La station polaire Tara à l’assaut des glaces

La station polaire Tara à l'assaut des glaces
La station polaire Tara à l'assaut des glaces

Africa-Press – Burkina Faso. Ce 4 avril, Romain Troublé, directeur général de la fondation Tara, quitte le port de Cherbourg le cœur gonflé d’émotion. La veille a eu lieu le « transfert de propriété », une sorte de remise des clés de la nouvelle station polaire par les Constructions mécaniques de Normandie (CMN). Le soir même, l’équipage se prépare à passer sa première nuit à bord.

Dans quelques jours, le navire aux allures de soucoupe flottante prendra la mer pour sa première navigation vers Lorient, son port d’attache. « Voici venu le temps de l’apprivoiser, de comprendre comment il se comporte en mer. La prise en main est toujours un moment délicat « , explique Romain Troublé.

Après un chantier de près de deux ans, c’est la concrétisation d’une esquisse réalisée en 2014 par Romain Troublé et Étienne Bourgois, président de la fondation Tara. Conscients que l’Arctique est à l’avant-poste du changement climatique, les deux hommes s’interrogeaient sur la nécessité de revenir dans la région pour documenter les bouleversements en cours et leur impact sur la biodiversité. À l’issue de la dérive transpolaire accélérée de la goélette Tara en 2008, les scientifiques avaient en effet constaté qu’un nouveau régime des glaces, plus jeunes, fines et donc susceptibles de fondre l’été, était en train de se mettre en place.

Mais en 2013, lorsque Tara était revenue dans les eaux boréales pour des analyses biologiques, il était apparu que les prélèvements réalisés sur un pont balayé par des vents polaires étaient excessivement difficiles. D’où l’idée d’un nouveau vaisseau qui reprendrait le dessin de la coque arrondie et aplatie de Tara, conçue pour échapper à la pression des glaces en étant soulevée en surface par ces forces puissantes. Et puisqu’il s’agit de se laisser porter par la banquise et non de s’y frayer un chemin, nul besoin d’une étrave. Germe alors l’idée d’un vaisseau rond.

Au fil des réflexions avec l’architecte naval Olivier Petit, il deviendra ovale afin de garder la manœuvrabilité d’un bateau pour ses transits en mer. Aujourd’hui achevée, la station polaire Tara mesure 26 mètres de long pour un poids à vide de 233 tonnes. Sa coque en aluminium a une épaisseur de 20 millimètres – trois fois plus que celle d’un bateau classique -, ce matériau ayant été choisi pour sa résistance aux basses températures, contrairement à l’acier qui peut devenir cassant.

« La partie immergée contient une structure alvéolée de 5000 pièces qui rigidifie la coque », détaille Ludovic Marie, chargé du programme Tara aux CMN. Pour maintenir l’intérieur de la station à environ 20 °C quand il règne à l’extérieur des températures de -20 °C à -40 °C, les parois sont couvertes de laine de roche et de feuilles d’aluminium, atteignant par endroits une épaisseur de 30 centimètres.

La mission Polaris 1 devrait durer 18 mois

Le cœur de la station est occupé par la « Moon Pool », un cylindre creux fermé par une trappe, qui plonge sous la banquise. Les scientifiques y descendront une rosette, un dispositif conçu pour mesurer les paramètres physico-chimiques de l’océan et prélever des échantillons d’eau. À terme, ils y plongeront des drones sous-marins.

Équipée d’éoliennes et de panneaux solaires, la station recycle également les huiles de cuisson usagées pour la fourniture d’énergie. Outre les espaces de vie – dont 12 cabines, un sauna et une salle médicalisée -, elle dispose de cinq laboratoires spacieux, notamment une chambre froide consacrée à l’étude des carottes de glace. Des capteurs sont fixés à la coque et à la quille. Des expériences seront également menées en aérien, à l’aide par exemple de ballonssondes, en vue de mieux comprendre les interactions entre océan, glace et atmosphère. L’équipage de 12 personnes en hiver et 18 en été sera composé de scientifiques, marins et médecin.

Après des semaines d’aménagement de ces espaces, la station quittera Lorient début juin pour mettre le cap sur Longyearbyen, en Islande. Elle y a rendez-vous le 7 juillet avec le brise-glace allemand Polarstern, qui doit lui frayer un chemin dans les glaces. Si tout se passe bien, la station devrait ensuite remonter au sud du Groenland. La première dérive transpolaire, nommée Polaris 1, est prévue à partir d’août 2026.

Elle devrait durer dix-huit mois, dont quatorze dans les glaces, « à raison d’environ 10 kilomètres par jour sous l’action du courant transpolaire et des vents, indique Martin Hertau, premier capitaine du bateau au départ de Cherbourg. Mais aujourd’hui on prévoit que l’océan Arctique sera libre de glaces estivales à l’horizon 2035: les dérives seront sans doute de plus en plus rapides.  » Pendant vingt ans, une nouvelle mission transpolaire devrait ainsi avoir lieu tous les deux ans.

« La mission Polaris 1 sera centrée sur les écosystèmes arctiques, souligne Chris Bowler, biologiste à l’École normale supérieure et coordinateur scientifique du projet. Car le climat et la biologie sont intimement liés: certains micro-organismes arctiques jouent un rôle clé dans la formation des nuages et la régulation du climat. Comprendre ces processus est crucial pour anticiper les changements à venir.  »

La goélette « Tara », témoin de la dérive transpolaire accélérée

En 1881, la Jeannette, un navire américain qui tentait d’atteindre le pôle Nord, s’est disloquée sous la pression des glaces dans le détroit de Béring. Des débris du bateau retrouvés quelques années plus tard au large du Groenland laissaient penser qu’il existait un courant marin à l’œuvre sous la banquise. En 1893, le Norvégien Fridtjof Nansen explora cette hypothèse avec son navire, le Fram, dont l’architecture a inspiré celle de la goélette Tara. Le Fram dérivera dans les glaces trois ans durant. En 2006, Tara se laissa à son tour dériver dans la banquise, un voyage qui durera 507 jours – deux fois plus rapide que celui du Fram. Cette dérive a mis en lumière les bouleversements en cours dans la région: 70 % du volume de sa banquise a disparu en quarante ans…

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