Energies renouvelables : vers la fin de l’intermittence

Energies renouvelables : vers la fin de l'intermittence
Energies renouvelables : vers la fin de l'intermittence

Africa-Press – Burkina Faso. C’est certain, le Soleil ne brille pas la nuit et le vent ne souffle pas à toute heure. L’argument est régulièrement avancé par les opposants aux énergies renouvelables: produites de façon discontinue, elles ne sauraient rivaliser avec les énergies nucléaire, thermique et hydraulique.

Pourtant, en 2030, éoliennes et panneaux photovoltaïques fourniront 55 % de l’électricité de l’Union européenne. Ainsi en ont décidé les 27 États membres lors de la révision de la directive sur les énergies renouvelables, le 9 octobre 2023. Et, en 2050, le monde s’appuiera principalement sur les énergies intermittentes. Le solaire et l’éolien s’insèrent déjà nuit et jour de manière stable sur le réseau, et une décennie d’investissements suffira pour que l’intermittence ne soit plus qu’un souvenir. Grâce au stockage de l’électricité et à la gestion de sa distribution.

L’équilibre de la distribution entre production et consommation, c’est en France le travail de Réseau de transport d’électricité (RTE). Un équilibre qui impose, depuis que le réseau électrique existe, qu’à chaque seconde les électrons se déplacent à la même fréquence: 50 hertz (Hz) sur tout le continent européen. Une soudaine défaillance de production, ne permettant pas de répondre instantanément à la demande, peut mettre en péril cet équilibre, provoquant a minima des perturbations sur les appareils électriques et, au pire, l’effondrement du service, le black-out.

« Pour maintenir cette fréquence, nous pouvons nous appuyer, d’une part, sur les prévisions de production des centrales nucléaires mais aussi des énergies renouvelables grâce à la météo et, d’autre part, sur la flexibilité des consommateurs, expose Yannick Jacquemart, directeur Nouvelles flexibilités à RTE. Car face à une énergie intermittente, on peut jouer sur la consommation, soit en mettant momentanément hors service les machines industrielles c’est l’effacement, qui donne lieu à des contrats avec les entreprises, soit en éteignant à distance les appareils ménagers. » Ainsi, le chauffage des logements peut être éteint un quart d’heure sans que l’occupant en ressente une gêne.

100 mégawatts-heure d’énergie immédiatement mobilisable

Demain, l’augmentation de la part des énergies intermittentes dans la production sera corrigée par la sobriété des usages, qui va faire diminuer l’intensité des pics la consommation électrique baisse depuis 2010 grâce à l’efficacité énergétique des équipements et au comportement des consommateurs, mais aussi par l’accroissement des capacités de stockage dans des batteries à lithium-ion. Les gestionnaires visent deux stratégies: le vehicle-to-grid et la centrale de stockage.

L’idée, dans le premier cas, est d’utiliser les batteries des voitures électriques des particuliers lorsqu’ils ne s’en servent pas pour stocker l’énergie en excès dans le réseau. Cette stratégie est notamment testée à l’Institut national de l’énergie solaire (CEA et Université Savoie Mont Blanc), à Chambéry. Simple sur le papier, elle nécessite cependant pour un fonctionnement harmonieux le développement de logiciels et l’apport de l’intelligence artificielle.

Quant à la centrale de stockage, elle consiste à empiler des batteries dans des containers pour additionner leurs puissances. Elle bénéficie d’ailleurs indirectement de la diffusion des véhicules électriques, qui fait baisser le coût des batteries. Le leader européen de cette technique est corse. En 2015, Corsica Sole a inauguré Alata, une centrale de 4,4 mégawatts (MW) qui alimente 1100 foyers du sud de l’île. Des containers abritent des batteries lithium-ion qui cumulent une capacité de stockage de 4,3 MWh.

