AFIS 2025: Mobilisation des capitaux pour la souveraineté financière

AFIS 2025: Mobilisation des capitaux pour la souveraineté financière
AFIS 2025: Mobilisation des capitaux pour la souveraineté financière

Africa-Press – Burkina Faso. Malgré une croissance économique de 3,7 % par an et des investissements directs étrangers en hausse de 75 %, l’Afrique peine à mobiliser ses ressources financières internes. L’Africa Financial Summit met l’accent sur la nécessité de lever les obstacles réglementaires et de développer les marchés financiers locaux pour atteindre une véritable souveraineté financière.

Alors que l’Afrique plaide pour une meilleure représentation sur les cartes géographiques, le paysage financier continental souffre également d’une image faussée. Certes, chaque année, le continent peine à couvrir les 100 milliards de dollars nécessaires, selon la Banque africaine de développement (BAD), pour financer les infrastructures, les énergies renouvelables, la santé et les technologies ; et l’alourdissement des endettements des États inquiète. Mais l’Afrique a les atouts pour mobiliser les financements.

Avec sa jeunesse – 70 % des Africains ont moins de 30 ans – et sa croissance économique – 3,7 % par an depuis une décennie en moyenne –, l’Afrique n’est plus une terra incognita pour les investisseurs. Les investissements directs étrangers ont augmenté de 75 % en 2024, entre autres grâce à l’arrivée des nouvelles puissances. Mais « la dépendance extérieure n’est pas une stratégie de développement efficace », avertit la BAD dans ses perspectives économiques 2025, notamment à cause d’un contexte international politique et économique très volatil.

Des investissements à relocaliser

Avec quelque 500 milliards de dollars épargnés chaque année, le continent aurait de quoi se financer lui-même. Mais moins de 10 % de cette manne sont investis au sein de ses frontières. « Nous disposons du capital, mais il ne circule pas suffisamment », a ainsi déploré, le 3 novembre, Nadia Fettah Alaoui, la ministre de l’Économie et des Finances du Maroc, lors de l’ouverture de l’Africa Financial Summit (AFIS)* qui se tient du 3 au 4 novembre à Casablanca.

« Pour libérer ce potentiel, il faut lever les obstacles: les risques de change, les incertitudes politiques, les failles des mécanismes de crédit […] Ainsi, nous passons d’un modèle « originate to hold » à un modèle « originate to distribute », où les projets sont conçus dès le départ pour créer des marchés, attirer une diversité d’investisseurs et mobiliser les capitaux privés à une échelle nouvelle, notamment par la titrisation », a proposé Makhtar Diop, directeur général de la Société financière internationale (IFC).

La souveraineté financière – thème central de cette édition de l’AFIS – passera par une meilleure utilisation des richesses internes. En 2024, le rendez-vous annuel de la finance africaine a célébré le « temps des puissances financières ». Depuis, les banques locales ont effectivement montré leur capacité d’innovation pour tendre vers cette souveraineté.

Le leader marocain, Attijariwafa Bank, a ainsi piloté, en début d’année, le rachat d’une partie d’un eurobond gabonais en une dette libellée en devise locale. Les filiales de l’ivoirien NSIA ont titrisé une partie de leurs créances, stimulant ainsi le marché secondaire en Afrique de l’Ouest francophone.

Les banques sud-africaines, leaders du secteur, regardent de plus en plus hors de leur pré carré austral: le Kenya et l’Éthiopie, dont le secteur bancaire vient de s’ouvrir aux étrangers, sont des cibles prioritaires. L’offre financière de ces établissements de crédit, la plus avancée du continent, devrait donc faire fructifier ces capitaux, jusqu’ici dormant.

Mais le panel d’ouverture centré sur les moyens de mobilisation du financement pour une meilleure utilisation du capital a listé les obstacles qui restent à franchir: fragmentation des réglementations, coût du risque ou encore manque d’interopérabilité entre les différentes institutions financières.

Changement de mentalité

Les banquiers Jeremy Awori, directeur général du groupe Ecobank, et Aigboje Aig-Imoukhuede, président d’Access Holdings and Coronation Group, ont plaidé pour un changement de mentalité afin de mieux utiliser ce capital. Prenant l’exemple du Japon de l’après Seconde Guerre mondiale, le Nigérian a suggéré que cet argent soit proposé « aux secteurs productifs, et pas seulement au secteur public ». Le dirigeant de la banque panafricaine a, lui, expliqué que les grands travaux structurants avaient besoin de financements à long terme. Or les banques continentales sont, à son goût, encore trop formatées à gérer des obligations à court terme.

Le Maroc, qui vient de récupérer son statut d’Investment Grade (« titres investissables ») délivré par l’agence de notation Standard & Poor’s, montre une nouvelle voie. La création cette année d’un marché dérivé doit accélérer « la conversion de notre épargne en leviers de développement », selon Nadia Fettah Alaoui. Le centre financier Casablanca Finance City (CFC) attire autant les investisseurs européens traditionnels que les nouveaux acteurs venus de l’Est: Saudi Exim Bank, la banque d’import-export saoudienne, vient ainsi de prendre ses quartiers à CFC.

L’un des défis immédiats de l’Afrique est notamment de convaincre les fonds de pension et les fonds souverains de soutenir la croissance des économies locales. En Afrique du Sud, ils pèsent près de 160 % du PIB. Dans les marchés émergents comme le Nigeria ou le Kenya, ces fonds atteignent respectivement 42 milliards et 15 milliards de dollars et connaissent une croissance rapide. Cependant, les répercussions de ces fonds sur l’investissement sur le continent restent insuffisantes. Et le temps presse.

« L’urgence est réelle, insiste Makhtar Diop. Plus de 300 millions de jeunes africains arriveront sur le marché du travail dans la prochaine décennie. Créer des emplois, mobiliser l’épargne locale et attirer les capitaux internationaux ne sont pas seulement des impératifs économiques, ce sont des besoins sociaux pressants. »

(*) L’Africa Financial Summit est organisé par Jeune Afrique Media Group, en partenariat avec la Société financière internationale (IFC), membre du Groupe de la Banque mondiale, et avec le soutien du Maroc.

Source: JeuneAfrique

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