Quel avenir pour la nouvelle situation politique au Burkina Faso après les 2 coups d’Etat ?

Quel avenir pour la nouvelle situation politique au Burkina Faso après les 2 coups d’Etat ?
Quel avenir pour la nouvelle situation politique au Burkina Faso après les 2 coups d’Etat ?

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Burkina Faso. Nous revenons de nouveau à nos fidèles lecteurs et lectrices sur la situation au Burkina Faso, après les deux coups d’Etat que ce pays du Sahel africain a connu cette année, à un intervalle de moins de huit mois. Dans ce contexte, il nous est permis donc de nous demander : où va la situation politique au Burkina Faso ?

La présente analyse met en lumière certains antécédents et les enjeux du récent coup d’État militaire, ses effets régionaux dans le Sahel africain et ses répercussions géopolitiques, tout en explorant des scénarios de transformation et de changement au Burkina Faso.

Le 2 octobre 2022, ce pays a été le théâtre d’un deuxième coup d’État militaire ayant eu lieu au cours de la même année, avec la destitution du Lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, arrivé au pouvoir le 24 janvier 2022, après avoir renversé le Président Kaboré.

Filigrane du coup d’État militaire

Lors du coup d’État militaire destituant de facto le président civil élu démocratiquement, Roch Marc Christian Kaboré, en janvier 2022, les raisons déclarées du changement étaient l’incapacité du régime du président déchu à faire face à la vague de terrorisme et d’extrémisme armé qui a couté la vie à deux mille civils et entraîné le déplacement de 10% de la population du pays.

Les putschistes ont accusé le président renversé de négligence à équiper l’armée et à lui fournir tout l’armement nécessaire, préférant créer des groupes spéciaux pour défendre la population qui s’est transformée en carburant pour la guerre civile dans la région frontalière nord avec le Mali.

Mais Damiba, qui dirigeait le « Mouvement national pour la stabilité et la reconstruction », s’avérait lui-même incapable d’opérer le changement requis, si bien que les opérations terroristes armées se sont plutôt multipliées, et les chefs militaires sur le terrain ont exprimé leur grogne de ne pas voir leurs demandes satisfaites en équipements pour pouvoir faire face à la menace des groupes armés, au moment où les forces spéciales fidèles au président de transition Damiba recevaient soins, soutien et assistance.

Le mécontentement s’est concentré sur les forces « Cobra » créées en 2019 pour combattre les groupes armés radicaux, qui ont mené le récent processus de changement révolutionnaire après l’échec de toutes ses tentatives de dialogue avec le chef du Conseil militaire de transition, Damiba.

Il a semblé que la situation politique intérieure a eu son impact, notamment avec l’émergence d’un « schéma de rapprochement entre le chef de la junte militaire Damiba et l’ancien président, Blaise Compaoré », renversé par un soulèvement général en 2014.

Bien que Compaoré ait été condamné en avril 2022 à la réclusion à perpétuité dans le dossier de l’assassinat de son prédécesseur Thomas Sankara (octobre 1987), il s’est rendu dans le pays à l’invitation du président Damiba au début du mois de juillet 2022, dans le cadre d’un processus global de réconciliation interne, en vue de son éventuel retour d’exil en Côte d’Ivoire.

La visite de Compaoré était liée à la position française de soutien au régime de Damiba, qui souhaitait donner un nouveau rôle à Compaoré, qui était l’un des dirigeants africains les plus proches de Paris.

Compte tenu du sentiment croissant d’hostilité à l’égard de la France ces derniers mois au Burkina Faso, similaire à ce qui s’est passé au Mali, le processus de coup d’État est dans l’un de ses aspects une protestation contre ce qui était considéré comme une ingérence française dans la situation intérieure au Burkina Faso.

La dynamique du processus de coup d’État

Le processus de coup d’État a commencé avec la rébellion d’un certain nombre d’unités militaires de terrain constitués d’officiers subalternes et de soldats, le 30 septembre dernier, exigeant l’amélioration des conditions de l’armée dans les casernes et les zones de combat. Cependant, la rébellion s’est rapidement transformée en mouvement de coup d’État contre le régime, même si le Lieutenant-colonel Damiba l’a considérée comme une tentative désespérée, compte tenu de la non-implication des hauts responsables militaires.

Néanmoins, le putsch militaire conduit par le jeune capitaine Ibrahim Traoré, âgé de 34 ans, très respecté dans les rangs des unités militaires de terrain, qui était auparavant commandant des opérations dans la région de Kaya (dans le nord du centre du pays), et donc la décision du Conseil militaire de nommer Traoré à la présidence, le 6 octobre, semblait bien naturelle.

Sachant que le bruit avait couru les 1er et 2 octobre que le Lieutenant-colonel Damiba s’était réfugié dans une base militaire française située près de la capitale, Ouagadougou, ce qui a poussé les manifestants à s’en prendre à l’ambassade de France et aux intérêts français dans le pays.

Mais le mouvement putschiste a réussi après avoir obtenu le soutien du colonel-major David Kabré, le chef d’état-major de l’armée (qui avait pris le commandement le mercredi 9 février 2022) en plus de l’armée de l’air, et de plusieurs chefs d’unités spéciales proches du président déchu Damiba.