« Cela nous permet d’accumuler la production des panneaux solaires aux heures les plus ensoleillées pour injecter cette énergie sur le réseau à l’heure de pointe, entre 19 h et 21 h, au moment où la production de la centrale s’arrête » , décrit Jean-Gabriel Steinmetz, directeur Nouveaux marchés à Corsica Sole. Cette première réalisation a permis au producteur corse d’engranger de l’expérience et lui a valu d’être choisi pour construire à Deux-Acren (Belgique) un centre de 50 MW, capable de stocker 100 MWh d’énergie immédiatement mobilisable pour stabiliser le réseau, sans émissions de gaz à effet de serre. Corsica Sole est ainsi le gestionnaire de la plus grosse centrale de stockage à batteries d’Europe.

Un record qui va rapidement être battu. Car l’entreprise insulaire est en train de monter une centrale de 400 MWh en Estonie. Membre de l’OTAN et de l’Union européenne, le pays veut à tout prix se déconnecter du réseau russe. « La centrale que nous construisons dans ce pays, et qui sera mise en service en 2025, est constituée de deux unités de batteries lithium-ion de 200 M W, décrit Jean-Gabriel Steinmetz. Ce qui va permettre à l’Estonie d’assurer elle-même la stabilité de son réseau pour ainsi se coupler avec le réseau européen et, par ailleurs, de stocker en grande partie l’énergie renouvelable que le pays va produire sur son territoire. » L’Estonie vise 40 % d’autonomie électrique en 2030 et le 100 % énergies renouvelables (surtout par l’éolien) en 2050.

Outre la stabilisation des 50 Hz, les batteries lithium-ion sont donc également destinées à stocker l’énergie produite en excès. Actuellement, ces périodes de pics de production, qui ne correspondent pas toujours à une demande des consommateurs, obligent les gestionnaires à déconnecter temporairement du réseau des éoliennes ou des parcs solaires. De l’énergie perdue, donc. Mais ce problème est en cours de résolution en Californie. Entre 2019 et 2024, la puissance de stockage des batteries y est passée de 770 à 10.400 MW ! Et ce n’est qu’un début pour les énergies renouvelables, qui assurent déjà un tiers des besoins de l’État. Plus de 17.000 MW de centrales solaires sont actuellement en projet, et l’autonomie devrait être atteinte en 2045.

L’autre solution de stockage, plus marginale, ce sont les sels fondus, un fluide composé de nitrate de sodium et de nitrate de potassium qui stocke l’électricité dégagée sous forme de chaleur. Il permet notamment d’emmagasiner l’énergie produite à partir de centrales solaires à concentration. Le rayonnement recueilli par les panneaux est transmis au sommet d’une tour où le sel capte la chaleur. Cette chaleur est ensuite turbinée pour produire de l’électricité. Elle peut être utilisée jour et nuit. C’est ainsi que fonctionne la centrale solaire Noor à Ouarzazate, au Maroc, la plus grande du monde avec ses 150 MW.

Le Celtic interconnector, pour relier la Bretagne à l’Irlande

Au-delà de cette gestion sur vingt-quatre heures, les producteurs se posent la question d’un pilotage sur plusieurs jours. Cette fois-ci, c’est l’hydrogène qui est envisagé. Le power to gas consiste à transformer l’électricité en excès en hydrogène vert via des électrolyseurs. À Fos-sur-Mer, le démonstrateur Jupiter 1000, géré par GRT-gaz, fonctionne depuis 2021. En Corse, le programme Alchymiste est dirigé par Corsica Sole à partir de sa centrale solaire de Folelli, où l’énergie produite en excès est transformée en hydrogène alimentant les centrales à gaz naturel de l’île et quelques véhicules. Dans d’autres cas, l’hydrogène ainsi obtenu peut être retransformé en électricité (power to gas to power). La solution, toutefois, fait débat.

