Révolution en cosmologie : selon l’instrument DESI, l’énergie noire ne serait pas une constante et cela change tout !

Révolution en cosmologie : selon l'instrument DESI, l'énergie noire ne serait pas une constante et cela change tout !
Révolution en cosmologie : selon l'instrument DESI, l'énergie noire ne serait pas une constante et cela change tout !

Africa-Press – Burkina Faso. La cosmologie est-elle à l’aube d’une révolution ? Les résultats de la collaboration DESI (Dark Energy Spectroscopic Instrument), publiés le 19 mercredi mars 2025 sur le site ArXiv, donne envie d’y croire… Ce deuxième lot de données (DR2) confirme une tendance déjà observée en avril 2024: l’énergie noire, responsable de l’accélération de l’expansion cosmique, ne serait pas une constante, mais une force en évolution. « Ce que nous avions détecté il y a un an maintenant est confirmé avec presque trois fois plus de mesures (14 millions de galaxies contre 6 millions en 2024, ndlr), s’enthousiasme auprès de Sciences et Avenir Nathalie Palanque-Delabrouille, astrophysicienne et porte-parole de la collaboration DESI de 2018 à 2024. Il ne s’agit pas d’un simple effet statistique. L’énergie noire semble bel et bien évoluer dans le temps, ce qui constitue un changement majeur de paradigme en cosmologie. »

La tendance annoncée par les chercheurs peut être considérée comme très solide, puisque l’équipe évoque une panoplie de résultats allant de 3,1 sigma (0,14 % de chance que ce soit une erreur statistique) à 4,2 sigma (0,003%). L’énergie noire serait donc quelque chose de « dynamique ». Un résultat qui pourrait aussi débloquer une autre énigme tenace du cosmos comme la masse des neutrinos, et apporter de nouveaux éléments sur la constante de Hubble qui mesure l’expansion de l’Univers, et dont la valeur fait débat.

Une énergie noire plus « forte » par le passé qu’aujourd’hui

DESI est un instrument installé sur le Kitt Peak en Arizona et opérationnel depuis mai 2021. Son objectif final est de répertorier 40 millions de galaxies situées entre 1 milliard et 12 milliards d’années-lumière de nous. De quoi constituer la carte la plus précise de l’Univers, de sa composition, et de son évolution. Or, justement, l’Univers est en expansion accélérée, un phénomène découvert en 1998 et attribué à cette mystérieuse force qualifiée faute de mieux d’ »énergie noire ». Jusqu’à présent, les observations semblaient compatibles avec une interprétation simple: cette énergie serait une constante cosmologique, une propriété intrinsèque de l’espace-temps, une pression du vide répulsive et répartie de manière uniforme. Les nouveaux résultats du projet DESI bouleversent cette vision… Ils s’appuient sur l’étude des oscillations acoustiques des baryons (BAO), un phénomène moins complexe que ne le suggère son nom.

« Les BAO sont le résultat d’ondes de pression qui ont parcouru l’Univers primordial avant que la lumière puisse s’en échapper, 380.000 ans après le Big Bang (cette première lumière constitue le fond diffus cosmologique, ndlr), explique Nathalie Palanque-Delabrouille. Ces ondes ont créé des endroits plus denses en matière et énergie que d’autres. Cela a constitué une empreinte caractéristique dans la distribution des galaxies que nous pouvons encore observer aujourd’hui. »

En effet, l’écart qui sépare les amas de galaxies, environ 450 millions d’années-lumière, est la conséquence directe de ces inhomogénéités qui ont grandi avec lui. « Les BAO n’évoluent que sous l’effet de l’expansion de l’Univers, renchérit l’astrophysicienne. En les mesurant à différentes époques, nous retraçons la manière dont l’Univers s’est dilaté. Cela en fait l’un des outils les plus puissants dont disposent les cosmologistes pour mesurer l’expansion de l’Univers et contraindre la nature de l’énergie noire. Grâce à DESI, nous avons la capacité de le faire avec une précision inégalée. » Les mesures révélées le mercredi 19 mars 2025 indiquent donc que l’action de l’énergie noire apparaîtrait plus forte par le passé qu’aujourd’hui. Elle n’est donc pas une constante…

Plusieurs hypothèses à l’étude pour déterminer sa nature

Alors, qu’est-elle ? La question est d’autant plus cruciale que DESI fermerait la porte à des théories excluant l’énergie noire. Dans ce cas, l’accélération de l’expansion de l’Univers pourrait s’expliquer par une modification des lois de la gravitation, sans recourir à une mystérieuse énergie. Pour tester cette hypothèse, DESI a étudié en détails la manière dont les galaxies se regroupent sous l’effet de la gravité, un phénomène connu sous le nom de « clustering ». Et jusqu’à présent, aucune anomalie n’a été détectée: la gravité semble bien suivre les prévisions de la relativité générale d’Einstein, même à des échelles colossales de plusieurs milliards d’années-lumière.

