Que sait-on de la consommation d’alcool par les animaux ?

Que sait-on de la consommation d'alcool par les animaux ?
Que sait-on de la consommation d'alcool par les animaux ?

Africa-Press – Burkina Faso. Des chercheurs britanniques, canadiens et américains l’assurent: « Une vision anthropocentrique de l’éthanol a masqué son importance dans la nature ». Dans l’étude qu’ils ont publiée le 30 octobre 2024 dans la revue Trends in Ecology & Evolution, ils rappellent que l’éthanol (un alcool) est présent dans de nombreux fruits, sèves et nectars. Pourquoi alors seulement l’humain y goûterait ?

Reprenons depuis le début: comment l’éthanol est-il produit ? Les plantes elles-mêmes peuvent produire des alcools comme le méthanol. Mais ces composés sont souvent toxiques, alors les animaux ne les consomment pas. Dans la nature, l’éthanol – qui peut aussi, comme on le sait, être toxique selon la dose consommée – est produit quant à lui surtout par la levure Saccharomyces cerevisiae. Dans un fruit, la présence de glucose (sucre) et de levures va conduire à la fermentation alcoolique et ainsi à la production d’éthanol, le tout dans un environnement privé d’oxygène.

« Il existe plus de 357.000 espèces de plantes vasculaires dans le monde et plus de 325.000 espèces de plantes à fleurs, fournissant des substrats riches en sucre pour la fermentation des levures dans presque tous les écosystèmes », énumèrent les chercheurs dans leur nouvelle étude. Par exemple, au Costa Rica, de l’éthanol a été détecté dans 29 des 37 espèces végétales consommées par les animaux frugivores.

Une consommation d’alcool difficile à évaluer dans la nature

« Il est de plus en plus évident que les humains ne ‘boivent pas tout seuls’ et que de nombreux animaux ingèrent de l’éthanol dans leur environnement naturel », assurent les scientifiques. Cette consommation reste néanmoins difficile à évaluer. Les chercheurs ont donc listé quelques exemples qui appuient leur propos. Parmi eux, le cas édifiant de la drosophile. Elle préfère que ses larves soient nichées dans des fruits en fermentation, avec des niveaux d’éthanol supérieurs à 4% dans la nature et même de 15% dans un environnement humain !

Concernant les vertébrés sauvages, l’évaluation est moins aisée. Il existe bien des anecdotes, mais la quantité d’alcool dans le fruit ciblé par l’animal ou dans l’animal lui-même n’a jamais été mesurée. Dans des conditions expérimentales, des ayes-ayes et des loris lents captifs, deux espèces de primates, ont été capables de sonder la quantité d’éthanol présente dans des boissons et semblaient préférer celles contenant de hauts niveaux d’alcool (2% à 5%). A l’inverse, les Roussettes d’Égypte (une espèce de chauve-souris frugivore) captives préfèrent éviter les fruits qui contiennent plus de 1% d’éthanol, peut-être parce qu’une telle consommation d’alcool les handicape lors du vol et de l’écholocation.

« Il existe quelques cas récemment documentés où l’ingestion d’éthanol par des primates sauvages est évidente. Les Atèles de Geoffroy (Ateles geoffroyi) se nourrissent des fruits fermentés du prunier mombin, avec des niveaux d’éthanol dans les fruits compris entre 1 % et 2,5 %, et des échantillons d’urine prélevés sur les singes ont confirmé la présence de métabolites de l’éthanol, détaille l’étude. De même, les chimpanzés sauvages (Pan troglodytes verus) ingèrent à plusieurs reprises de la sève de palmier (Raphia hookeri) fermentée ».

On sait maintenant que l’enzyme ADH4 – active sur plusieurs alcools – est abondante dans l’estomac, l’œsophage et sur la langue des primates. Ce n’est pas le seul indice cellulaire d’une certaine résistance à l’alcool chez les animaux. Le Toupaye commun, un mammifère, est doté quant à lui de ADH1, que l’on retrouve aussi dans le foie des humains. Cependant, chez le Toupaye, « l’efficacité catalytique de l’ADH1 est presque quatre fois supérieure à celle de l’homologue de référence » que l’on trouve chez nous.

« Chez 85 espèces de mammifères, une sélection plus forte des gènes impliqués dans le métabolisme de l’éthanol a été déduite chez les spécialistes de l’alimentation en fruits et/ou en nectar, tandis que pour les taxons spécialisés dans d’autres aliments contenant peu ou pas d’éthanol (par exemple, les espèces hautement herbivores ou carnivores), la sélection pour ces gènes est généralement plus faible », commentent les chercheurs.

« D’un point de vue écologique, il n’est pas avantageux d’être ivre »

Pour quelles raisons les animaux consommeraient-ils de l’alcool ? Avant de consommer de l’éthanol, les animaux cherchent à se nourrir. La présence d’alcool dans un fruit pourrait traduire sa teneur en sucre et donc sa valeur énergétique. « Mieux vaut consommer des aliments riches en éthanol que pas de nourriture », pensent les chercheurs. En outre, l’éthanol peut représenter un indice olfactif de la présence d’un aliment dans le coin. Concernant la drosophile, la ponte dans un fruit riche en éthanol pourrait permettre de protéger les œufs contre des parasites.

De nombreuses questions demeurent sans réponse. Nous ne connaissons pas la quantité d’alcool présente dans la nature ou encore l’évolution de cette quantité selon le changement climatique. En outre, comment les animaux évaluent-ils la concentration en éthanol d’un fruit ? Et est-ce que chez les animaux aussi l’alcool permet une désinhibition qui favorise les contacts sociaux ? Mystère.

Quoi qu’il en soit, les intérêts des humains et des autres animaux face à l’alcool ne se rejoignent sans doute pas. « D’un point de vue écologique, il n’est pas avantageux d’être ivre lorsque vous grimpez dans les arbres ou que vous êtes entouré de prédateurs la nuit. C’est la recette parfaite pour ne pas transmettre vos gènes, explique dans un communiqué Matthew Carrigan, co-auteur de l’étude. C’est le contraire des humains qui veulent s’enivrer mais ne veulent pas vraiment de calories. Du point de vue non humain, les animaux veulent des calories mais pas l’ivresse ».

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