BILLET | Une justice à huis clos

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BILLET | Une justice à huis clos
BILLET | Une justice à huis clos

Africa-Press – Burundi. Ils vont m’accuser de « solidarité négative », de corporatisme, etc. Mais comment rester insensible face à la condamnation d’une collègue à 10 ans de prison ? Je ne connais pas personnellement Floriane Irangabiye. Je la suivais souvent lors de ses émissions sur la radio en ligne Igicaniro. Assez critique sur ce qui se passe au Burundi (ce n’est pas un délit), une belle voix radiophonique, des thèmes intelligents. Bref, une bonne journaliste. Basée au Rwanda, Floriane Irangabiye est rentrée au Burundi. Déjà, si elle se reprochait de quoi que ce soit elle ne serait pas allée se jeter dans la gueule du loup. La suite, on la connaît. Arrêtée, elle vient de prendre 10 ans pour « atteinte à l’intégrité du territoire ».

D’abord une précision : Floriane Irangabiye est citoyenne burundaise, elle n’est pas au dessus de la loi, c’est une justiciable. La question n’est pas là. Le crime qui est imputé à la jeune dame est lourd : atteinte à l’intégrité du territoire. Qu’est-ce qui est derrière cette terrible accusation ? A-t-elle prôné la sécession d’un territoire burundais ? Personne ne le sait. Pourtant, au vu de la charge, elle méritait un procès public, ouvert aux médias, afin de montrer que si la justice burundaise a eu la main lourde, c’est avec raison. Et tout le monde se serait incliné devant un jugement à la hauteur du « crime » de Floriane Irangabiye.

Sabotage ?

Les juges vont sciemment ignorer l’article 211 de la Constitution qui fait du procès public la règle, le huis clos n’étant obligatoire que pour certains jugements impliquant des mineurs par exemple. Ce qui n’est pas le cas de Floriane Irangabiye. Ils vont juger la journaliste à huis clos, presque en catimini. Pourtant, le Président Ndayishimiye a dit sur tous les tons et dans toutes les langues que désormais les Burundais ont droit à une « justice équitable et transparente ».

Le Président dénonce des « forces qui entravent son action ». Très souvent, il a exprimé sa « solitude » dans la reconstruction de la justice burundaise notamment. Ce qui vient de se passer est emblématique. Ce jugement à huis clos va susciter, avec raison, le tollé, une condamnation internationale. Il vient annihiler les efforts entrepris depuis de longs mois par le président Ndayishimiye et son ministre des Affaires étrangères, Albert Shingiro, pour présenter et défendre une meilleure image du Burundi et de sa Justice. « On n’avait pas besoin de ça », m’a dit avec dépit un haut cadre du parti au pouvoir.

Ceux qui ont condamné la jeune journaliste ne pouvaient pas ignorer le tollé que susciterait cette justice à huis clos. Mais est-ce que c’est la journaliste qui est vraiment visée ? La question mérite d’être posée. Floriane Irangabiye n’est peut-être qu’une victime collatérale…

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