Regain des violences djihadistes au Sahel inquiète

Regain des violences djihadistes au Sahel inquiète
Regain des violences djihadistes au Sahel inquiète

Africa-Press – Burkina Faso. Raids sanglants au Mali, incursions dans de grandes villes au Burkina Faso, lourdes pertes militaires au Niger: les djihadistes ont intensifié leurs offensives contre les armées au Sahel. Les dernières semaines ont été particulièrement meurtrières, avec plusieurs centaines de soldats tués dans diverses attaques revendiquées, au Mali et au Burkina Faso par le Groupe de soutien de l’islam et des musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaida, et au Niger par l’Etat islamique au Sahel (EIS). Les juntes des trois pays, qui avaient promis lors de leurs putschs de faire du retour de la sécurité une priorité, peinent à endiguer la progression des djihadistes, qui menacent plus que jamais le nord de certains pays côtiers du golfe de Guinée.

Pourquoi cette intensification des attaques?

« La vision globale du terrorisme régional est modifiée. Il y a une question idéologique mais aussi une question liée à l’ethnicité. Des chefs djihadistes ont affirmé en mars vouloir accélérer les attaques contre les armées nationales pour empêcher un génocide de la communauté peule », explique Lassina Diarra, directeur de l’Institut de recherche stratégique à l’Académie internationale de lutte contre le terrorisme de Jacqueville, en Côte d’Ivoire.

Les exactions des armées à l’encontre de civils – en particulier les Peuls, accusés de nourrir les rangs des djihadistes et souvent pris pour cible au Sahel – « exacerbent les ressentiments et favorisent l’expansion du GSIM », confirme le groupe de réflexion Soufan Center dans une note qui pointe « une stratégie globale visant à dégrader la confiance du public envers les forces de l’Etat ». « Il y a aussi une question de compétition du contrôle de l’espace. Le GSIM accélère les attaques pour réduire l’influence de l’EIS, qui revient sur le devant de la scène », indique Lassina Diarra à l’Agence France-Presse (AFP).

Quelles sont les ambitions des djihadistes?

Les objectifs du GSIM et de l’EIS sont différents. « L’EIS est dans un djihad global, avec la volonté d’instaurer un califat, l’application stricte de la charia, avec des approches brutales, y compris contre les populations civiles. Le GSIM a une approche plus politique », affirme Lassina Diarra. Jusqu’à pouvoir prendre une capitale, voire renverser un régime? « C’est une stratégie de conquête territoriale qui précède la prise de pouvoir dans une capitale. Et cette fois, il n’y aura pas d’intervention étrangère pour sauver l’Afrique », s’inquiète un chercheur mauritanien.

« Bamako et Ouagadougou sont ceinturées. Vu la montée en puissance de ses capacités opérationnelles, le GSIM a la possibilité d’occuper une capitale ; l’enjeu, ce sera de l’administrer. Pas sûr qu’il dispose des moyens et de l’expertise en la matière », estime Lassina Diarra. « Il faut se méfier des scénarios catastrophe. Cela reste difficile pour des groupes armés dont l’avantage principal est leur mobilité et leur capacité à bouger, à se mélanger aux populations », tempère Gilles Yabi, fondateur du groupe de réflexion ouest-africain Wathi. Selon une source militaire occidentale, au Burkina Faso, « on ne peut pas écarter un scénario à la somalienne, avec une capitale qui résiste et le reste du pays qui est hors de contrôle ».

Quelle est la réponse des Etats sahéliens?

Les juntes arrivées au pouvoir par des coups d’Etat dans les trois pays entre 2020 et 2023 sont désormais réunies dans une confédération, l’Alliance des Etats du Sahel (AES), et ont tourné le dos à la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et aux puissances occidentales engagées dans la lutte antidjihadiste. Les trois régimes communiquent rarement sur les attaques et assurent au contraire reconquérir de larges pans de territoire. « Ce qui est préoccupant et ce qui déstabilise beaucoup les militaires, c’est l’utilisation par les groupes armés de drones, qui peut réduire voire annihiler l’avantage que les armées semblaient avoir pris ces derniers mois », avance Gilles Yabi.

L’AES a annoncé en début d’année la formation d’une force conjointe de 5 000 hommes, et ses trois armées mènent des opérations ensemble. « On ne peut pas dire qu’il n’y a pas du tout de résultats, mais ils perdent beaucoup d’hommes, et c’est probablement en train de créer une inquiétude en termes de mobilisation des soldats », affirme Gilles Yabi. « Il y a un cocktail de facteurs: des pouvoirs pas très solides, des trafics en tous genres, une explosion démographique, de la désinformation sur les réseaux sociaux, le retrait de l’aide américaine », explique la source militaire occidentale, qui craint un effondrement de la région.

La menace peut-elle s’étendre aux pays côtiers?

Les parties nord du Togo et du Bénin, frontalières des pays sahéliens, sont déjà régulièrement les cibles d’incursions violentes de djihadistes. Le Bénin a des relations tendues avec le Burkina Faso et le Niger, qui l’accusent d’abriter des bases d’entraînement de djihadistes, ce que Cotonou nie. « Le fait que le Bénin n’arrive pas à parler directement avec ses voisins et a donc du mal à sécuriser ses frontières renforce son état de vulnérabilité », souligne Lassina Diarra.

Le GSIM cherche également à s’implanter au Sénégal et en Mauritanie depuis le Mali, selon une étude du Timbuktu Institute, un centre d’études basé à Dakar. Une menace prise au sérieux par le premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko, qui, lors d’une visite à Ouagadougou en mai, avait estimé qu’il était « illusoire » de penser que le djihadisme resterait cantonné au Sahel.

Source: Le Monde.fr

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