La leçon de démocratie du Burkina Faso

[Tribune] La leçon de démocratie du Burkina Faso
[Tribune] La leçon de démocratie du Burkina Faso

Africa-PressBurkina Faso. Au Burkina Faso, les scrutins présidentiel et législatif du 22 novembre et la proclamation des résultats se sont déroulés dans un climat apaisé. Un épisode qui suscite l’espoir en Afrique de l’Ouest.

Des candidats qui ont sillonné le pays pour battre campagne, sans autre entrave que celles imposées par le contexte sécuritaire. Une campagne électorale qui n’a connu aucune invective ni propos haineux ou désobligeants de la part des candidats, le tout dans une ambiance de respect mutuel. Un scrutin qui a certes présenté des insuffisances logistiques, mais qui n’a quasiment enregistré aucune violence ni brutalité.

Des opposants – au nombre de douze – qui, l’un après l’autre, ont reconnu la victoire du président sortant et qui ont signé une déclaration dans laquelle ils se sont engagés, au nom de l’intérêt supérieur de la nation, à renoncer à toute contestation. Un chef d’État réélu dès le premier tour et dont les premiers mots ont été pour ses concurrents, qu’il a salués et invités à se rassembler pour bâtir le pays.

C’est à se demander si cette description idyllique ne relève pas de l’utopie dans une Afrique de l’Ouest qui a, encore récemment, donné des signes inquiétants de vacillement sur le chemin de la construction de la démocratie. Et pourtant, ce pays existe bel et bien ! C’est le Burkina Faso, qui vient de nous donner une leçon de démocratie apaisée, au terme du double scrutin présidentiel et législatif qui s’y est tenu, le 22 novembre.

Ce jour-là, treize candidats, dont Roch Christian Marc Kaboré, ont sollicité le suffrage de 5 918 844 de leurs concitoyens et brigué la magistrature suprême. Ce scrutin a été couplé avec l’élection de 127 députés pour renouveler le parlement. Ce 18 décembre 2020, un arrêt du Conseil constitutionnel a confirmé la réélection du président sortant, avec un score de 57,74 %, et personne ne l’a accusé d’être au service du pouvoir.

Quels ont été les secrets de cette singulière réussite ? Il faut avant tout citer la volonté et la détermination de toute la classe politique burkinabé, opposition comme mouvance présidentielle, qui a engagé un dialogue constant durant toute la période préélectorale dans le but de trouver des solutions consensuelles aux questions potentiellement conflictogènes, à savoir la composition de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), le code et le fichier électoral et, surtout, le processus de surveillance, de décompte, de centralisation et de publication des résultats. Tout ceci a permis de signer un pacte de bonne conduite au terme duquel tous les candidats se sont engagés à respecter les résultats sortis des urnes.

Il faut ajouter à cela l’activisme vigilant d’une société civile jalouse des acquis démocratiques obtenus de longue lutte et qui n’a pas hésité à se saisir de tout sujet pouvant compromettre le climat socio-politique. C’est aussi cette société civile plurielle, composée de femmes, de jeunes et d’hommes engagés pour leur pays, qui a déployé des milliers d’observateurs le jour du scrutin afin de relever les manquements et, au besoin, interpeller la Ceni.

Les médias, privés comme publics, ont défendu leur objectivité, sans tomber dans l’irresponsabilité, sous le regard vigilant d’un organe de régulation qui a joué son rôle de garant de la neutralité.
Et alors que tout le monde craignait une résurgence des attaques le jour du scrutin, les services de défense et de sécurité burkinabè ont su anticiper et faire face au double défi de la sécurisation des scrutins et du « containment » des assauts terroristes.

C’est sur ces acquis initiaux que nous, membres de la Mission d’observation électorale de la Cedeao, avons d’abord évalué l’état des préparatifs puis suivi le déroulement du scrutin et la centralisation des résultats. Et quand, au lendemain du vote, la publication des premiers résultats partiels par la Ceni a paru provoquer émoi et effervescence, nous avons immédiatement approché les divers protagonistes pour leur rappeler les enjeux et les vraies réalités au-delà parfois des perceptions parcellaires.

Fort heureusement, le bon sens et l’esprit de responsabilité ont fini par l’emporter. Cette réussite est aussi due aux plus hautes autorités du pays, qui ont compris que le dialogue sincère et la recherche du consensus sont indispensables pour engager des débats constructifs, débouchant sur des solutions qui emportent l’adhésion de la majorité des acteurs.

Moi qui avais ressenti une certaine appréhension lorsque la Cedeao m’a demandé de conduire sa mission d’observation au Burkina, je ne peux qu’applaudir des deux mains face à cette grande prouesse qui consacre une réelle respiration démocratique dans un pays confronté par ailleurs à de graves défis sécuritaires.

Toutefois, le Burkina a encore une grande marge de manœuvre pour approfondir et vivifier son système démocratique. Il pourrait édicter des règles plus contraignantes pour faire émerger plus de femmes aux différents postes électifs.

Il lui faudra aussi améliorer le taux d’enrôlement des femmes, qui n’ont constitué que 48 % du fichier électoral actuel, alors qu’elles constituent près de 52% de la population totale du pays. Il en est de même pour les jeunes, surtout ceux âgés de 18 à 25 ans, qui n’ont représenté que 9,48 % du fichier, ce qui ne traduit pas leur poids dans la population. Nul doute que si tous exercent leurs droits civiques, le Burkina, pays des hommes et femmes intègres, portera encore plus haut la très envieuse couronne de l’exemplarité démocratique !

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