Africa-Press – Burkina Faso. Depuis bientôt trois ans que ChatGPT existe et qu’il parle, le mot hallucination a pris un sens neuf. Auparavant, et en référence au latin alucinari qui veut dire « errer dans son esprit », « rêver », il désignait les perceptions fausses auxquelles ne correspond rien de tangible. Désormais, il renvoie aussi aux impropriétés des réponses qu’apportent les générateurs de textes à nos requêtes, à leurs impertinences et à leurs faussetés. Cette dernière acception a une histoire qui mérite d’être évoquée.
À l’aube du millénaire, des informaticiens usèrent de ce terme avec une connotation positive pour décrire des images de synthèse intrigantes, par exemple des visages jugés vraisemblables, quoique chimériques parce qu’intégralement fabriqués. Avec le temps, et toujours dans la communauté de la vision sur ordinateur, il désigna des erreurs d’étiquetage, comme celles qui conduisent à légender le livre qu’un homme déambulant sur une plage porte sous le bras « planche de surf » ou « montre ». Ensuite, après l’avènement des LLM (grands modèles de langage), il en est venu à qualifier ce qui se révèle faux ou trompeur dans les textes produits.
Des machines erratiques qui répondent à nos sollicitations
Or, ce dernier sens fourvoie, car il suggère que les chatbots et autres agents programmés avec des techniques d’IA disposeraient d’un esprit doué de facultés imaginatives et qu’ils se forgeraient leurs propres représentations. À l’évidence, il n’en est rien. Ce ne sont là que machines erratiques qui répondent à nos sollicitations en commettant bien des fautes.
L’étymon latin alucinari a aussi donné naissance aux alucites, ces petits papillons nocturnes qui se brûlent à force de virevolter autour du feu des lampes… Souvenons-nous-en et prenons garde à ne pas nous brûler, comme elles, au feu des hallucinations.
Par Jean-Gabriel Ganascia, professeur à Sorbonne Université, à Paris, chercheur en intelligence artificielle au LIP6 (Sorbonne Université, CNRS), ex-président du comité d’éthique du CNRS. Dernier ouvrage publié: L’I.A. expliquée aux humains, Seuil, 2024.
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