Africa-Press – Burkina Faso. Jean Emmanuel Ouédraogo a formé son premier gouvernement le 8 décembre, entre continuité et départs surprise de poids lourds. Explications.
Rien ne laissait présager un remaniement d’ampleur au Burkina Faso. Jeudi 5 décembre, le conseil des ministres s’est tenu normalement. Un proche d’un ministre présent ce jour-là décrit « une ambiance habituelle ». Le lendemain, le capitaine Ibrahim Traoré (IB) a pourtant annoncé, à la surprise générale, la dissolution du gouvernement et le limogeage du Premier ministre, Apollinaire Kyélem de Tambèla. Nommé le 22 octobre 2022 après le coup d’État qui a renversé Paul-Henri Sandaogo Damiba, ce dernier s’était fait connaître sur les plateaux de télévision à travers ses critiques acerbes des précédents régimes.
Il est donc remplacé par Jean Emmanuel Ouédraogo, ancien ministre de la Communication, de la Culture, des Arts et du Tourisme – l’une des figures civiles du régime de transition. Lors de sa prise de fonction ce lundi 9 décembre, le nouveau chef du gouvernement a insisté sur le fait que « les Burkinabè nourrissent encore beaucoup d’espoirs et d’attente ». « Je prends mes fonctions dans ce contexte difficile, où il faut faire la guerre tout en actionnant les manettes d’un développement socio-économique harmonieux. J’aborde donc cette nouvelle fonction avec responsabilité et engagement », a-t-il déclaré.
Journaliste de formation, ancien rédacteur en chef puis directeur de la RTB, la télévision nationale, Jean Emmanuel Ouédraogo est devenu ces derniers mois l’un des porte-voix de la junte. C’est aussi lui qui, le 30 septembre 2022, avait permis aux officiers putschistes de faire une déclaration à télévision, ce qui avait officialisé leur coup de force. Il en avait été remercié en étant nommé au gouvernement.
Plus discret que son prédécesseur
Ministre de la Communication, il a pris plusieurs décisions qui ont contribué à la réduction de la liberté de la presse: suspensions de médias, répression contre les journalistes, réforme controversée du Conseil supérieur de la communication, verrouillage de la communication gouvernementale et de l’accès aux sources… En charge de la Culture et du Tourisme, il s’était également félicité du maintien de grands rendez-vous tels que la Semaine nationale de la culture (SNC), le Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO) ou le Fespaco, malgré le contexte sécuritaire.
Selon nos informations, le nouveau chef du gouvernement fait aussi partie des personnalités qui encadrent les « BIR C », comme se surnomment les propagandistes du régime qui sèment la terreur sur les réseaux sociaux. Tout comme son prédécesseur, il est prompt à fustiger « l’impérialisme de la France » et une « Cedeao aux ordres ».
À 41 ans, Jean Emmanuel Ouédraogo est également un des hommes de confiance d’Ibrahim Traoré, au point où certains à Ouagadougou le désignent comme « un membre civil actif du MPSR 2 ». Au lendemain de l’attaque de Barsalogho, qui a coûté la vie à au moins 300 personnes, c’est lui qui avait conduit la délégation gouvernementale sur les lieux.
Plus discret que son prédécesseur et sans ambitions affichées, sa nomination a pour objectif de donner un nouveau souffle au gouvernement. Mais avec quelle marge de manœuvre ? L’annonce de la composition du nouveau gouvernement avant même sa prise de service interroge.
Dans le nouveau gouvernement nommé par IB, « sur proposition du Premier ministre », peu de changements: 24 ministres dont trois délégués. Le successeur de Jean Emmanuel Ouédraogo à la Communication, Pingdwendé Gilbert Ouédraogo, était précédemment directeur de la communication de la présidence du Faso. Il est perçu comme étant plus modéré et partisan, en coulisses, d’un apaisement des relations avec la presse.
Bassolma Bazié sur le dossier AES
L’une des grandes surprises, c’est le départ de Bassolma Bazié, ex-ministre de la Fonction publique. IB a néanmoins trouvé un point de chute à cette autre figure du régime, qui fut autrefois le secrétaire général de la CGT-B: il a été nommé ce lundi au poste de président de la commission nationale de la Confédération des États du Sahel. Le 14 août dernier, le décret présidentiel entérinant la création de cette commission avait été adopté. Placée sous l’autorité directe du président burkinabè, elle est « chargée de coordonner les actions entrant dans le cadre de l’opérationnalisation de la Confédération AES ».
L’autre départ surprise est celui du général Kassoum Coulibaly, qui était ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants, et qui est un oncle d’Ibrahim Traoré. Il est remplacé par le général de brigade Célestin Simporé, jusque-là chef d’état-major général des armées. Ce dernier est moins clivant et plus apprécié dans les rangs.
La ministre de l’Action humanitaire et de la Solidarité nationale, Nandy Somé, est quant à elle remplacée par la commandante Passowendé Pélagie Kabré. Discrète, elle a collaboré avec certains régimes précédents. En 2014, après la chute de Blaise Compaoré, cette dernière a ainsi fait partie des représentants de l’armée au sein du Conseil national de transition (CNT).
Ces derniers mois, plusieurs scandales de détournement de fonds au sein du ministère de l’Action humanitaire ont contribué à fragiliser Nandy Somé. Un fonctionnaire de son ministère est accusé d’avoir détourné trois milliards de F CFA. Son procès est en cours et il est diffusé tous les jours en direct sur la télévision nationale.
Source: JeuneAfrique
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