Africa-Press – Burkina Faso. Sous le soleil des régions des Kuilsé, du Nakambé et du Nazinon, 2 000 jeunes VDP agricoles mettent leurs mains et leur savoir au service de la terre. Diplômés ou cultivateurs, ils partagent une même ambition: nourrir le Burkina Faso et honorer l’idéal d’autosuffisance alimentaire rêvé par le Capitaine Thomas Sankara. Chaque semis, chaque pousse, chaque récolte témoigne de leur engagement et de leur patriotisme.
À Noungou, un canton situé derrière le fleuve Nakambé, à environ 27 kilomètres de Korsimoro, dans la province du Sanmatenga (anciennement Kaya), au cœur de la région des Kuilsé (ex-Centre-Nord), le soleil tape fort, autour de 36 °C. Sous cette chaleur accablante, de jeunes VDP agricoles s’activent à la cueillette du gombo.
Pour garder le moral, ils revisitent la playlist des chansons apprises à Badnogo, à la sortie Est de Ouagadougou, lors de leur formation aux techniques agronomiques modernes et à l’éducation civique.
Au sein du groupe composé de jeunes hommes, de jeunes filles et de jeunes femmes, un profil particulier attire l’attention: celui d’Abdourahim Tiraongo. Vêtu, comme ses camarades, d’un survêtement et d’un t-shirt vert estampillés Initiative présidentielle pour la production agricole et l’autosuffisance alimentaire (IP-P3A), l’une des six Initiatives présidentielles (IP) portées par le Bureau national des grands projets du Burkina (BN-GPB), et ornés du portrait du Capitaine Ibrahim Traoré, il se fond dans la masse.
Pourtant, son parcours intrigue. Déjà titulaire d’une licence, il prépare une seconde tout en suivant, en parallèle, des cours de master en ligne. Diantre ! Que vient-il faire ici? La question nous brûle les lèvres. Curieux, nous la lui posons.
Abdourahim raconte que son retour à la terre est né d’un témoignage du Capitaine Ibrahim Traoré, en 2022, au moment de sa prise de pouvoir: celui d’un Burkina où certains se nourrissaient de feuilles pour survivre. Ce récit, dit-il, a été pour lui un électrochoc.
« C’est à partir de ce moment que j’ai pris la décision d’abandonner mes études d’ingéniorat pour me consacrer à la terre. Je veux relever le défi de l’autosuffisance alimentaire à travers l’agriculture et l’élevage », confie-t-il avec conviction.
Et d’ajouter, le regard fier: « En faisant cette production, je pense qu’on va y arriver ; et on va y arriver ». Son vœu le plus cher: Que les agriculteurs et les éleveurs soient, un jour, comptés parmi les plus riches du Burkina Faso. En somme, il aspire à revaloriser la fonction d’agriculteur et d’éleveur au pays des Hommes intègres.
« Ici, nous cultivons du riz et du gombo sur une superficie de quatre hectares, soit deux hectares pour chaque spéculation. Nous sommes en pleine récolte et les résultats sont appréciables. Nous pensons atteindre cinq tonnes à l’hectare. La variété de riz que nous exploitons, c’est le FK-19. Nous sommes satisfaits de notre travail », déclare-t-il, tout souriant. De cette initiative présidentielle, Abdourahim retient de nombreux avantages.
Au-delà des bons rendements, il souligne surtout l’esprit d’équipe qui s’est créé entre les jeunes. « Travailler ensemble nous a permis de renforcer nos liens et de devenir une véritable famille. Tout cela contribue à consolider le vivre-ensemble et la cohésion sociale, qui sont le socle même d’une nation unie », confie-t-il.
Avant de vaquer à ses occupations, il exprime sa reconnaissance: « Nous profitons de cette occasion pour féliciter et remercier le camarade Capitaine Ibrahim Traoré, Président du Faso, pour cette initiative ».
Naaba Sanem, chef de Foulla et premier vice-président de la délégation spéciale de la commune de Korsimoro, explique que la délégation, sous la supervision du président de la délégation spéciale (PDS), s’est mobilisée pour mettre à la disposition des VDP agricoles les espaces cultivables nécessaires.
« À leur retour de formation, nous avons accueilli les VDP avec joie. Ils nous ont prouvé qu’ils ont été bien formés, non seulement sur le plan agricole, mais aussi sur le plan militaire. Nous les avons accompagnés dans la mesure de nos moyens », déclare-t-il.
Dans le village de Simba, situé à 15 kilomètres d’Andemtenga, dans la province du Kouritenga (région du Nakambé), huit hectares ont été emblavés: cinq hectares consacrés au niébé IT-90, et le reste partagé entre le gombo et le sésame S-42. « Nos récoltes se présentent bien », confie Alain Kaboré, VDP agricole de la commune.
Wahab Sawadogo, préfet et président de la délégation spéciale (PDS) de la commune d’Andemtenga, indique avoir accompagné les jeunes, notamment dans l’attribution des terres cultivables et à travers des conseils pratiques.
« Aujourd’hui, en arrivant sur le terrain, nous avons vu des jeunes motivés, déterminés à soutenir cette initiative. C’est une initiative qui vise la souveraineté alimentaire de notre pays et, surtout, à réduire les importations », reconnaît-il.