« Nos données confirment que la gravité fonctionne comme prévu, ce qui renforce l’idée que l’accélération de l’expansion est bel et bien due à une composante énergétique supplémentaire [l’énergie noire] », conclut la chercheuse. Si l’énergie noire n’est pas une constante cosmologique, ni une illusion due à la gravitation, il faut envisager d’autres hypothèses qui sont sur la table depuis des années déjà. L’une des plus étudiées est la quintessence, qui suppose que l’énergie noire est portée par un champ scalaire dynamique. Ce concept délicat revient à considérer que les particules se trouvent uniquement sous la forme d’un champ d’énergie. C’est un peu comme lorsque vous versez des gouttes d’eau dans un verre: elles cessent d’exister sous la forme de gouttes pour se diluer dans le contenu du verre, constituant « un champ de gouttes d’eau ».

L’avantage de la théorie des champs, c’est que l’on peut trouver des configurations où la pression exercée par le champ est effectivement répulsive, une caractéristique fondamentale de l’énergie noire. Par ailleurs, ces champs scalaires existent: le fameux boson de Higgs par exemple, responsable de la masse des particules, est la particule associée au champ scalaire de Higgs. Mais il reste à trouver quel est le champ responsable de l’énergie noire… « Ce que nous voyons, c’est que l’énergie noire semble évoluer de manière assez marquée, ce qui pose un problème pour certains modèles de quintessence classiques », souligne Nathalie Palanque-Delabrouille.

Masse des neutrinos, constante de Hubble: ces mystères qui pourraient s’éclaircir

Cette énergie noire changeante pourrait aussi avoir un impact sur la constante de Hubble, qui mesure le taux d’expansion de l’Univers. « Nos résultats sont une piste prometteuse pour comprendre pourquoi les différentes méthodes de mesure de la constante de Hubble ne s’accordent pas parfaitement », précise la chercheuse. DESI montre que dans le cadre d’un modèle d’énergie noire statique (constante cosmologique), l’évaluation de la constante de Hubble varie selon les sondes exploitées, ce qui pourrait expliquer en partie un désaccord entre les mesures de l’expansion obtenues à partir du fond diffus cosmologique, 380.000 ans après le Big Bang, et celles issues de l’observation des galaxies bien plus proches de nous dans l’espace et le temps.

Autre énigme de la physique concernée par les résultats de DESI: la masse des neutrinos, ces particules élémentaires qui interfèrent peu avec la matière, et dont la masse exacte, très faible, demeure inconnue. DESI établit une limite supérieure encore plus contraignante que les précédentes: la somme des masses des neutrinos doit être inférieure à 0,064 eV/c2 si l’on suppose une énergie noire sous la forme d’une constante cosmologique. Or, on sait par d’autres méthodes que cette masse ne peut pas être inférieure à 0,059 eV/c2.

« L’intervalle [0,005 eV/c2] se réduit beaucoup et cela attire inévitablement l’attention, remarque Nathalie Palanque-Delabrouille. Les neutrinos n’ont plus beaucoup d’espace pour exister, cela exclut même certains modèles. Or, si l’on considère une énergie noire dynamique, nous trouvons cette fois une limite supérieure de 0,16 eV/c2. Hubble, neutrinos… C’est comme si l’hypothèse d’une énergie noire dynamique permettait à différentes pièces d’un puzzle de se mettre en place. » La mission, qui doit encore collecter des données jusqu’en 2026, voire 2028 si la prolongation est validée, prévoit d’atteindre un total de plus de 40 millions de galaxies et quasars observés.

De quoi affiner encore les contraintes sur l’énergie noire et la structure de l’Univers. Parallèlement, d’autres expériences comme la mission spatiale Euclid, qui a récemment commencé ses observations, viendront compléter ces résultats et offrir une vision encore plus détaillée de l’histoire cosmique. « Nous atteignons une précision inégalée en cosmologie. Cela nous permet de tester des modèles avec un niveau de détails jamais atteint. Et ce n’est que le début… », conclut, impatiente, Nathalie Palanque-Delabrouille

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