comprendre ce qui se joue à Djibo, « ville martyre » sous blocus jihadiste

comprendre ce qui se joue à Djibo, « ville martyre » sous blocus jihadiste
comprendre ce qui se joue à Djibo, « ville martyre » sous blocus jihadiste

Africa-Press – Burkina Faso. Déjà tristement célèbre pour avoir été le foyer de l’expansion jihadiste dans le pays, Djibo vit une crise humanitaire sans précédent. Assiégée par les groupes terroristes depuis le mois de février, cette localité de la province du Soum, située à moins de 50 kilomètres de la frontière malienne, compte 350 000 habitants – dont une grande majorité de déplacés – qui manquent de tout, l’acheminement de vivres y étant extrêmement difficile.

Voilà plus de sept mois que la ville, carrefour économique qui accueillit l’un des plus grands marchés de bétail de la région, est asphyxiée par l’embargo imposé par les hommes du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM ou JNIM), filière sahélienne d’Al-Qaïda. Tandis que les paysans n’ont plus le droit d’aller cultiver leurs terres, les marchandises ne parviennent plus que sporadiquement dans la cité et sont pour la plupart pillées.

Des routes minées
L’acheminement par voie terrestre, quand il est encore possible, est devenu trop dangereux, explique Rida Lyammouri, spécialiste du Sahel au sein du think-tank marocain Policy Center for the New South (PCNS). « Les ponts qui mènent à Djibo ont été détruits par les groupes armés, poursuit-il. Les routes sont minées et, quand les véhicules ne sautent pas sur un engin explosif, ils risquent l’embuscade. »

Eau, céréales, huile, médicaments, électricité… Alors que les pénuries se multiplient, l’espoir renaît en avril dernier, à la faveur de pourparlers avec les groupes armés. Une respiration qui n’est que de courte durée. En mai, des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), supplétifs de l’armée burkinabè, attaquent des civils considérés comme des collaborateurs des jihadistes. À peine levé, le blocus est réinstauré. « Le JNIM a alors pris le contrôle exclusif de l’axe Bourzanga-Djibo [tronçon nord de la route qui relie la ville à Ouagadougou, à 200 kilomètres plus au sud], en attaquant notamment les détachements militaires de Pobé-Mengao et de Gaskindé », précise Rida Lyammouri.

Avant la chute de Paul-Henri Sandaogo Damiba, contraint à la démission à l’issue d’un putsch, le 2 octobre dernier, les autorités burkinabè avaient mis en place des convois « sécurisés », placés sous escorte militaire. Mais le 26 septembre, l’un d’entre eux a été attaqué à proximité de la localité de Gaskindé, à environ 25 kilomètres au sud de Djibo. L’assaut, qui sera par la suite revendiqué par le JNIM, fait 27 morts dans les rangs de l’armée. Une cinquantaine de civils sont également portés disparus. Les camions de marchandises sont incendiés et pillés, ce qui aggrave la situation – déjà critique – des habitants de Djibo.

Détonateur du putsch
Pour certains observateurs, la situation de Djibo et les lourdes pertes infligées à l’armée lors de l’attaque de Gaskindé ont fait office de détonateur et poussé le capitaine Ibrahim Traoré, tombeur de Damiba, et ses hommes à passer à l’action. Moins de neuf mois plus tôt, une situation sécuritaire désastreuse et une terrible attaque – celle d’Inata – avait déjà mené, par ricochet, à la chute de Roch Marc Christian Kaboré. Annonçant sa démission dimanche, Damiba a d’ailleurs reconnu son impuissance face à la dégradation de la situation.

Le 4 octobre, plus de 70 tonnes de vivres et de produits de première nécessité ont tout de même pu être livrées par voie aérienne aux habitants de Djibo. « Il a fallu l’intervention d’hélicoptères militaires, et cela a certainement aidé. Mais c’est loin d’être suffisant pour faire face à la situation. Il faudra ravitailler Djibo en grande quantité si l’on veut éviter un désastre humanitaire », tranche le chercheur Rida Lyammouri. Pour cela, la route reste l’option la plus évidente. Mais encore faut-il pouvoir prévenir les attaques et trouver des transporteurs qui acceptent de s’aventurer sur la N22, désormais surnommée « l’axe de la mort ».

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