À Tiakané, à une vingtaine de kilomètres de la commune de Pô, Viviane Ahibroubou, VDP agricole, et ses camarades sont en pleine récolte du niébé lorsque nous arrivons sur leurs sites. Le périmètre consacré à cette culture s’étend sur environ trois hectares. Un autre site, situé non loin de là, couvre deux hectares et est dédié à la culture du maïs.
« Sur le terrain, quand on arrive, c’est le travail. Chacun donne le meilleur de lui-même », explique Viviane, avant de préciser que leur équipe bénéficie du soutien du chef ZAT (Chef de la Zone d’Appui Technique). Elle ajoute que le Bureau national des grands projets du Burkina (BN-GPB) les a accompagnés en facilitant le labour des sites à l’aide de tracteurs, et en les dotant de semoirs et d’engrais.
Daouda Sawadogo, chef ZAT en agriculture de Pô, est l’un des principaux acteurs ayant contribué à ces résultats. Selon lui, la collaboration avec les jeunes a principalement consisté en un appui-conseil pour toutes les opérations culturales. « Chaque semaine, qu’ils soient présents ou non, je passais sur le terrain. Nous sommes satisfaits du résultat », ajoute-t-il.
Un autre acteur majeur de cette réussite dans la commune de Pô est Ilassa Dianda, préfet et président de la délégation spéciale (PDS) de la commune. Depuis le retour des jeunes de leur formation, le PDS assure avoir été en contact constant avec eux pour les encourager et les accompagner. « Au regard de ce que nous avons constaté, on ne peut que dire que l’initiative est une réussite à notre niveau. Ces VDP agricoles se sont vraiment engagés », conclut-il.
À environ 35 kilomètres de Pô, se trouve le village de Bouassan, dans la commune de Guiaro. Là-bas, Harouna Nébié, VDP agricole, et son équipe cultivent un champ de maïs et de haricots couvrant 5,2 hectares. La récolte est imminente.
« Nous espérons de bonnes récoltes, car les graines se présentent bien. Sur ces cinq hectares, nous pouvons espérer entre 15 et 20 tonnes. C’est en partie grâce à l’appui du BN-GPB, notamment à travers la formation que nous avons reçue, les intrants, les semences et les pulvérisateurs… Nous les remercions », explique Harouna Nebié.
Pour sa part, Monique Bazié, préfet et président de la délégation spéciale (PDS) de la commune de Guiaro, salue l’engagement des VDP de sa localité et exprime l’espoir de récoltes prometteuses.
Contrairement à d’autres sites, ceux de Gogo (province du Zoundwéogo, Manga) et de Tiébélé (province du Nahouri, Pô), dans la région du Nazinon, ne produiront pas uniquement pour la consommation des populations. Les récoltes y sont destinées à fournir des semences pour les saisons à venir. À Gogo, ce sont 2 tonnes de semences de gombo et de niébé (variété Wari) qui sont attendues, selon Roméo Simporé, VDP agricole de la commune.
À Tiébélé, plus précisément dans le village de Badabiè, situé à environ 18 kilomètres de la commune, les récoltes avancent sur six hectares de niébé (variété Komcallé). Selon Akitè Souleymane Goribié, VDP agricole, ils ont déjà effectué six cueillettes depuis le début de la saison. Emile Gué, Préfet, PDS de la commune de Tiébélé, apprécie positivement le travail des VDP agricoles de sa localité.
Il dit attendre d’eux qu’ils puissent vulgariser leurs connaissances à l’endroit des autres jeunes de la commune qui n’ont pas eu l’opportunité de participer à la formation ayant précédé la mise en pratique sur les terres cultivables. « Pour une première expérience, on très satisfaits de ce qu’ils ont pu faire sur le terrain », déclare-t-il.
Sur le site de Zilla, à Manga, les VDP ont cultivé du gombo et du niébé sur 1,5 hectare. Kiswendsida Armand Nana, VDP agricole, se dit peu satisfait de cette performance et incrimine les animaux en pâture.
Comme ce site, selon les VDP agricoles, tous les sites visités par le BN-GPB lors de cette mission de suivi de l’IP-P3A rencontrent des difficultés. Celles-ci concernent notamment le pâturage des animaux, l’éloignement des sites et leur emplacement.
Malgré ces obstacles, ils restent confiants. « Ces difficultés ne doivent pas freiner la belle dynamique de l’initiative », affirment-ils. Ils attendent cependant toujours la concrétisation des promesses du BN-GPB formulées lors de leur formation, notamment la dotation des sites en forages et en grillages de protection.
À travers le Burkina Faso, de Noungou à Zilla, ces jeunes VDP agricoles tracent ainsi leur sillon, entre sueur, terre et détermination. Chaque semis, chaque récolte, chaque conseil partagé témoigne d’un engagement profond: celui de bâtir un pays capable de se nourrir par ses propres forces.
Malgré les défis ; animaux en pâture, éloignement des sites, promesses à concrétiser ; la flamme de l’autosuffisance alimentaire brûle dans le cœur de ces jeunes. Et si le pays des Hommes intègres rêve d’indépendance alimentaire, ce sont eux qui, au fil des saisons, sèment les premières graines de cet idéal.
Tambi Serge Pacôme ZONGO
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