiers et de prendre la courageuse initiative de perpétrer le coup d’État du 30 septembre dernier, en limogeant de facto le chef du Conseil militaire Paul Henri Sandaogo Damiba, auteur du coup d’Etat du 24 janvier, que Traoré a appelé à démissionner de son poste de « Président de la Transition du Burkina Faso ».

Quant au dirigeant déchu il a demandé, en échange de sa démission, des garanties pour les soldats en charge de sa propre sécurité, ainsi que ses collaborateurs et les militaires qui le soutenaient.

Pour sa part, Ibrahim Traoré a donné des assurances quant à sa ferme volonté de ne pas tenter de s’éterniser au pouvoir.

Il a même assuré qu’il ne ferait qu’expédier les affaires courantes et qu’il compte gouverner à travers des concertations, jusqu’à la désignation d’un nouveau président de Transition, qu’il soit civil ou militaire.

Traoré a indiqué que tout passera par le biais d’Assises nationales, rassemblant les forces politiques, sociales et de la société civile.

Il s’agit d’une étape qu’il compte franchir avant la fin de l’année.

Que reprochaient les officiers à Damiba ?


Ibrahim Traoré

Les justifications du capitaine Ibrahim Traoré ne sont pas très différentes en substance de celles formulées par le Lieutenant-colonel Damiba lors de son coup d’État du 24 janvier 2022, où les objections portaient sur le dossier de la sécurité et sur l’incapacité de Kaboré à fournir les conditions appropriées pour vaincre les groupes armés.

Peut-être la seule différence réside-t-elle dans la nature des justifications. Alors que Damiba accusait l’ancien président d’inaction et de mauvaise gestion du dossier sécuritaire dans le pays, le capitaine Traoré, à son tour, dirigeait les mêmes accusations contre Damiba, mais doublement.

Quel rôle pour la France et d’autres pays étrangers dans tout ça ?

Comme dans la plus part des pays africains, notamment les anciennes colonisations françaises, les populations prenaient du plaisir, de jour en jour, en extériorisant leur colère et leur méfiance à l’encontre de la France, en particulier.

Mais le ressentiment anti-français n’est pas récent au Burkina Faso. Déjà en novembre 2021, un convoi militaire français fût stoppé plusieurs fois au long de sa traversée du pays, par des manifestants persuadés qu’il contenait des armes destinées aux groupes terroristes qui terrorisent le Sahel depuis plusieurs années. Les réseaux sociaux, eux aussi, amplifient des rumeurs sur l’action des soldats français dans la région, phénomène qu’on avait pu observer auparavant au Mali et en Centrafrique.

Et l’évolution des événements dans la capitale burkinabé au cours des deux jours qui suivirent le putsch a montré le degré d’hostilité de larges segments de la société burkinabé envers la France, qui s’est retrouvée face à un rejet populaire croissant, sachant que les manifestations d’hostilité de la rue burkinabé à son égard ont été évidentes lorsque des dizaines d’entre eux soutenant le nouvel homme fort du Burkina Faso, Ibrahim Traoré, se sont rassemblés devant le siège de son ambassade à Ouagadougou, déversant ainsi leur colère d’abord sur l’ambassade de France puis sur le siège de l’Institut français de Bobo-Dioulasso. Une expression du mécontentement populaire contre la politique coloniale du pays de l’hexagone.

Mais les réponses françaises sont venues quand même de plus d’un responsable pour dénoncer le ciblage de son ambassade et de ses installations par les manifestants en colère, soulignant que ce n’est pas lié à ce qui se passe d’une manière ou d’une autre, mais la question est de savoir pourquoi viser l’ambassade de France et l’Institut français seuls ?

Dans ce contexte, et dans le cadre de défendre la France, la Secrétaire générale de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), Louise Mushikiwabo, a fermement condamné « cette nouvelle prise du pouvoir par la force, constatant la nécessité pour les pays francophones de respecter pleinement les engagements pris par les États et les gouvernements dans la Déclaration de Bamako (2000) en faveur de l’accès démocratique au pouvoir », en soutien à la position française.

Bien évidemment, la manière dont les nouvelles autorités traiteront les questions de sécurité et de la relation « franco-burkinienne », à la lumière du sentiment croissant contre la présence des missions diplomatiques françaises dans le pays, posera un défi majeur au capitaine Traoré et à son groupe d’officiers

La Russie profite-t-elle du coup d’État militaire au Burkina Faso ?

En assistant aux slogans scandés par des citoyens soutenant l’action entreprise par le Capitaine Ibrahim Traoré, tels que :

• « On veut la Russie…

• On veut une collaboration avec le Mali…

• A bas la France ! »,

L’on croirait bien que les manifestants veulent voir la Russie « entrer par la grande porte » tout en faisant sortir la France « par la petite porte ».

En pleine foule euphorique, on aperçoit plusieurs drapeaux russes brandis par les citoyens sortis dans la rue en guise de satisfaction par ce que venaient d’annoncer les putschistes, car le chef de la nouvelle junte autoproclamée, le capitaine Ibrahim Traoré, avait donné le ton en accusant surtout le Lieutenant-colonel Damiba, le chef de la junte déposée, de préparer une « contre-offensive » depuis la base française de Kamboinsin, à Ouagadougou, où des forces spéciales françaises avaient pour mission de former leurs homologues burkinabè.

A rappeler également que lors du coup d’Etat commis au mois de janvier dernier contre le président Kaboré, l’homme d’affaires russe Evgueni Prigojine, proche du Kremlin et qui a depuis reconnu avoir fondé le groupe paramilitaire privé russe Wagner, avait salué le coup d’État comme le signe d’une « nouvelle ère de décolonisation », faisant implicitement offre de services au nouveau pouvoir à Ouagadougou.

Par ailleurs, l’Institut stratégique de l’Ecole militaire avait d’ailleurs pointé dans un rapport du mois dernier, la « percée » récente, dans l’audience burkinabé, des antennes francophones de RT et Sputnik, deux médias téléguidés par Moscou.

Ce coup d’État ouvre-t-il la voie à la Russie alors que l’étau se resserre sur la France ?

Ce que nous venons de rapporter donc dans cet article, peut être considéré comme une sorte de synthèse, tout en nous posant la question suivante :

• Les nouvelles autorités parviendront-elles à remplir leurs obligations en changeant l’équation et en faisant pencher la balance du pouvoir en faveur de l’armée nationale et en évitant de tomber dans le piège sécuritaire comme Kaboré et Damiba ?

D’ailleurs, pour rappel, le capitaine Ibrahim Traoré avait dénoncé dans son communiqué rendu public à l’issue de son coup d’Etat : « La transformation par Damiba de la question de la dégradation de la situation sécuritaire, qui a justifié notre tâche à une affaire secondaire au profit d’aventures politiques malheureuses », tout en ajoutant que : « Les actions du Lieutenant-colonel Damiba nous ont convaincus que ses ambitions s’écartaient sensiblement de l’idéal », et en notant entre-autres que : « L’aggravation de la bureaucratie administrative qui a caractérisé le régime renversé pendant la période de transition a nui aux opérations stratégiques ».

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