« La technologie ne sera probablement pas mature à grande échelle avant 2040, estime Pierre Le Romancer, responsable des programmes de recherche sur le stockage à EDF. Et surtout, les rendements sont très mauvais, car on perd 70 % de l’énergie produite au cours du processus. » « Il ne faut pas oublier que c’est de l’énergie de toute façon perdue, et qu’elle n’a donc pas de prix, rétorque Jean-Gabriel Steinmetz. Sur quelques heures, les batteries restent les plus compétitives, mais sur des périodes plus longues, l’hydrogène devient rentable. » La démonstration reste cependant à faire, et les ingénieurs du secteur attendent beaucoup du bilan de Jupiter 1000, fin 2024.

Enfin, la gestion du réseau s’effectue désormais à l’échelle européenne. Tous les pays de l’ouest de l’Europe sont interconnectés, si bien qu’une production excédentaire peut être évacuée vers une zone déficitaire. Deux exemples: le Celtic Interconnector, une liaison électrique de 575 kilomètres, reliera en 2027 la Bretagne à l’Irlande pour acheminer en France les excédents des grands parcs éoliens celtiques. Et les parcs espagnols alimenteront l’Allemagne via l’hydrogénoduc H2Med-BarMar prévu entre Barcelone et Marseille, qui se poursuivra par le système Hy-Fen, de cette ville à la frontière allemande.

Des réseaux flexibles, des interconnections à l’échelle du continent, des consommateurs acteurs, des capacités de stockage rentables: les heures nocturnes et les faiblesses du vent ne sont plus des obstacles à la fourniture d’une électricité produite sans gaz à effet de serre.

Des batteries haut perchées

La plus grosse batterie du monde se trouve en Suisse. Elle est rechargée par pompage de l’eau du Léman jusque dans le lac de l’Hongrin, 880 mètres plus haut. En faisant le trajet inverse, sous l’effet de la gravité, l’eau entraîne des turbines qui produisent de l’électricité. Capacité: 100 GWh ! Elle se fera doubler en 2026, lorsque le champion sera australien: Snowy 2.0 stockera 350 GWh. Ces stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) représentent quelque 95 % des capacités mondiales de stockage de l’électricité. La France en exploite six, totalisant 103,5 GWh.

Les sites montagneux propices à l’installation d’une STEP ne sont pas légion. Mais d’autres pistes sont explorées. À Saint-Denis-de-la-Réunion, EDF prévoit d’installer une « STEP marine ». Un bassin perché à 300 mètres d’altitude y stockera l’eau pompée dans l’océan Indien. En Colombie, la start-up française StepSol va installer une micro-STEP en circuit fermé utilisant des poches souples comme réservoirs. Raccordée à des panneaux solaires, elle alimentera un village isolé. À Londres, RheEnergise entend remplacer l’eau par un liquide pâteux d’une densité 2,5 fois supérieure afin de réduire de 60% le dénivelé nécessaire…

Mais la gravité s’applique aussi aux solides. D’où l’idée de hisser des blocs à l’aide d’un moteur électrique réversible, puis de les faire redescendre en faisant jouer à celui-ci le rôle de générateur. La jeune pousse helvétique Energy Vault a livré une première installation (100 MWh) à Rudong, près de Shanghai: dans un bâtiment haut de 120 mètres, une grue stocke en hauteur des briques de 35 tonnes et les « relâche », à la demande. Même principe, mais en sous-sol, avec une première installation prévue en Finlande par la start-up écossaise Gravitricity, sur un puits de mine désaffecté de 530 mètres de profondeur.

Enfin, la texane Quidnet Energy remplace la gravité par la pression. Pour charger sa batterie, elle injecte de l’eau sous très haute pression dans un réservoir géologique. Aux Pays-Bas, Ocean Grazer veut transposer le principe sous la mer, au pied d’éoliennes offshore, en forçant de l’eau dans des poches flexibles posées sur le fond marin et donc soumises à haute pression. L’énergie stockée est restituée quand l’eau retourne, via des turbines, vers des réservoirs rigides basse pression.

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