Blanchi en Inde, le groupe Adani reprend du service en Afrique

Blanchi en Inde, le groupe Adani reprend du service en Afrique
Blanchi en Inde, le groupe Adani reprend du service en Afrique

Olivier Caslin

Africa-Press – Burkina Faso. Malgré des pertes abyssales en 2023, le magnat indien Gautam Adani revient sur le devant de la scène. Mais, s’il a mis la main sur les terminaux à conteneurs du port de Dar es-Salaam, il reste dans le viseur de la justice américaine.

Les soupçons de corruption – très active – et de fraudes – massives – dont il fait l’objet depuis un an n’empêchent nullement Gautam Adani de poursuivre ses affaires en Tanzanie. Au début de février, le magnat indien s’est offert l’un des deux terminaux à conteneurs du port de Dar es-Salaam, réalisant ainsi sa première acquisition d’envergure depuis la publication, par le hedge fund américain Hindenburg Research, d’une étude dont le titre (« Adani Group: la plus grande escroquerie de l’histoire des affaires »), avait, le 13 février 2023, fait souffler un vent de panique sur la bourse de Bombay. La journée s’était soldée par une perte sèche de 104 milliards de dollars pour le conglomérat Adani et donc pour son fondateur, alors la deuxième fortune mondiale après Elon Musk.

Gautam Adani, première fortune d’Asie

Depuis décembre dernier, le géant aux dix filiales cotées, présentes dans le secteur de l’énergie, de l’agroalimentaire, des infrastructures ou encore des médias reprend des couleurs à mesure que la réputation de son patron est réhabilitée dans son pays.

Après que le procureur fédéral indien les a qualifiées de « peu crédibles », les accusations de Hindenburg Research ont vite été classées sans suite par le Securities and Exchange Board of India (Sebi). Au début de janvier 2024, la Cour suprême indienne a rejeté toute requête visant à élargir l’enquête, ce qui a été perçu comme un signal par les investisseurs locaux, qui se sont précipités sur les titres Adani.

Plus de peur que de mal, donc, pour le groupe, qui a engrangé près de 8 milliards de dollars en quelques semaines, ce qui a, au passage, permis à Gautam Adani de redevenir, à 61 ans, la personnalité la plus riche d’Asie.

Du port de Haïfa à celui de Dar es-Salaam

Même s’il se sait toujours dans le viseur de la justice américaine, cet homme d’affaires très proche du Premier ministre indien Narendra Modi retrouve donc le chemin et les moyens de ses ambitions. Gautam Adani reprend l’ouvrage là où il l’avait laissé: il poursuit le développement de ses activités dans le secteur portuaire en général et en Tanzanie en particulier. En janvier 2023, son groupe débarquait à Haïfa pour se charger de la rénovation du premier port commercial d’Israël et de la gestion de ses terminaux. Quelques jours plus tard, les autorités portuaires tanzaniennes lui confiaient la manutention de quatre quais à conteneurs à Dar es-Salaam.

Un an plus tard, le rachat, annoncé le 9 février, de Tanzania International Container Terminal Services (TICTS) par East Africa Gateway (l’une des nombreuses sociétés rattachées à la filiale Adani Ports & Special Economic Zone, l’APSEZ) ressemble fort à un retour aux affaires du milliardaire indien, avec l’opacité qui semble le caractériser. Le montant de l’opération n’a toujours pas été divulgué, et le dossier est toujours entre les mains de la Commission tanzanienne chargée de la concurrence. Du côté des autorités portuaires de Dar es-Salaam, le discours est le même qu’en février 2023, une fois le rapport Hindenburg publié: « Nous n’avons aucune raison de ne pas leur faire confiance ».

Si elle se concrétisait, cette opération clôturerait le long feuilleton de la privatisation des terminaux de Dar es-Salaam, par lesquels transitent, chaque année, 85% des échanges commerciaux conteneurisés du pays.

Décidées à moderniser les installations et les services d’un port essentiellement connu pour ses insuffisances en la matière, et alors que le trafic avec l’Asie, tant à l’export qu’à l’import, promet de connaître un développement exponentiel, les responsables de la Tanzania Port Authority (TPA) se sont fait violence pour confier les opérations portuaires au secteur privé. Après avoir exploité les quais pendant plus de vingt ans avec le hongkongais Hutchison Ports, les autorités portuaires tanzaniennes ont accordé, l’an dernier et après de longues hésitations, la gestion directe de quatre terminaux à conteneurs au dubaïote DP World avant de confier le reste à Gautam Adani.

Objectif: damer le pion à Mombasa

L’industriel indien arrive avec un autre émirati. En 2022, l’APSEZ et Abu Dhabi Ports ont en effet créé l’entité Africa Gateway pour réaliser « des investissements conjoints dans les infrastructures stratégiques en Tanzanie ». Dodoma ne trouve rien à redire à un tel partenariat, grâce auquel Dar es-Salaam pourrait damer le pion à Mombasa, son concurrent kényan, et s’imposer comme la voie d’accès privilégiée au continent depuis sa façade orientale.

Les responsables de l’APSEZ tablent sur un trafic annuel de 30 millions de tonnes (Mt) de marchandises à l’horizon 2030, contre un peu plus de 20 Mt actuellement. Simultanément, les activités du port de Mombasa, pénalisées par son engorgement quasi permanent, sont passées de 37 Mt avant la pandémie de Covid-19 à 34 Mt en 2022.

Gautam Adani serait le premier à approuver un tel scénario, dont il pourrait être un acteur à part entière, ses filiales étant en mesure de doper à elles-seules les échanges commerciaux avec le sous-continent indien. Avec cette opération, l’homme d’affaires gagne également en notoriété dans le secteur portuaire. Il doit encore y faire ses preuves. Avant d’obtenir le marché de la rénovation du port israélien de Haïfa, son unique contrat, d’un montant de 650 millions de dollars, avait porté sur la concession du port de Colombo (Sri Lanka) et sur la construction d’un terminal à conteneurs. Taillé pour traiter 1 million de boîtes par an, il doit débuter ses activités d’ici à la fin de cette année.

Source: JeuneAfrique

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