Succession de Moussa Faki Mahamat : quels sont les scénarios catastrophe à l’UA ?

Succession de Moussa Faki Mahamat : quels sont les scénarios catastrophe à l’UA ?
Succession de Moussa Faki Mahamat : quels sont les scénarios catastrophe à l’UA ?

Jeanne Le Bihan
et Olivier Caslin

Africa-Press – Burkina Faso. Samedi 15 février, un nouveau président de la Commission de l’Union africaine doit être élu par les chefs d’État du continent. L’organisation continentale s’y est préparée et tout peut arriver. Y compris qu’aucun des trois candidats ne soit élu.

Très attendue, la conférence annuelle des chefs d’État de l’Union africaine doit renouveler, les 15 et 16 février, de nombreux hauts postes, à commencer par la présidence et la vice-présidence de la Commission. Les règles de l’élection ont été refondues sous la présidence du Mauritanien Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani en 2024, afin d’empêcher tout blocage et de permettre, peu importe le résultat, le bon fonctionnement des institutions de l’organisation continentale.

Tandis que les trois candidats en lice pour remplacer Moussa Faki Mahamat placent leurs pions pour emporter la victoire, de nombreux pays membres se sont penchés, en détail, sur ces nouvelles règles, de crainte que ni le Kényan Raila Odinga, ni le Malgache Richard Randriamandrato, ni le Djiboutien Ali Mahamoud Youssouf ne soient élus. Moussa Faki Mahamat garderait-il alors son poste ? La vice-présidente ou le vice-président nouvellement élu prendrait-il l’intérim ? Et si, au terme de deux jours d’élection, le doyen des commissaires, le Zambien Albert Muchanga, devenait le nouveau président de la commission de l’Union africaine ? Moussa Faki Mahamat pourrait-il rempiler pour quelques mois de plus ?

Le 11 février, le cabinet du président a convoqué une réunion avec le pôle juridique de l’organisation pour répondre à ces questions. Elle a duré plusieurs heures. Signe que tout peut encore arriver lors de cette élection scrutée à l’international. Jeune Afrique tente d’étudier les scénarios possibles.

Scénario 1. Et si… aucun candidat n’était élu à la présidence de la Commission ?

Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani et ses équipes, notamment son ministre des Affaires étrangères, Mohamed Salem Ould Merzoug, se sont longuement penchés sur la question. La présidence de l’Union africaine a finalement tranché en faveur de candidatures par région, définies selon un ordre alphabétique anglais. En 2025, c’est donc au tour des pays d’Afrique de l’Est (Comores, Djibouti, Érythrée, Éthiopie, Kenya, Madagascar, Maurice, Rwanda, Seychelles, Somalie, Soudan, Soudan du Sud, Tanzanie et Ouganda) de présenter leurs candidats.

Trois sont en lice, soutenus activement par leurs présidents respectifs, William Ruto pour l’ancien Premier ministre Raila Odinga, Ismaïl Omar Guelleh pour son ministre des Affaires étrangères, Ali Mahamoud Youssouf, et Andry Rajoelina pour son ancien chef de la diplomatie, Richard Randriamandrato. Le premier peut compter sur le soutien de l’EAC et sur sa renommée à l’international, tandis que ses détracteurs pointent du doigt son âge – 80 ans –, ses avis tranchés et sa personnalité clivante.

Le second espère obtenir les voix des pays francophones et arabophones du continent. Il est soutenu par l’Organisation de la coopération islamique (OCI), l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) et les pays de la Ligue arabe, mais la proximité de Djibouti avec la France pourrait le pénaliser auprès de certains. Quant au Malgache, d’abord considéré comme l’outsider de la compétition, il pourrait finalement tirer parti de la lutte entre les deux favoris, après être parvenu à obtenir en dernière minute les voix de la SADC.

