Les proto-ailes des dinosaures servaient-elles à effrayer leurs proies ?

Les proto-ailes des dinosaures servaient-elles à effrayer leurs proies ?
Les proto-ailes des dinosaures servaient-elles à effrayer leurs proies ?

Africa-Press – Burkina Faso. Il y a près de 50 ans, le paléontologue américain John Harold Ostrom (1928-2005) proposait l’idée que les proto-ailes des dinosaures non aviaires avaient pour utilité d’effrayer certaines proies, les obligeant ainsi à sortir de leur cachette pour, dès lors, constituer une cible bien plus simple à gober. Une technique de chasse que pratiquent toujours certains oiseaux actuels comme le Moqueur polyglotte (Mimus polyglottos) ou le Grand Geocoucou (Geococcyx californianus), deux oiseaux présents en Amérique du Nord. Cette ancienne hypothèse a aujourd’hui été évaluée par une équipe sud-coréenne, à l’aide d’un dinosaure-robot construit pour l’occasion et baptisé Robopteryx, son allure étant calquée sur celle du Caudipteryx, un prédateur à deux pattes de la taille d’un paon qui vivait il y a environ 124 millions d’années.

Des plumes d’oiseaux mais pas de vol

Le Caudipteryx appartient au groupe des Pennaraptora, de petits dinosaures munis de plumes sur la queue et les membres antérieurs où elles forment des proto-ailes. Ces plumes bien particulières sont appelées plumes pennacées: elles sont longues, rigides et asymétriques chez les oiseaux modernes. Ce sont elles qui permettent le vol. Presque tous en sont d’ailleurs équipés. Mais les dinosaures comme Caudipteryx ne pouvaient pas voler, leurs proto-ailes étaient bien trop petites pour pouvoir assurer un vol propulsé. Néanmoins, leur présence suggère qu’elles procuraient d’autres avantages, ce qui explique qu’elles aient été conservées au cours de l’évolution.

“La forme complexe des plumes pennacées a probablement subi de multiples pressions sélectives, ce qui indique que les premiers dinosaures à plumes pennacées utilisaient probablement ces plumes pour diverses fonctions. S’appuyer sur un mécanisme unique ne semble pas être une approche convaincante pour comprendre l’évolution de ce type de plumes”, explique à Sciences et Avenir, Jinseok Park, de l’Université nationale de Séoul, principal auteur de l’étude parue dans la revue Scientific Reports.

Tour à tour, et sans que l’une exclue l’autre, les scientifiques ont émis différentes idées pour expliquer le rôle des ailes: caractère sexuel secondaire, camouflage, régulation thermique. Et, bien entendu, elles jouent aussi un rôle dans la locomotion et les déplacements. “Au cours du processus de poursuite, les plumes auraient pu aider à manœuvrer, à sauter, à bondir et à fondre sur les proies, des fonctions proposées précédemment. Par conséquent, notre hypothèse de la chasse offre une explication et une perspective relativement convaincantes pour l’utilisation des proto-ailes et des plumes de la queue”, précise le paléontologue.

Un robot et des sauterelles

Selon les chercheurs, la taille des ailes, la présence de plumes sur la queue mais aussi leur couleur et leur contraste permettent de débusquer plus efficacement les proies, des sauterelles dans l’étude qui est narrée ici, qui sont des insectes de l’ordre des orthoptères dont des représentants existaient déjà du temps de Caudipteryx. Des études, sur les oiseaux qui utilisent ce stratagème, ont révélé que l’affichage d’un plumage contrasté (souvent avec des taches noires et blanches) sur les ailes et la queue déclenche la fuite de leurs proies et augmente ainsi l’efficacité de la chasse. La neurobiologie derrière cette relation a également été étudiée, notamment par Piotr Jablonski, de l’Académie Polonaise des sciences, qui co-signe cette nouvelle étude. Selon lui, des neurones spéciaux chez les insectes sont activés par les figures sur les ailes et ils déclenchent la réaction de fuite.

Pour tester cette hypothèse, les scientifiques ont donc construit le Robopteryx, un robot aux ailes mobiles. Équipé de neuf moteurs, le Robopteryx a été programmé pour imiter les mouvements des membres antérieurs et de la queue d’oiseaux qui se nourrissent au sol. Il a ensuite été dirigé vers des sauterelles. Les résultats indiquent que les sauterelles s’échappaient plus fréquemment lorsque des proto-ailes étaient présentes sur les membres antérieurs (dans 93% des cas), par rapport aux expositions sans proto-ailes (47% de fuite). De plus, elles fuyaient plus souvent lorsque les proto-ailes avaient des taches blanches que lorsqu’elles étaient noires. Enfin, les sauterelles déguerpissaient aussi plus rapidement lorsque les plumes de la queue étaient présentes, en particulier lorsque la surface des plumes de la queue était grande.

Cet impact avéré des ailes et des plumes suggère fortement que ces structures ont pu évoluer pour faciliter la chasse, en sus d’autres fonctions comme on l’a vu. “Il existe cependant des variations au sein des espèces et au sein des individus, qui reflètent la nature dynamique de la situation de chasse, où l’efficacité du comportement dépend de facteurs tels que le type de proie, la densité de la végétation ainsi que l’apparence visuelle. On s’attend de manière générale à ce que des proto-ailes et des plumes de queue plus larges et des mouvements plus élaborés des bras et de la queue déclenchent plus efficacement la fuite des proies”, résume Jinseok Park. En sélectionnant de tels attributs, l’évolution a probablement façonné ces petits dinosaures en les équipant de plumes plus longues et plus rigides et de muscles plus puissants pour battre des ailes. Autant de caractéristiques nécessaires pour qu’ils finissent par prendre leur envol.

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