Quentin Velluet
Africa-Press – Burkina Faso. Ces trois dernières années, un secteur africain de gestionnaires et constructeurs de datacenters s’est développé sur le continent. Toutefois, il pourrait rapidement être absorbé par les géants mondiaux spécialisés dans le domaine aux capacités financières très importantes, comme Equinix et Digital Realty.
C’est un symbole supplémentaire de la prise de contrôle du secteur par des entreprises américaines. Fin septembre, MDXi, branche du champion ouest-africain des datacenters neutres MainOne, fondé en 2015 par Funke Opeke, a entériné son changement de nom pour adopter celui de son nouveau propriétaire depuis 2021, le géant américain Equinix.
Plus de 13 000 employés dans 30 pays dont 4 africains ; une capitalisation à la Bourse de New York de près de 83 milliards de dollars ; un chiffre d’affaires 2024 anticipé à 8,7 milliards de dollars pour un résultat net de 1,1 milliard de dollars… Avec son grand rival Digital Realty, qui a racheté le numéro un africain Teraco en août 2022, Equinix, opérateur de 248 centres de données dans le monde, est un géant du secteur.
Le groupe, dirigé par Adaire Fox-Martin, compte dans son portefeuille de clients tous les grands noms de la tech mondiale, mais aussi ceux de la banque, de l’assurance et de nombreux autres secteurs en demande de stockage et de gestion de milliards de données.
Une progression éclair à coup de millions de dollars
Il y a encore trois ans, le groupe était totalement absent du continent africain. Mais grâce à sa force de frappe financière, il s’est rapidement emparé d’acteurs de taille, comme MainOne, et ne semble pas vouloir s’arrêter en si bon chemin. En février dernier, Equinix a annoncé vouloir investir 390 millions de dollars sur le continent pour les cinq prochaines années. Cette somme sera toutefois prioritairement allouée à l’agrandissement et au renforcement des infrastructures déjà existantes.
Avec Africa Data Centres, filiale de Cassava Technologies et seul acteur africain à même de rivaliser pour l’instant avec Equinix et Digital Realty, un oligopole majoritairement américain est donc en train de se constituer sur le marché africain. « Ces acteurs n’ont pas fini de se développer et vont racheter d’autres infrastructures, car l’Afrique est la dernière frontière de croissance pour eux », analyse un vétéran de l’industrie.
Ainsi s’intéressent-ils désormais aux acteurs à l’implantation régionale comme Raxio Group, Paix (opérateur panafricain financé par Africa50 et la coopération hollandaise), Dataconnect Africa (filiale du groupe New Digital Africa), Open Access Data Centres (OADC), filiale du consortium technologique mauricien WIOCC. Mais ces groupes sont-ils seulement en vente ? « Raxio est en vente depuis au moins un an. Les autres ne le crient pas sur les toits, mais ne sont pas insensibles aux approches des grands », assure une ex-dirigeante de l’un des mastodontes américains du secteur.
Pour Raxio, lui aussi américain, dont la stratégie consiste à s’installer dans des pays encore peu convoités par les géants du secteur en prévision d’une demande à venir – comme en Côte d’Ivoire, où il a inauguré fin septembre l’extension de son datacenter d’une capacité électrique de 3 mégawatts desservis aux clients –, l’objectif a toujours été purement financier.
« Entre 2018 et 2021, les taux d’intérêt étaient très peu élevés, ce qui a incité de nombreux opérateurs à construire des datacenters compris entre 25 et 100 millions de dollars, analyse notre experte. Récemment, les taux ayant explosé ainsi que les coûts de fonctionnement et ceux des matériaux, ces opérateurs sont obligés de rembourser leurs emprunts, donc parfois de revendre afin de récupérer une marge », résume-t-elle.
Le calme avant les rachats
Mais pour l’heure, rien ne bouge sur le front de la consolidation. « Les grands opérateurs de datacenters sont dans une période de transition », assure notre ex-dirigeant Soumis au bon vouloir des « hyperscaler », ces grandes entreprises de la tech, gourmandes et exigeantes en matière de qualité et de capacité de stockage, ont depuis deux ans revu leurs ambitions d’expansion africaine à la baisse, trop occupées à investir massivement dans l’énergie en vue d’entraîner leurs modèles.
« Le calme n’est qu’apparent. Ce qui est sûr, c’est que, lorsque les choses vont se débloquer, le boum sera double, puisque la demande en termes de cloud sera couplée à celle de l’intelligence artificielle », prédit notre ex-dirigeant du secteur. Amazon a commencé à lui donner raison en septembre, quand le groupe fondé par Jeff Bezos a annoncé vouloir injecter 1,7 milliard de dollars dans le développement du cloud et de l’intelligence artificielle en Afrique. En 2023, le cabinet spécialisé Xalam Analytics estimait à 1 000 mégawatts les besoins en capacité électrique du secteur africain d’ici à 2025. Et, même si elles ne seront pas atteintes dans les délais prévus pour les raisons précédemment évoquées, ces perspectives devraient néanmoins être revues à la hausse pour les cinq prochaines années, anticipent nos interlocuteurs.
Source: JeuneAfrique
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