Les dimensions internes et régionales du mouvement putschiste

Il faut reconnaître que le récent coup d’État a recueilli un large soutien sur la scène Burkinabé, laquelle traversait une crise politique et sécuritaire étouffante. Le programme du mouvement putschiste n’est pas encore clair, malgré qu’il est susceptible qu’un dialogue national interne inclusif soit organisé pour aboutir à la sélection d’un nouveau leadership pour le pays, avec la possibilité que le capitaine Traoré demeure en position de force lui permettant d’avoir une influence déterminante sur la décision.

En outre, parmi les exigences urgentes auxquelles le mouvement putschiste devrait répondre, figurent les négociations avec la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), dont le médiateur, qui n’est autre que l’ancien président nigérien Mahamadou Issoufou, s’est rendu à Ouagadougou le 4 octobre, afin d’assurer la poursuite de l’agenda convenu avec le régime du pouvoir qui a été renversé.

Défis se dressant devant la nouvelle junte militaire

L’un des défis immédiats auxquels est confronté le mouvement putschiste est la gestion du dossier militaire dans la zone frontalière commune avec le Niger et le Mali, où la menace terroriste est exacerbée.

Surtout que la tendance des nouveaux dirigeants à l’option malienne, consistant à faire appel aux forces spéciales russes plutôt qu’aux unités d’intervention françaises, s’est imposée. Cependant, cette option est lourde de risques et peut conduire à l’isolement du Burkina Faso dans son environnement territorial immédiat, largement contrôlé par la France.

Difficulté d’anticiper la situation politique actuelle au Burkina Faso

Bien que le conseil militaire ait nommé Ibrahim Traoré à la présidence, le mouvement putsch n’en est qu’à ses balbutiements, et le projet de transition du nouveau régime n’est pas clair dans ses détails et ses particularités. Mais l’avenir de la scène politique au Burkina Faso semble laisser apparaître trois grands scénarios :

• 1. Le scénario du changement consensuel

Celui-ci ne peut aboutir qu’à travers un dialogue national global qui débouche sur une réconciliation politique interne, et l’organisation d’élections présidentielles et parlementaires pluralistes auxquelles les chefs de l’armée ne pourraient participer.

Il ressort des déclarations du capitaine Ibrahim Traoré qu’il est enclin à ce scénario, mais des doutes existent sur les véritables intentions des hauts dirigeants militaires d’un pays gouverné par des officiers de haut rang dans la majeure partie de son histoire contemporaine, depuis son indépendance en 1960.

• 2. Le scénario de crise interne

L’incapacité des nouveaux chefs militaires à réussir dans la voie du changement souhaité, en raison de ses faibles capacités politiques et de son incapacité probable à mettre fin au phénomène du terrorisme et des groupes armés, qui conduit à davantage de tensions, nécessite une prolongation de la période de transition et éventuellement un changement continu de l’administration gouvernementale.

• 3. Le scénario d’un nouveau coup d’État

Qui soit dirigé par la haute direction afin de s’emparer du pouvoir des commandants intermédiaires, faisant ainsi entrer le pays dans une nouvelle phase d’instabilité qui pourrait conduire au chaos et à la guerre civile dans le contexte de l’escalade des opérations terroristes.

En somme, il semble que le schéma du deuxième scénario soit beaucoup plus probable que les deux autres scénarios, bien que les possibilités du troisième scénario ne peuvent être négligées et sont également réalistes, tandis que le schéma du premier scénario reste l’objectif des puissances régionales et internationales concernées par les affaires burkinabé, notamment l’Union africaine, la Commission économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), aussi bien que l’Union européenne.

C’est d’ailleurs pourquoi l’entrée du pays dans une crise politique et sécuritaire prolongée, qui l’empêche de sortir de l’impasse politique étouffante qui a imposé le récent processus de changement, reste la plus probable.

La colère populaire contre la France

Réactions et accusations anti-françaises

Même si plusieurs entreprises françaises sont évidemment basées au Burkina Faso, telles que Total, Air France ou le groupe Bolloré, qui ont d’ailleurs été la cible d’attaques perpétrées par les manifestants « révoltés » pro-putschistes, il faut dire qu’économiquement, les intérêts français dans ce pays sont plutôt minimes.

La France n’est pas engagée dans l’exploitation de l’or, qui constitue le premier produit d’exportation du pays au Burkina Faso, car les intérêts de Paris, comme plus largement au Sahel, sont plutôt géostratégiques.

Selon des médias français, au Sahel, ces derniers mois, des rumeurs médiatiques multiplient les fausses nouvelles sur les réseaux sociaux, accusant notamment la France de complicité avec les groupes terroristes. Le problème est que ces infos sont largement relayées, parfois par les gouvernants eux-mêmes d’après les médias, ce qui peut donner la fausse impression d’une montée du sentiment antifrançais à l’encontre de la politique menée par la France dans la région. Nous consacrerons dans quelques jours d’autres analyses à la situation au Burkina Faso, selon le développement des évènements.

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Burkina Faso, suivez Africa-Press

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