« Tout dépend de ce que les chefs d’État recherchent à la tête de l’organisation », commente un observateur international. Une voix forte, qui pourrait décider de taper du poing sur la table, quitte à mécontenter certains chefs d’État ? Ou un technocrate, fin diplomate et bon connaisseur des rouages de l’administration, capable de mettre en place (enfin) les réformes initiées en 2019 ? Seuls 49 des 55 États membres de l’UA pourront s’exprimer, le Gabon, la Guinée, le Soudan, le Niger, le Burkina Faso et le Mali étant suspendus. Les trois candidats s’affronteront durant trois tours, tant que l’un d’entre eux n’obtient pas les deux tiers des voix obligatoires pour être élu. Au terme du troisième tour, et si aucun candidat n’obtient le nombre de suffrages suffisants, le dernier des trois est alors éliminé.

Le pire qui pourrait arriver est un blocage. Au dernier tour, peu importe le candidat, il faudra voter pour lui.

Les deux qualifiés s’affrontent alors pour trois nouveaux rounds, tant que l’un d’eux n’a pas attiré sur son nom le nombre de votes nécessaires. Si ce n’est toujours pas le cas à l’issue du sixième tour, le second est éliminé à son tour. Le dernier candidat restant dispose alors d’un tour – le septième et dernier – pour obtenir au minimum les deux tiers qui lui garantiront la victoire. Dans le cas contraire, le scrutin est suspendu. « Le pire qui pourrait arriver est un blocage, assure le ministre des Affaires étrangères de l’un des pays membres. Au dernier tour, peu importe le candidat, il faudra voter pour lui. »

Tous suivront-ils la consigne ? D’après le code électoral de l’UA, pas question, en cas de suspension, pour le président sortant de la Commission, Moussa Faki Mahamat, de garder son poste. Même si, là encore, tout semble possible. Selon les textes, néanmoins, c’est désormais au vice-président ou à la vice-présidente élu d’assurer l’intérim le temps que de nouvelles élections soient organisées, entre six mois et un an plus tard, avant de reprendre son poste initial.

Scénario 2. Et si… la vice-présidence n’était pas pourvue non plus ?

L’incertitude qui règne pour l’élection du président de la Commission pèse tout autant sur le choix de la vice-présidence à venir, et qui sera pourvue le même jour. Six candidats sont en lice: deux Algériens, une Marocaine, une Libyenne et deux Égyptiens. L’équilibre à respecter entre les genres pousse en avant les quatre concurrentes, chacune d’une nationalité différente, et plus particulièrement l’Algérienne Selma Malika Haddadi, la Marocaine Latifa Akharbach et l’Égyptienne Hanan Morsy. Les tensions entre Alger et Rabat pourraient une nouvelle fois se faire sentir, et jouer en faveur de la concurrente du Caire.

Mais rien n’est encore décidé. Des rumeurs, vite démenties, circulaient encore au soir du 14 février, selon lesquelles le Maroc pourrait retirer sa candidature en faveur de l’Égypte. Dans un scénario où la vice-présidence serait libre, les candidats masculins auraient alors de nouveau leur chance. Mais si aucun des six prétendants n’obtenait la victoire, selon les mêmes modalités que le président, la vice-présidente sortante, la Rwandaise Monique Nsanzabaganwa, devrait-elle reprendre le 19e étage de la tour de l’UA, où est situé le bureau du président de la Commission ?

Non. Le règlement a tout prévu. Ce serait alors au doyen des commissaires d’assurer l’intérim. Il s’agit pour l’instant du Zambien Albert Muchanga, 65 ans, qui siège au Commerce et à l’industrie, toujours en poste alors qu’il a déjà achevé son mandat. Aucun des dossiers envoyés par ses éventuels successeurs ne répondaient en effet aux critères de sélection imposés par l’UA. Son poste doit donc être remis en jeu d’ici quelques semaines, lors d’une session extraordinaire annoncée pour se dérouler mi-mars.

Scénario 3. Et si… les chefs d’État décidaient de bousculer les règle ?

Face à ces multiples aléas, les chefs d’États du continent pourraient décider de reprendre la main, pour se mettre d’accord entre eux sur la façon de désigner le président de la Commission. « La décision reste toujours à la discrétion des dirigeants », explique une source au sein de l’UA. Reste à savoir s’ils peuvent arriver à se mettre d’accord sur une solution en cas de crise. Surtout que le timing est des plus serré. « Tout doit être absolument bouclé avant le Ramadan », indique notre source, sachant que la période du jeûne musulman démarre le 1er mars.

Source: JeuneAfrique

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